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 La cour des miracles - Roulotte et hacienda

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Pluie
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Pluie


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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyLun 20 Juil - 23:58

Joachim


Guilleret, sifflotant comme un pinson, Joaquim arrivait près de la grande salle, quand un bras le retint. La main sur la dague, il reconnu son ami Sajara.

Joaquim esquissa un pas sur le côté et les deux hommes se retirèrent dans une salle contiguë…

Sajara lui relate ce qu’il a vu, et son désir de jouer un mauvais tour à la vieille chouette.

Le patriarche n’y va pas par quatre chemins. Ce n’est pas son genre.

- Tu récupères les robes et tout ce qui va avec et tu fais disparaître la vieille.
Je ne veux pas de trace et pas de cadavre… après un temps d’arrêt, il ajoute : ni de témoins !

Le message est clair et sans détour.
Le chef de guerre se retrouve comme aux plus belles heures de son commandement. Sa meute de loups va reprendre du service.
Pas de sentiment ou de fioriture. Un obstacle, on le contourne. Un gêneur, on l’élimine.
Le tout est de ne pas laisser de preuves.

Sajara acquiesce. Son maître ordonne et il obéit.
Il est fier de servir ce grand seigneur, et rassuré de le voir encore déterminé. Sa santé le faisait parfois douter de le voir prendre de telles décisions.


Le vieux guerrier va maintenant ripailler avec son fils et sa belle-fille.
Que lui avait dit son fidèle Sajara ?
« Tu verras la jeune gitane a mis en valeur ses attributs. » Cela faisait sourire Joao.

Reprenant son air guilleret et son sifflement, il laissa le maure à sa besogne.
En entrant dans la salle, il aperçut de suite le fruit défendu de son fils.

En effet, on ne lui avait point menti !
Quel délicate et frêle demoiselle, on a tout de suite envie de protéger un petit lot pareil.
Ma foi, se dit-il la vue est magnifique.

La nervosité régnait dans la pièce, une atmosphère tendue et prête à dégénérer en orage.

Plein d’entrain, il salua les convives.
- Et bien ma chère lança t-il à sa future bru, il ne faut point brusquer un vieillard de mon espèce. Votre vue ferait passer le Styx à nombre de mes contemporains.
Un rire ponctua sa remarque.
Il sentit la douce blonde rougir. Son fils loin de se méprendre sur les intentions de son père esquissa un sourire et serra la main de sa compagne pour lui certifier qu’ils avaient avec eux le plus sur des soutiens.

Se tournant vers la maîtresse du château, il détecta le regard désapprobateur de sa femme. Une arbalète ne serait pas plus dangereuse. Ses yeux lançaient des traits.
Dona Philippa resservi à son mari le spectacle de la châtelaine scandalisée par le vol sous son propre toit.
Arminho devait faire fi de ce qu’il savait ; il tapa sur la table faisant trembler les carafes…
- Quoi ? foutre de bouc !
Que le malandrin qui a commit ce forfait ramène sur le champ les effets de dame Malika, ou le cuistre aura le sort qu’il mérite !
J’espère que mes propos feront le tour de mes terres.


Sachant très bien qu’à l’heure présente la coupable devait périr sous les mains de Sajara ; il précisa que le soir venu, il était persuadé que le laquais aurait ramené les effets personnels de leur hôte.
Il s’adressa à Malika lui affirmant qu’à l’heure du coucher, tous ses effets seraient sur son lit.

Arminho sentait que sa femme désapprouvait son comportement. Son seul désir était de voir marier son fils à Isabella. La partie allait être serrée.
Pauvre vieille folle pensa t-il. Je n’ai pas « monté » ce domaine pour le partager avec les Gonzales d’Almirante.
Je préfère voir mon fils heureux avec une bohémienne, à courir le pays, vivre l’aventure,
que devenir un sinistre sire enfermé derrière ses remparts à se farcir une femme qu’il ne peut plus supporter.
Tout en se faisant cette réflexion, Arminho se demandait pour qui il parlait, son fils ou lui-même.

Il fit un signe à l’un des serviteurs. On lui servi du vin.

- Je lève mon verre à mon fils et à ma bru.
Il se tourna vers Isabella pour qui il éprouvait une sorte de tristesse et énormément de tendresse.

- Ma chère Isabella, je sais tout le mal et l’amertume que tu dois tirer de tout ceci.
Je te considère comme ma fille. Et tant que je vivrai, tu seras toujours accueillie comme il se doit.
La vie est cruelle. Je conçois le mal qui ronge ton cœur. Quelques soient les conseils que te prodigueront ta mère et ma femme ; ne les écoutent point. Suis ton cœur !
Reste celle que j’ai toujours aimée, appréciée et chérie.
Ne t’embarque pas dans quelconques vengeances ou aigreur vis-à-vis de Rodrigo et Malika.
Tu n’en tirerais que meurtrissures…

Un silence de plomb régnait dans la grande salle.

- Je lève donc mon verre à l’union de mon fils Rodrigo et de sa compagne Malika…

Sa main ridée aux articulations abîmées par le temps tremblotait.
-Je laisse à mon fils toutes mes terres, à lui de gérer comme il entend ses contrées.
Je n’y mets que trois conditions !
Je garde la tour à mes fins personnelles. Je veux que mon fidèle Sajara soit ici chez lui, qu’il aille comme il l’entend. Enfin je désire que mon ami Rodolfo devienne le conseiller attitré.

Arminho dévisageait chaque personne assis autour de la table.
- Vous l’avez compris j’entreprends un voyage… peut être le dernier, l’ultime…

Sa respiration se faisait lente.
- J’ai écris au roi pour entériner mes décisions.

Femme, tu auras tes quartiers dans le château et la maisonnette aux abords de la forêt au nord du domaine. Mais tu n’auras aucun pouvoir de décision.

Tous ce que je viens de dire tiens lieu de testament. Une copie a été envoyée au roi.
J’ai parlé !

Joaquim se rassoit devant un parterre médusé.
Assez satisfait de son annonce et de son effet, un sourire se dessine sur le visage du vieil homme.

Nul doute que la disparition de la vieille toupie passera inaperçue.


Malika


Malika se tient aux côtés de Rodrigo, assise à la grande table où donà Philippa les a précédés.

A ta santé, Malika. J’espère que ce regrettable incident ne nous empêchera pas de passer une soirée agréable en famille et entre amis.

Malgré les propos bienveillants de la châtelaine, Malika sent sur elle son regard froid et méprisant. Il y a plus de chaleur dans le regard d’un lézard que dans le sien. Heureusement que Rodrigo est près d’elle, et qu’il tient sa main bien enfermée dans la sienne, tel un oisillon dans son nid.
Nerveuse sans le laisser paraître, Malika serre très fort, de sa main libre, et par un réflexe de défense, la dague d’argent glissée dans sa ceinture. Elle serre si fort que ses jointures en sont blanches. Devant tant d’hypocrisie, elle préfère se fermer à ce qui se passe autour d’elle, et son esprit s’envole. Elle repense toutefois à la phrase d’Isabella.

D'ailleurs, d'où viens-tu ? Nous ne savons rien de toi !

Oui son esprit s’envole vers les siens, des gens peut être rustres, mais respectueux d’une parole donnée à un compagnon, ou encore filous lorsque l’occasion se présente. Si joyeux, exubérants, profonds et tourmentés à la fois. Si solidaires les uns des autres, et si farouches guerriers lorsqu’on attaque les leurs. Elle est tout cela Malika, bouillante ou glaciale, passant du blanc le plus pur au noir le plus abyssal.

« Non Isabella tu n’en connaîtras jamais plus sur ma vie, tu respires la fausseté, le complot, je te pense capable des pires horreurs ainsi que dona Philippa. Vous vous êtes bien trouvées, vous êtes aussi sournoises l’une que l’autre,il n'y a pas que ton grand amour pour Rodrigo, mais quelques chose d'autre qui vous lie toutes les deux ».

Mais son Père, en l’éduquant, a tempéré la sauvageonne, il lui a appris la sagesse, la patience orientale. Le savoir des innombrables livres qu’il lui donnait à lire et qu’elle dévorait dès que les lettres apprises arrivaient à se mettre en mots, puis les mots en phrases.

« Baba, baba, saïdi bech in wili kwryu » ( Père, père, aide moi à être forte.)

Elle observe Isabella, ses simagrées ridicules, avec sa rose rouge et son décolleté plongeant qu’elle promène sous le regard de Rodrigo. Il est évident qu’elle veut attirer son attention, elle en rajoute en promenant un médaillon de droite à gauche, comme si elle désirait l’hypnotiser.

Malika se serre contre Rodrigo, un sourire radieux affiché sur les lèvres, et, sans quitter Isabella de ses yeux qui la défient, elle tend son cou gracieux vers lui afin d’y recevoir ses baisers les plus tendres. « Moi aussi je peux jouer à ce petit jeu de la séduction, ma chère »

Tout d’un coup la porte s’ouvre avec fracas, et le Père de Rodrigo apparait.

Malika, surprise et saisie par la prestance du vieil homme, se lève de sa chaise et le dévisage.
C’est un Homme comme elle en connait dans son peuple, et comme elle aime à retrouver. Contrairement aux femmes de la maison, il est direct, voire un peu brutal, dans son comportement comme dans ses paroles.

Plus les propos de don Joachim se précisent, plus elle rougit, heureuse d’une part de trouver enfin un allié, mais aussi parce qu’il semble régler certains comptes envers dona Philippa. Apaisée par la confirmation de ce soutien sans limite, elle se rassied tout contre Rodrigo, accrochant ses doigts aux doigts de son amant.

Arminho dévisage lentement chaque personne assise autour de la table, et conclut ainsi.

Vous l’avez compris j’entreprends un voyage… peut être le dernier, l’ultime…

Et soudain une vision traverse l’esprit de la jeune gitane, son regard limpide se voile, ses prunelles se noient dans celles du majestueux vieillard.

Non ! Non, mon Père, ne nous quittez pas, nous avons besoin de vous ! Sa voix se brise, ..... J’ai besoin de vous …

Les visages étonnés se tournent vers elle.


Sajara


A pas feutrés, aussi féline qu’une panthère, ne déplaçant qu’un léger souffle d’air, une tâche noire parcourait les coursives du château. Une ombre à peine visible, si on n’y faisait pas attention.
L’ombre traversait les couloirs, elle se mouvait en silence, se déplaçait en ne laissant qu’une trace obscure sur les murs.

L’ombre, arrivait à proximité des chambres des invités… ne s’y arrêta que l’espace d’un instant. On la sentait à la recherche de sa proie, telle la grande faucheuse en quête d’âme à faucher. Ce soir la mort allait emportée une vie.
Elle se mouvait délicatement, presqu’en glissant.
Les hommes qui l’avait aperçut avait vécu leur dernière nuit ; ceux-là ne verraient pas la lumière du jour.

Un trait de lumière se distinguait dans l’obscurité. Elle venait du dessous d’une porte.

L’ombre, spectre emmitouflé dans une cape, une capuche sur la tête, se saisit de la poignée de porte pour la tourner. Elle entra dans la pièce, une chambre quelconque.

Une vieille femme assis sur un lit ne prêta nulle attention à cette noirceur qui subtilement s’immisçait dans son espace.

Deux mains vinrent se lover autour de son cou, serrèrent avec force le fruit trop mûr.
Un geignement, un bruit étouffé marquèrent la fin de la vieille femme.
La grande faucheuse déposa délicatement le corps sur le sol.

Inès, la servante de la majestueuse Isabella Gonzales d’Almirante avait vécue. Elle ne sut jamais qui lui avait fait cracher son dernier souffle.

Pendant que le corps sans vie de la femme à tout faire des Gonzales d’Almirante gisait au pied du lit. La mort enleva son capuchon. Les mains gantées sortirent un sac.

Le spectre avait le visage de Sajara.
Il venait d’achever la première partie de sa mission.
Il fouilla la chambre, et ne fut pas long à trouver les affaires de Malika. Il les dissimula délicatement dans son sac. Puis il se dirigea vers la chambre de la petite bohémienne où il déposa tout ce qu’il avait récupéré sur le lit.

De retour dans la chambre de la gisante, il s’employa à faire disparaître toutes traces qui aurait pu l’incriminer.
Il enroba le cadavre dans une housse noire, mis le tout sur l’épaule, et se couvrit le visage.

La mort emporta son dû.

Le spectre s’évanouie dans la nuit.

Personne ne retrouvera Ines.
La mort a ce pouvoir d’effacer des mémoires les personnes défuntes.

Malika aura retrouvé ces robes. Personne ne pouvait incriminer Sajara et donc Joaquim.

Une mission parfaitement menée, comme les aime Sajara…
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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyLun 20 Juil - 23:59

Rodrigo


Son père, don Joaquim, est coutumier des coups de théâtre, des décisions les plus inattendues. Il est habitué à gérer, à commander, et les seules personnes qu’il daigne consulter ne font pas partie de sa famille. Il a une poigne de fer dans un gant … de fer. Ses décisions surprennent toujours, dérangent parfois, mais ce soir il a vraiment fait très fort ! C’est en quelque sorte son testament qu’il vient de prononcer, ses dernières volontés qu’il vient d’énumérer. Et le vol des toilettes de Malika passe vite au second plan, tant est immense l’étonnement de chacun, même si don Joaquim a promis les pires représailles à l’encontre du coupable, sur un ton menaçant qui ne laisse subsister aucun doute sur ses intentions réelles. Oui, il est téméraire et dangereux de contrarier le puissant Arminho.

La satisfaction succède à la stupéfaction, du moins pour Rodrigo. Oui, le seigneur du Minho semble avoir tout prévu pour faciliter la tâche se son fils, désormais son seul successeur, même si ce voyage, qualifié d’ultime, inquiète le jeune héritier et reste très mystérieux, et qu’il ne manquera pas d’interroger son père à la première occasion, en tête à tête, ce qui sera la seule façon d’en savoir plus. Rodrigo ne discutera d’ailleurs aucun des desiderata, aucune des exigences formulées sur ce ton péremptoire qu’il connaît si bien.

Le jeune officier enregistre donc avec aise et contentement les choix de son père. Sajara et Rodolfo, les deux amis fidèles, l’entoureront de leur expérience et de leurs précieux conseils. Le vieux complice des aventures tenues secrètes, et l’excellent médecin, sont d’ailleurs des familiers de la maison, et Rodrigo les apprécie énormément. Ceci ne posera donc aucun problème.

Il note aussi qu’Isabella sera toujours la bienvenue à l’hacienda, mais l’avertissement d’Arminho est très clair, et s’adresse d’ailleurs tout autant à son épouse, dona Philippa. Rien ne doit être tenté contre la gitane. Rodrigo s’étonne un peu de cette réflexion. Habitué à accorder sa confiance à ceux qui l’entourent, par gentillesse, et sans doute par naïveté également, il ne craignait aucune manœuvre visant sa douce compagne, mais, à présent, il se montrera plus prudent. Son père n’est pas enclin à soupçonner et à s’inquiéter à la légère. C’est là un des secrets de sa réussite. Prudence donc, malgré cette mise en garde …

Ce qui réjouit le plus le jeune héritier, c’est que sa douce Malika est à présent considérée avec plus de respect. Elle est sa nouvelle promise. Et Arminho imposera vite cette façon de voir à tous les habitants de l’hacienda. Rodrigo serre un peu plus les doigts grêles de sa fleur de Bohème. Oui, le message est passé, Malika répond à ce tendre signal par une pression plus soutenue.

Mais la belle paraît soudain songeuse, absorbée par une préoccupation nouvelle. Elle prend la parole d’une voix tremblante, d’une voix qu’il reconnaît à peine, insistant de manière suppliante pour que Joaquim ne quitte pas le domaine. Tous les regards se posent sur elle, remplis de surprise. Rodrigo connaît bien les curieux pressentiments, les intuitions de sa gitane. Elle lui a tout avoué de ce pouvoir inexplicable, mais il juge préférable de demeurer discret quant à ce sujet troublant. Il intervient aussitôt, comme si tout cela était vraiment très naturel.

Ne t’inquiète pas, ma douce, mon père n’est pas encore parti. Il sera certainement ravi de te connaître mieux. Et tu n’as rien à craindre ici.

Le bel officier se tourne vers le maître d’hôtel. Inutile de faire traîner les choses.

Vous pouvez apporter la suite, sans trop tarder, je vous prie. Et ramenez-nous également un pichet de ce délicieux rosé. Est-ce un vin produit dans notre domaine, père ?

Tentative malhabile pour passer à autre chose, à des préoccupations plus terre à terre. Don Joaquim saisira la perche tendue …


Philippa


Les décisions de son époux la mettent dans une colère noire. Mais il est inutile de vouloir contrarier ses projets, il n’en fera qu’à sa tête de toute manière. Discuter ne fera qu’envenimer les choses avec ce vieux grigou.

Cependant, la voici considérée comme une vieille tante de province, encombrante et pitoyable, tout juste admise dans l’hacienda, mais que l’on préfère reléguer à l’extrémité du domaine, comme une quantité négligeable. De plus, Joaquim lui enlève tout pouvoir de décision, au profit de son fils et de ses deux plus vieux complices. Et cette bohémienne devient la fille de la maison alors qu'on ignore tout d'elle !

Et enfin, pour en terminer, ce mystérieux voyage ... Quelle est cette nouvelle fantaisie, ce nouveau caprice ? Il aurait pu lui en parler avant, plutôt que de la placer devant le fait accompli. Elle est son épouse, tout de même !

C’est depuis l’apparition de cette maudite gitane que tout se détricote ! Regardez-la, cette péronnelle à peine vêtue, pendue au cou de son Rodrigo, se laissant tripoter sous la table ! Oui, regardez-la, avec ses yeux de biche affolée, comme si elle était affectée par le départ d’Arminho ! Oui, regardez-la, avec ses œillades moqueuses et triomphantes adressées à Isabella ! Satanée comédienne ! Tu peux exulter pour l’instant, petite, mais je te briserai. Dès la fin du repas, j’enverrai un messager à cet Omar, pour qu’il te traite avec la plus grande cruauté quand tu seras entre ses mains. Ainsi qu’il le fait avec tous ces esclaves de couleur qu’il transporte au fond de ses cales, à travers les mers. Et si tu lui en fais baver, il n’aura qu’à te jeter par-dessus bord, dans les eaux profondes et tourmentées de la Méditerranée !

Après ces pensées assassines, dona Philippa retrouve lentement son calme et sa maîtrise d’elle-même, en écoutant distraitement la conversation que son fils tente de relancer. Elle jette un coup d’œil dégoûté sur les plats déposés au centre de la table. Tout ça lui a coupé l’appétit. Elle parvient à dissimuler la haine qui l’étouffe et s’adresse à Malika en lui décochant un large sourire.

Encore quelques haricots, Malika ? Tu peux te le permettre, tu as vraiment une taille de guêpe. Tu as de la chance de rester si mince.

Et puisses-tu t’étrangler avec ces haricots, pense t’elle au même instant …


Joaquim


Arminho se frotta le menton, avec un sourire de satisfaction non dissimulé.
Il appelle le serviteur préposé aux vins. Celui se penche, Joaquim lui murmure quelque chose. Le servant opine de la tête et sort de la pièce.
Quelques instants et paroles plus tard, le domestique revient les bras chargés de bouteille de vins : des vins rouges, blancs, rosés. Il fait aussitôt la distribution dans les verres.

Bien sur les dernières paroles hypocrites sont de dona Philippa, qui foudroie du regard son mari depuis son annonce.

Arminho s’en moque totalement. Il prend la parole.

- Mon fils si tu m’envoies sur ce terrain, je vais être intarissable.

Il prit une grande inspiration… juste pour savoir par où il allait commencer…

Alors vois-tu ; nous appelons notre vin : le « vinho verde ». Mais ça tu le sais déjà. Nous le produisons dans toute la région.
J’avoue possédait un nombre conséquent de vignes. On dit que leurs origines remontent aux Grecs.

La viticulture dans notre région des vinhos verdes, se fait avec des vignes grimpantes ou suspendues.
Nous avons une belle production qui nous permet de faire du négoce avec les anglois... On se procure ainsi de la laine anglaise. Nous produisons surtout des vins rouges, et des vins blancs, mais aussi quelques rosés…

Reprenant à peine sa respiration, le vieil homme semble s’être métamorphosé en moulin à parole, pire que ces vieilles assises sur les bancs du village à déblatérer les derniers ragots.

- Pour préserver les champs, les vignes se trouvent en bordure des champs cultivés, dans des chemins, ou des cours… ça nous permet de continuer la culture des céréales et du faire du fourrage dans les champs.


Réflechissant à ce qu’il allait dire… il se tripote les moustaches…

- Hum, voyons… ah oui…
Le plus important est de boire ces vins dans leur prime jeunesse.

Les vendanges se font toujours en grappes entières.
Arrivée à la cave, elles sont foulées aux pieds.
La fermentation du vin est arrêtée avant que tout le sucre ne soit transformé en alcool. Après une fermentation de courte durée, a lieu l'encuvage pour une période de 15 jours.
Puis la mise en fûts se déroule entre les mois de novembre et de janvier.
Le départ de la fermentation est alors bloqué. Celle-ci se fera en bouteille, dont la mise a lieu entre mars et avril.

Il sourit, il est aux anges…
Sentant très bien que son auditoire n’a cure de tous ces détails, il en rajoute… sans que personne n’ose le couper.
Quelle jubilation !

- Pour la vinification du blanc, il faut obtenir un vin à la robe claire, d'une couleur allant du citron au doré et qui développe à la dégustation fraîcheur et arômes fruités.
Comme pour les rouges, il faut une vendange de grappes entières et la garder le moins possible en contact avec l'air, elle est foulée et pressée immédiatement. Les vinhos verdes blancs se conservent particulièrement bien en bouteille en gardant pendant quelques années leur fraîcheur et leur fruit.

Prenant un verre qu’il place au niveau de ses yeux, il l’incline légèrement…

- Le vin rouge quand à lui est très coloré, de couleur foncée et possède une mousse colorée. Les rouges ont la robe sombre et très tannique. C'est un vin à la robe profonde de mûre, légèrement pétillant qui laisse une trace violacée sur la cruche.

Il prend une gorgée en aspirant un peu d’air.

- Il a une forte acidité. Parfait pour accompagner sardines et viandes grillées ou des légumes arrosés d'une huile d'olive très aromatique. Le vinho verde, versé dans les verres donne une écume mousseuse, dû à la fermentation en bouteille, qui lui donne à la dégustation une fraîcheur piquante.
Mais, c’est un vin à consommer dans l'année, car il vieillit mal.


Il relève la tête ; fixe l’assistance…
Il fait un clin d’œil à Rodriguo et Malika…

- Par contre, on dit que les blancs sont des vins de paix et de contemplation.
Ils sont servis frais, et accompagnés de petite friture ou de fruits de mer, c’est un régal !

Nos vins accompagnent les plats typiques de notre région du Minho, comme le caldo verde, soupe de choux, de pommes de terre, d’ail, d'oignons et d’huile d’olive, la caldeira a fragateira, la bouillabaisse, les viandes comme sarrabulho, jambon à la Clara Penha, pot-au-feu, les huîtres, les langoustes, ainsi que les poissons : lamproie, alose, truite et morue…

Sentant fièrement que la démonstration ne sera pas contredite, il fini son verre… et continue tranquillement son repas…

- Ma foi, je me régale !
Vous n’entamez pas vos jambons, chère femme…

Remarque ironique et sarcastique à l’encontre de dona Philippa.
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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyVen 24 Juil - 19:20

Isabella


Antigo cabra (vieille garce) ! Curandeiro (sorcière)! Salgado cigano (sale gitane) !! les lèvres d'Isabella s'ouvrent, prêtes à laisser échapper ses paroles pleines de colère et de mépris à la vue de Malika qui penche légèrement sa tête, offrant son cou à Rodrigo, mais heureusement la porte s'ouvre, évitant ainsi un nouveau scandale à table. C'est Joaquim do Setubal, l'homme de l'hacienda, le père, le mari, le guerrier, le fier, le grognon. Son visage respire le bonheur, la sérénité, la joie. Ne se rend donc t-il pas compte que son fils est en train de commettre la plus grosse erreur de sa vie, celle de vouloir épouser une moins que rien ? Alors que juste en face de lui se trouve une jeune femme, belle, pleine de pouvoir, issue d'une famille noble et riche, prête à perdre sa virginité avec lui ?

Lorsque le coup de poing résonne sur la table, Isabella sursaute, surprise. Son coeur s'accélère. Arminho éclate, menaçant ouvertement celui ou celle qui a commis le crime de la journée : voler les toilettes de Malika. La voluptueuse brune fronce les sourcils en y repensant plus posément. Avec l'arrivée de la gitane dans la salle à manger, elle n'écoutait même plus ce que Rodrigo et doña Philippa disaient, trop occupée à la dévisager et tenter bien que mal une opération séduction sur son bien aimé qui, lui, essayait de regarder ailleurs même si ses yeux s'étaient arrêtés quelques secondes sur son médaillon, pendant au dessus de ses seins. Bien joué, Bella, des souvenirs ont bien dû lui remonter dans la tête, les souvenirs de leur enfance, de leurs années à jouer ensemble, à se raconter leurs aventures, leurs tourments et autres petits secrets. C'est moi que tu aimes. Moi, et rien que moi.

Joaquim se tourne vers elle, les yeux pleins de tendresse. C'est la première fois qu'il lui parlait ainsi, avec autant d'émotion. "Quelques soient les conseils que te prodigueront ta mère et ma femme ; ne les écoutent point. Suis ton cœur ! "
Elle hoche la tête dans sa direction, puis la baisse, soudainement intimidée par toutes ses paroles. Une fraction de secondes, elle se dit qu'après tout, Rodrigo a bien l'air décidé, faudrait laisser tomber, surtout si son père est de son côté... Mais heureusement, ce n'est qu'une fraction de secondes, c'est pas son genre de laisser tomber aussi vite une affaire qui la tient à coeur, son coeur. Tout de suite après, elle relève le menton, comme prise par une poussée d'adrénaline, les pupilles encore plus perçantes, un sourire carnassier sur son visage d'ange, les paroles gentilles du doyen envers le soit-disant "couple" l'encourageant à redoubler d'efforts, à se faire encore plus belle et jouer de sa séduction dès que possible.

Puis, Arminho se met à parler plus sérieusement encore, faisant part de ses vœux pour la succession de Rodrigo. Un léger regard à doña Philippa, qui semble de plus en plus mal, les joues rougies, la gorge serrée. Isabella la soutient des yeux, compatissante. Jamais elle ne se serait attendue à un tel soutient de la part de Joaquim envers l’union de Rodrigo et de la gitane. Sa futur-ex-belle-mère n’a plus aucune autorité, plus aucun droit. Quelle honte, quel déshonneur, tout ça de la part de son mari… ! pense Isabella.
Une fois fini, à la surprise de tous, Malika s’exclame d’une voix tremblante et hautement perchée qu’elle ne veut pas qu’Arminho quitte la demeure familiale. Quatre paires d’yeux se tournent vers elle. Le sourcil droit d’Isabella se lève, consterné. C’était quoi ça ? Bon, d’accord, elle est quelque peu concernée par le testament mais sans plus ! Pourquoi ça lui provoque une telle réaction ? Elle en a même les yeux mouillés, comme c’est triste. C’est presque une scène… mmh... émouvante !

Tout en écoutant très distraitement les hommes discutailler de vin –chose peu intéressante pour l’héritière des Gonzales d’Almirante-, la jeune femme mangeait tout doucement sa part de jambon. A vrai dire, elle n’avait guère faim. Toutes ses histoires lui étaient montées à la tête. Si ce n’est pas pour dire, carrément au dessus de sa tête.
Elle fixe Malika, puis Rodrigo. Rodrigo, puis Malika. Puis cette main étrange sous la table. Oh mon dieu ! Seraient-ils en train de se peloter, à table ? Vite, elle mange une bouchée d’haricots pour ne pas montrer sa stupéfaction. Comment osent t-ils... elle !!

Et puis, d'un seul coup, comme ça, son pied élégamment chaussé d'une magnifique sandale rouge, se laisse emporter et écrase celui de sa charmante voisine. Oups alors. J'espère que t'as eu mal !

Oh non, ma chère Malika, excuse-moi... j'ai eu une de ces crampes !! Je suis navrée, ça m'arrive souvent ces temps-ci... Je suis très nerveuse.
Elle adresse un sourire bienveillant à don Joaquim. Puis, comme si la blonde ne venait pas de pousser un petit gémissement de douleur, elle continue... (car oui, elle s'en fiche de toute façon, qu'elle souffre !)

En tout cas, toutes ces explications sur le vin sont très intéressantes... j'avoue, vous m'en avez apprise des choses ! Pour ma part, mon préféré est le rouge.
Et je crois que j'en ai légèrement abusé... dit-elle laissant échapper un petit rire. Excusez-moi.

Elle se lève de table, prend soin de faire le tour de celle-ci et en profiter pour laisser balader un petit doigt fin accompagné d'un ongle affuté sur le haut du dos de Rodrigo. Elle ferme les yeux, inspirant profondément, heureuse d'avoir pu le toucher. Peut être même le déstabiliser. Ressent-il la même chose envers elle ? A t-il, lui aussi, eu cette bouffée de chaleur en sentant sa caresse ?
Elle s'éloigne vers le couloir, à l'abri des regards. Inès. Il faut qu'elle lui demande des conseils, tout de suite. Elle a toujours réponse à tout, d'habitude. Le plus bas possible, elle l'appelle. Pourtant, aucune réponse. Bon sang, que fait-elle encore ? A pas de loup, elle monte l'escalier, fait le tour des chambres. Toujours pas d'Inès. Poussant un grognement, la jeune femme redescend. Elle a sûrement dû aller faire un tour dans les jardins. Mais demain, elle m'entendra... elle était pourtant sensé rester non loin de la salle à manger, prête à intervenir. Quelle vieille bique !

Comme si de rien n'était, elle rentre de nouveau dans la pièce, où une autre conversation était engagée. Deux domestiques se tenaient debout à côté d'une petite table où étaient déposés tous les plats. Isabella en prend un dans ses bras, à la fois lourd et chaud. Une des femmes, habillée de blanc, se dirige vers elle pour l'aider à porter l'énorme casserole, mais la brune l'en dissuade immédiatement en lui jetant un regard noir.

Mmmh, l'odeur de cette soupe... est tout simplement divine.

Se dirigeant doucement vers la grande table avec son plat, elle se met entre Rodrigo et Malika. Mais, Oh, malencontreusement, sa main glisse, et le plat échappe de ses doigts graciles. Et la pauvre casserole se renverse sur la table... et la gitane.

Ah !! Je suis désolée, vraiment désolée... Vraiment, tu n'as pas de chance, ça tombe sur toi ! C'est la nervosité... oh oui, j'en suis sûre... oh lalala... Vite une serviette !!

Elle lève la tête pour regarder doña Philippa. Alors, fière de moi belle-maman ?


Omar


Dans la ville voisine.


Les chevaux pénètrent dans la cour déserte. Encore une expédition qui se termine parfaitement. Ruse, efficacité, complicités. L’investissement est rentable, la tactique est au point, chacun connaît sa tâche sur le bout des doigts. Omar peut se fier sans crainte ni hésitation à chaque membre de son équipe, et ce douzième voyage s’est déroulé sans la moindre anicroche.

Le robuste marchand d’esclaves descend de sa monture, étire ses membres endoloris. Puis il fouille méthodiquement les fontes de cuir qui battent les flancs de son pur-sang arabe, cadeau de l’émir Abu Saïd, qui règne en maître absolu sur de nombreuses tribus mongoles à Hérat et à Samarcande, en Asie Centrale. Ses doigts épais et longs se saisissent des trois volumineuses bourses de peau. Un sourire se dessine sur sa face aux traits robustes et lourds, aux profonds sillons creusés par les mois passés en mer, par le vent chargé d’embruns salés, par les périples interminables, mais particulièrement lucratifs, à travers déserts, oueds et steppes désolées. Un bien joli pécule, une fois de plus. Omar caresse sa barbe en broussailles. Satisfait. Il est vrai que la catin blonde, ramassée sur les docks, était bien roulée, et que les deux colosses destinés à renforcer les hordes mongoles étaient bâtis comme des montagnes.

Omar fait claquer son fouet dans l’allée, soulevant un nuage de poussière âcre et grise. Un rire sinistre et gras le secoue durant quelques instants. Satisfaction rétrospective, lorsqu’il se remémore les dos cruellement zébrés par les estafilades sanguinolentes laissées par son fouet. Les catins qui parlent trop, qui gémissent sans arrêt, les durs qui protestent à tout bout de champ, rien de tel que quelques coups bien appliqués pour les ramener à la raison.

Une idée géniale que d’approvisionner les harems des riches sultans en filles de joie à la chevelure blonde ! C’est une denrée rare sur les lointains rivages d’Afrique ou du Moyen-Orient. Les récompenses sont toujours fabuleuses. C’est un filon à exploiter sans aucune restriction.

Omar se tourne vers ses hommes. Ses bras droits. La fatigue est là, à présent, à la fin du voyage. Les corps sont fourbus, les visages sont harassés. Mais l’or ramènera les sourires.

Pedro, Ali, occupez vous des chevaux. Et ensuite, repos pour tout le monde.


Malika


Attentive, un demi sourire aux lèvres, sa main glissée dans celle de Rodrigo, Malika écoute avec intérêt le Patriarche de la maison parler avec passion de ses vignobles, et des crus différents qu’il peut en tirer.
Son esprit s’éloigne un instant, et elle repense à une légende de son pays qu’elle entendait souvent quand elle était encore une enfant. Les anciens contaient de merveilleuses histoires, entrecoupées de musique et de chants, de danses aussi, et les femmes aux jupes amples et colorées tournoyaient, frappant le sol de leurs bottes de cuir rouge.
Les hommes aux bonnets de fourrures faisaient claquer leurs fouets ou faisaient danser leurs épées, le soir, autour d’un feu crépitant. Légende ou réalité ?
Ils buvaient un vin sombre, épais, qu’ils nommaient Bilkavér ( sang de Toro), s’appelant ainsi parce qu’au cours d’un siège turc, les femmes avaient rajouté dans les tonneaux du sang de toro pour donner de la force aux combattants.

Elle s’apprête à en parler à Joachim quand un coup de pied lui heurte le tibia et lui coupe le souffle. Souriante, Isabella la regarde candidement, évidemment elle ne l’avait pas fait exprès…
Sa rivale s’excuse. Oh non, ma chère Malika, excuse-moi... j'ai eu une de ces crampes !! Je suis navrée, ça m'arrive souvent ces temps-ci... Je suis très nerveuse.

Malika n’en croit pas un mot, mais lui sourit, dissimulant la douleur. Pas question de lui donner le plaisir d’un gémissement ou d’une grimace de souffrance.
Mais bien sûrrrrrr ! Isabella, je comprrrend, détendez vous un peu ! Vous devrriez fairre un peu plus d’exerrcice, c’est bon pour les crrrampes, et pour la ligne !

La jeune femme se lève, contourne la table, pose une main sur l’épaule de Rodrigo, puis s’éloigne. Malika ne la quitte pas du regard.

Décidément il faut une bonne dose de patience à la petite gitane pour supporter toutes les simagrées et l’agressivité de cette peste. Elle aurait volontiers enfourché Terra, sifflé Igor et Rolio, et serait partie au triple galop, mais l’amour si fort qu’elle partage avec Rodrigo l’amène à prendre patience. Elle comprend bien que le monde d’Isabella vient de s’effondrer et qu’il lui est difficile de supporter la vue des deux amants.

La discussion de Joachim est agréable, il s’adresse à tous, enfin presque tous, avec gentillesse, écoute les réponses. Elle est heureuse de voir Rodrigo s’épanouir en parlant avec son père, lui expliquant ses voyages, citant quelques anecdotes au sujet des hommes qu’il a eus sous ses ordres, narrant ses blessures, leur rencontre, leur histoire.
Joachim était un grand Seigneur, son fils compte beaucoup pour lui, tout comme l’amitié profonde qu’il porte à Sajara, qui doit être un Maure, pense t’elle, et à Rodolfo, son médecin personnel.

Près de la desserte, Isabella prend une soupière fumante des mains d’une servante, se dirige vers la table, et se glisse entre Rodrigo et Malika, surprenant la gitane.
Et là, le liquide bouillant se répand sur la blouse de Malika, comme par hasard, sûrement !

D’un bond, elle se lève, renversant la chaise, pousse un cri de douleur, et, d’un geste brusque, ouvre la chemise reçue de Rodrigo, laissant apparaître ses seins rougis par la brûlure.
Elle prend vivement une carafe en cristal, remplie d’eau claire, qu’elle verse sur sa poitrine. Pas de fausse pudeur. Au diable les grenouilles de bénitier.

Ah !! Je suis désolée, vraiment désolée... Vraiment, tu n'as pas de chance, ça tombe sur toi ! C'est la nervosité... oh oui, j'en suis sûre... oh lalala... Vite une serviette !!

Et une fois de plus ce n’est pas de sa faute ! Là, c’en est trop ! Furieuse, Malika prend la soupière encore à moitié remplie, et la déverse sur le chignon tarabiscoté et ridicule de cette folle furieuse. De l’autre main, elle arrache le médaillon qui a tant l’air de lui plaire et le jette dans le verre de vin de Rodrigo.
Elle se retient pour ne pas planter sa dague dans une partie charnue de cette sorcière.
Et dire que quelques minutes avant elle éprouvait de la compassion pour elle. Cette morue a bien de la chance qu’elles ne soient pas seules.

Les yeux pleins de larmes, elle s’excuse rapidement auprès de Joachim. Le vieil homme n’a pas l’air d’être dupe. Elle remarque le regard échangé entre Isabella et Dona Philippa, mais elle les ignore. D’un pas précipité elle se dirige vers la porte, saisissant au passage le bras de son amant et le tirant derrière elle.
Amorrré j'ai besoin d’un onguent pour soulager la brrûlure, et je ne sais pas ou en trrrouver dans ta demeurre.

Accompagnée par Rodrigo elle court vers la lourde porte de bois qui s'ouvre sur le grand hall d'entrée.

Elle ira dans sa chambre ou elle restera en attendant les soins apaisants de son amour, n’ayant d’ailleurs plus aucun vêtement pour se changer, sinon ceux de Rodrigo.

Demain… demain on verra bien.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyDim 2 Aoû - 20:20

Rodrigo


Inquiet, furieux, il sort sur les talons de Malika, mais ne peut s’empêcher d’adresser un regard mauvais à Isabella, dont le chignon, incliné sur le côté, dégouline d’un torrent de petits légumes coupés en dés qui baignaient dans la soupière. La jeune portugaise vient de compromettre ses dernières chances de le reconquérir en agissant de la sorte. Elle est la victime de son propre jeu, de sa propre fourberie. Et d’ailleurs, avait-elle encore la moindre chance ? Non, pas l’ombre d’une, finalement.

La colère de Rodrigo est tangible. Nuire à sa gitane, c’est lui nuire aussi. Atteindre Malika dans sa chair fragile, c’est lui déclarer la guerre également. Il n’y a pas de pardon pour une telle conduite. Sans cette excellente éducation qui fait partie intégrante de son être, qui imprègne tous ses gestes, toutes ses décisions, il la jetterait à la porte séance tenante, à présent qu’il est devenu le maître incontestable de l’hacienda, en digne fils de son père.

Ton comportement est insensé et dangereux, Isabella ! Tu aurais pu blesser gravement Malika ! Et même la défigurer ! Et sa réaction est normale, tu l’as bien méritée. A l’avenir je préfère que tu m’évites. Tu as été particulièrement odieuse et irréfléchie, je ne suis pas prêt de l’oublier. Tu viens de réduire à néant des années d’amitié. Tu as bien changé en quelques mois.

Sa rage n’est pas calmée. Il se maîtrise avec peine. Soudain il tourne le dos à ses parents et à son ancienne promise, et claque violemment la porte derrière lui. Il rejoint sa tendre bohémienne au pied de l’escalier. Les yeux humides de son amour lui font très mal. Ici, hors de la vue de sa rivale, Malika se laisse enfin aller. Des larmes ruissellent sur ses joues. Rodrigo lui prend la taille et ils grimpent les marches quatre à quatre, la frêle gitane gardant les doigts crispés sur ses seins rougis par la douloureuse brûlure.

Vite, dans ma chambre, mon pauvre amour. J’ai tout ce qu’il faut pour te soigner. Dieu comme je regrette tout ce qui t’arrive, mon trésor. Je t’assure que cette histoire n’est pas terminée !

Le jeune officier aide sa compagne à s’allonger sur le lit. Avec mille précautions, il écarte complètement les deux pans de la chemise humide et dénude le buste menu de sa compagne. Après un rapide examen, il la rassure d’un sourire.

Tout va bien, amor. Tu as la peau irritée et rouge, une ou deux vilaines cloques, mais la brûlure n’est pas profonde. Tu as réagis parfaitement en t’inondant d’eau glacée. C’est douloureux, mais c’est très superficiel, grâce à ton réflexe. Je vais te soigner moi-même, j’ai quelques connaissances médicales, acquises et approfondies pendant mes longs séjours en mer. Tu peux me faire confiance et être entièrement rassurée, dans un jour ou deux tu ne sentiras plus rien et tu ne garderas aucune séquelle, aucune cicatrice, je peux te l’affirmer sans risque de me tromper.

Rodrigo retire une énorme trousse de cuir du fond de sa garde-robe, la pose sur le lit et y déverse tout ce qu’elle contient. Sa main hésite, effleure quelques flacons, des huiles, des pommades, des pansements.

Voilà ! C’est bien ça. Un baume à base de souci, de sauge et d’aurone sauvage. Ca va te soulager rapidement, ma chérie.

L’héritier des de Setubal plonge deux doigts dans le large pot, récupère une dose appréciable de l’onguent rose et parfumé, et l’étale délicatement sur la brûlure, débordant généreusement sur la naissance de la gorge fine et sur le charmant sillon séparant les seins de sa belle. Il recommence une seconde fois, faisant consciencieusement pénétrer le baume apaisant par de légères rotations du bout de ses doigts.

Voilà, c’est terminé, amor. Dans quelques minutes ce sera parfait. J’emballerai nos deux petits trésors demain matin, cette nuit ils peuvent respirer à leur aise. C’est mieux. Ton médecin préféré te prescrit à présent une bonne nuit de sommeil. Et dans mes bras tu guériras encore plus vite, tu peux me croire.

Un sourire… Rodrigo se penche sur sa compagne et embrasse tendrement son visage mouillé.

Désormais je te garde près de moi, ma douce.

Rodrigo débarrasse les longues jambes de Malika de ses cuissardes rouges. Il l’aide à se dénuder entièrement, fait de même, et il envoie leurs vêtements sur le dossier du fauteuil placé devant la fenêtre. Il la rejoint ensuite sous le drap immaculé, la berçant longuement entre ses bras, jusqu’à ce que le sommeil les gagne.

Dors, mon ange …


Philippa


Aucun détail de la scène ne lui a échappé. Les masques tombent. Sourires de miel deviennent visages de marbre. Philippa s’ingénie à rester la plus neutre possible. La soupière renversée sur la chemise de Malika était une manœuvre inattendue et retorse, certes, mais aussi une ruse particulièrement appréciée par la maîtresse de maison. Elle-même n’y aurait jamais pensé, mais, sans la présence de Joaquim et de Rodrigo, elle aurait volontiers applaudi des deux mains. Malheureusement, en ces chaudes soirées d’été, après les longues journées baignées de soleil, le potage n’est pas servi à une température trop élevée, et l’aventurière devrait s’en tirer sans trop de mal, hélas. Dommage, une vilaine brûlure couvrant à jamais le visage de la blonde aurait peut-être calmé la fougue de son fils pour cette fille de Satan.

La réaction de Malika est tout aussi vive et stupéfiante que la tentative d’ébouillantage menée par Isabella, mais c’est le chignon volumineux de la beauté brune qui absorbe le reste du potage. Plus de peur que de mal, par bonheur. Les deux jeunes femmes se toisent un instant du regard. Haine et défi illuminent leurs prunelles. Puis la gitane se saisit de la main de Rodrigo et le tire vers l’escalier. La brûlure serait-elle plus douloureuse que ce que Philippa imaginait, ou bien est-ce un moyen de fuir une situation qui lui échappe ? Qu’importe ! Qu’elle vide donc les lieux ! Rodrigo a quelques mots sévères pour Isabella, mais rien de définitif. Ils seront bien obligés de se croiser dans l’hacienda, et qui sait ? Son fils retrouvera peut-être la raison, même si ça paraît plutôt hypothétique en cet instant précis.

Bon ! Il est temps que Philippa prenne le taureau par le cornes. Terminé de subir les événements ! Isabella paraît un peu penaude, un peu troublée par les paroles de son ancien fiancé. Il est temps de se ressaisir. Et d’agir. Sans un regard pour Joaquim, Philippa empoigne sa protégée par le poignet et la raccompagne jusqu’à sa chambre.

Tandis qu’Isabella se débarrasse de son chignon en piteux état et essuie sa longue chevelure, Philippa se précipite vers son bureau, fouille un tiroir, puis revient en hâte auprès de la jeune portugaise, portant sous le bras un coffret délicatement ciselé contenant parchemins vierges, plumes et encriers. Ici, personne ne les dérangera. Inutile de tergiverser plus longtemps.

Ecrivons sur le champ à cet Omar, et demain à l’aube je lui ferai porter ce message par mon secrétaire particulier. Il a toute ma confiance. Cependant, n’entrons pas dans les détails, nous lui expliquerons de vive voix ce que nous attendons de lui, ça me semble plus prudent. Limitons-nous à lui fixer un rendez-vous discret, et informons le qu’il y a beaucoup d’or à gagner s’il accepte notre proposition.

Les deux comparses se concertent. L’or ne pose aucun problème. Leurs familles sont les plus fortunées de la région. Et la réputation de cet Omar s’est largement infiltrée dans les demeures bourgeoises du nord du Portugal. Il doit d’ailleurs disposer d’un puissant réseau de protection, grâce aux services rendus. Le redoutable marchand d’esclaves n’hésiterait pas, affirme t’on, à conduire certaines personnes, jugées indésirables, jusqu’à l’autre bout de la terre. Le rusé gaillard gagne d’ailleurs sur les deux tableaux. Une bourse pour faire disparaître les captifs, catins ou individus encombrants, et une deuxième bourse à la livraison chez les seigneurs du désert. Rentable, non ? Il suffisait d’y penser.

Philippa se met donc à écrire, relisant chaque phrase à voix basse, insistant sur les mots les plus importants, recherchant des yeux l’assentiment de sa complice.

A l’intention d’Omar ben Chaffar. Votre réputation et votre discrétion sont parvenues jusqu’à moi. Votre prix sera le mien pour éloigner définitivement une catin qui jette le trouble dans une des familles les plus fortunées de la région. Si vous êtes intéressé par mon offre, ce dont je ne doute pas un seul instant, soyez ce dimanche, en début d’après midi, au croisement de la route de Porto et du chemin menant aux docks, au lieu-dit « les bois de mimosas ».

Voilà. Un texte bien inhabituel de la part de ces bourgeoises élégantes, mais un contenu qui se veut attirant, alléchant. Pas de nom, bien-sûr. Pas de signature. L’anonymat le plus absolu. La prudence est la mère de la sagesse. Il suffit à présent de coincer cette maudite bohémienne. Elles devraient y arriver sans le moindre problème. L’effet de surprise sera leur allié, ainsi que la connaissance de l’hacienda dans sa totalité. Un bon coup sur le crâne, et bonjour les ténèbres. Enfermée et ficelée, elle sera beaucoup moins fière.

La maîtresse de maison se lève, satisfaite, relit sa prose une dernière fois, puis referme le coffret sur la lettre terminée. Demain, oui demain, elles auront toutes les cartes en main.

Bonne nuit, Isabella. Je suis certaine que tout va s’arranger pour le mieux. Nos rêves et nos souhaits seront à nouveau à portée de nos doigts. A demain …


Isabella


Isabella regarde Rodrigo et sa gitane de malheur sortir de la salle à manger.
Elle a envie de hurler sans rage mais à vrai dire, elle est tellement sous le choc que nul mot ne peut et n'a envie de sortir de sa bouche. Seule une pensée passe en boucle dans sa tête.
Elle a osé me vider cette soupe sur la tête et Rodrigo m'en veut.
Son coeur se serre. Les paroles du marin lui ont fait mal. Est ce vraiment ce qu'il pense d'elle ?

Doña Philippa tourne autour d'elle en parlant mais elle ne l'entend pas. Dans ses prunelles se lit une haine immense et profonde. Une rage infinie et une petite pointe de tristesse. Mais où est passé le Rodrigo d'avant ? Rieur et taquin, prenant ses gestes maladroits avec humour ? Rien que cette idée la fait revenir sur terre, dans l'hacienda, le champ de bataille. Pour continuer son combat contre la gitane qui l'a ensorcelé.

Elle enlève la salade de légume qui s'était formée dans son chignon.
Prendre le bon côté des choses, il parait que c'est très bon un masque végétal pour les cheveux. Elle essuie son décolleté, qui lui aussi avait quelques morceaux de carottes à l'intérieur. Aucun remord, jamais ! Elle récupère son médaillon que cette furie de gitane avait balancé dans un verre de vin. Sa main se serre dessus, le liquide pourpre dégoulinant entre ses doigts. Elle ferme les yeux, imaginant avec espoir que c'est le sang de Malika. La guerre est déclarée.

Elle suit sa belle-mère dans sa chambre. Celle-ci la rassure et lui fait part de ses plans. Isabella ose l'interrompre une seconde en lui demandant si elle n'a pas vu Inès, mais elle a vite haussé les épaules et continué à parler.
En quelques minutes à peine, la lettre adressée au marchand d'esclaves était rédigée. Après tout, ce n'était ni les raisons ni les moyens pour capturer la sauvageonne blonde qui leur manquait. Il suffisait de la kidnapper le moment venu et hop, le tour était joué.

Il est l'heure de se dire au revoir. La brune reçoit un baiser maternel de doña Philippa et retourne dans son boudoir. Une fois à l'intérieur, elle n'a qu'une idée en tête : se laver, enlever toute cette crasse d'elle pour ne pas avoir à ressembler à la gitane.
Elle se déshabille en arrachant à moitié sa robe, envoyant valser sa rose qui avait pourri à cause du potage, ses bijoux, ses chaussures, ses pinces, sauf le médaillon offert par Rodrigo.

Nue et sans artifices, elle entre dans la baignoire au fond de la pièce -qui heureusement était rapprovisionnée chaque jour par les domestiques des l'hacienda-. L'eau est froide. Elle frissonne. Ca rend les idées claires, il parait. Tout son corps se couvre d'une chair de poule mais au moins, il se détend, ses muscles se décrispent. Enfin, la tension accumulée durant le diné s'évapore telle une bouffée de gaz. Maintenant, elle peut réfléchir à tête reposée.

Demain, lorsque Malika sera seule, elle tentera de trouver une excuse pour l'emmener dans son boudoir. Ou même une autre pièce quelconque, pourvu qu'elle se retrouve seule avec elle et doña Philippa.
Ainsi, elles pourront l'attacher quelque part en attendant l'arrivée du marchand. Et entre ça, il y aura pas mal de temps... pas mal de temps pour se dire au revoir comme il se doit. Non, même pas. Plutôt adieu. Ah oui, des adieux déchirants.... elle se retrouvera défigurée avant son entrée dans le harem...
Ses doigts jouent avec le pendentif entre ses seins.
Ensuite, Rodrigo se demandera sûrement où est sa petite protégée. Un prétexte simple suffira, « obligeance familiale », ou une autre baliverne de la sorte.
Elle enfouit sa tête sous l'eau.
C'est ainsi qu'elle finira sa vie de gitane/catin dans un harem en Afrique. Isabella pourra enfin savourer sa victoire avec Philippa et Inès. Rodrigo ouvrira les yeux pour de bon. Ils se marieront, vivront heureux et auront beaucoup d'enfants, et puis ils seront riches, connus, réputés, craints dans tout le Portugal,...
Elle remonte à la surface en prenant de grandes inspirations, haletante. Et voilà qu'elle a même failli se noyer, sans l'aide de personne, dans sa baignoire. Cette histoire la rend dingue, mais alors totalement !

Au bout d'une heure, si ce n'est même plus, elle sort de son bain, s'essuie et éponge ses cheveux. Déjà, elle se sent beaucoup mieux, propre. Tout est redevenu clair dans sa tête.
Elle enfile une robe de chambre et se glisse dans les draps douillets que bientôt elle pourra partager avec son futur mari. Demain est un autre jour.

Et pourtant, la nuit, Isabella remue énormément dans son lit. Son rêve d'un mariage digne d'un conte de fée est interrompu à chaque fois par une sorcière blonde aux bras interminables et aux ongles acérés comme des couteaux. Elle lance des carottes et tomates sur Isabella qui est ligotée en robe de mariée à une chaise. Et plusieurs fois dans la nuit, elle se réveille avec l'image de la gitane aux seins nus brûlés mais à la fois fiers devant elle, avec ce rire machiavélique et la narguant avec sa main gauche qu'elle lui tend en pleine face. Sur son annulaire se trouve une bague.

Demain est un autre jour...
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyVen 7 Aoû - 14:47

Joaquim


Il avait assisté à la scène sans broncher, sans même prononcer le moindre mot.
Dans sa tour, son repaire, il se repasser la scène.

Toute cette comédie de harpies le dépasse. De toute façon, c’est une très belle prise d’arme entre les donzelles, et ça permet de voir le degré de réaction.
Malika l’a agréablement surpris, derrière cette délicatesse, cette fragilité, se cache une femme de caractère.
Elle fera une très bonne maitresse pour ce domaine.
Et son fils, oui quelle réactivité, il commence à avoir de la poigne.
Rodrigo a fait un grand pas vers sa vie de seigneur. Enfin, il prend son destin en main. N’est ce pas ce que voulait ce vieux grincheux : voir son fils s’assumait, devenir le grand Rodrigo, aussi craint que son père.
Le voilà qu’il se révèle, qu’il se réveille. Cette petite gitane a au moins le don de le faire sortir de sa coquille.
Ce soir il est devenu le seigneur. Le vieux bougre peut se retirer.

Bientôt une ombre apparaît dans l’entrebâillement de la porte…
- Sajara…
Le vieux a son poignard en main, prêt à s’en servir… L’ambiance tendue et les conflits se multipliant, il sent l’odeur du sang et de la vengeance trainaient dans ses murs.
Une chose l’apaise : son testament.
Tout est en règle, Rodrigo est officiellement le nouveau don Setubal…
Le mois prochain, il prêtera son serment de fidélité au roi « son grand père »… Bon sang ne saurait mentir, fils de bâtard…

Le vieux, lui, s’en ira chercher l’aventure une dernière fois.
Pourquoi ne pas jouer une dernière fois un tour de cochon à son plus grand rival : ce poltron de Diogo Gonzales d’Almirante. Pourquoi ne pas reprendre contact avec de vieux brigands de la belle époque et concocter un plan pour le spolier de ses terres au profit de son fils…

Se grattant le menton, l’ombre se fait plus précise et Sajara se montre à son maître.

Le rictus qui se dessine sur le visage d’Arminho laisse présager les pires fourberies. Sajara reconnait très bien les mimiques perfides de son seigneur.

- Après l’affront qu’Isabella a subit ce soir, nos deux commères vont certainement essayer de faire annuler la relation entre mon fils et sa gitane.
Je ne sais pas trop comment. Dona Philippa va certainement faire appelle à ses connaissances pour jeter la pauvre bohémienne en prison. Laissons-la bouger la première pour voir.
Isabella, je pense, a le cœur brisé, elle va peut être retourner chez ses parents.

Ouvrons l’œil, Sajara !

En attendant va me chercher Rodolfo !


Rodolfo


En voyant Sajara arrivait dans son antre, Rodolfo sut tout de suite que son ami Joao le faisait demander.
Sajara transmis son message.
Bien embêté si Rodolfo refusait « l’invitation », il restait planté devant le médecin-apothicaire-sorcier, enfin il ne savait plus trop quoi. Rodolfo restait un mystère pour beaucoup.
Indépendant, n’ayant de compte à rendre à personne, il était le seul ami d’enfance de Joaquim.

Cela lui faisait plaisir d’être demandé par son ami.
Bien sur qu’il irait, bien sur qu’il lui rendrait service, bien sur qu’il répondrait à ses requêtes…
Joaquim était son seul ami… le seul en qui il avait confiance… le seul qui pouvait lui demandait n’importe quoi…
Depuis qu’ils étaient jeunes, ces deux-là, c’était à la vie, à la mort. Rien ne pouvait briser leur amitié.
Ils étaient deux âmes en peine perdues dans la noirceur du monde.
Deux marginaux qui ne comptaient que sur eux même.

L’amitié qui les animait était indescriptible et de sombres secrets les liaient l’un à l’autre.

Bien sur que Rodolfo répondrait à l’appel de son ami.

Rodolfo fit un imperceptible signe de tête au maure. Ce dernier tourna talon pour aller rejoindre son maître.
Le savant, méticuleusement rangea sa tanière, sorte de maisonnée construite à l’orée du bois. Le bout de terrain qui s’étendait devant sa chaumière ressemblait à une clairière truffée de plantes diverses ; semées sans doute par l’habitant de ce lieu.
L’humble demeure se fondait dans cette partie étrange de la forêt. Nul n’aurait su dire si cet endroit avait était façonné par le curieux locataire, ou si il avait élu domicile ici même à cause de la configuration des lieux.

On dit qu’à une période, l’étrange personnage avait pris compagne… mais rien n’est moins sur…

Tout ce que les anciens du château et des villages voisins pouvaient dire de lui c’est :
« Ce jeune vaurien était le fils du forgeron du château, et le jeune seigneur, une tête brûlée celui-là, aussi brute que tête de mule, courait le pays en tout sens en sa compagnie. Ces deux insensés étaient inséparables et se retrouvaient toujours dans les plus mauvais coups. Rien ne leur faisait peur : les rixes, les rapines, le troussage des filles, les fugues, les disparitions… Nul ne savait ce qu’ils mijotaient quand ils disparaissaient…
Il a des pouvoirs diaboliques disaient les parents… Si on n’avait pas su que son père était le forgeron, on aurait soupçonné sa mère d’avoir partagée sa couche avec le cornu. Mais non ce n’est pas possible, il ressemble comme deux goutes à son père et sa mère était trop bigote… Tellement bigote qu’elle rejoignit son créateur avant l’heure, la pauvre enfant…
Les mains de ce sorcier pouvaient guérir comme les rebouteux !
Il faisait des remèdes comme les apothicaires !
Il faisait des décoctions comme les herboristes !
Il soignait comme les médecins !
Il marmonnait des imprécations, ou alors chantait des psaumes comme les curés, … comme les sorcières…sur qu’il doit parler aux esprits, aux morts…
Nous, gens du peuple sommes ignares mais il y a des choses que l’on sent… »

Bref tout et n’importe quoi circulait autour du mystérieux Rodolfo… proche du peuple mais craint… craint des nobles mais proche de leurs bourses…

Il n’avait que faire de ces ragots ou craintes, s’en amusait même énormément… N’y a-t-il pas plus amusant que la bêtise des gens. Mieux vaut s’en amuser avant qu’elle ne devienne dangereuse.


Après la convalescence de son ami, Rodolfo avait rejoint son bout de forêt, continuant sans cesse à préparer ses onguents, ses cataplasmes ; à améliorer ses baumes, ses mélanges, ses formules … Les paysans des alentours avaient appris à respecter ce médecin qui leur offrait ses conseils et ses soins en échange de nourriture ou de menus services. Cela lui suffisait… Par ailleurs, il n’hésitait pas à ponctionner les bourses des riches bourgeois ou nobliaux des villes et villages environnants.
Tout ceci s’ajoutait à la rente que lui versait Arminho, son ami. Aprement discutée et disputée! L’un voulant assurer son ami contre la misère, l’autre refusant toute forme d’aide et de dépendance. Il avait était décidé que cela n’engageait en rien les deux amis. A tout moment, l’un pouvait arrêter de verser la somme, ou l’autre la refuser et déménager. Mais ni l’un ni l’autre n’avait dénoncé cet accord.

Ce faisant, le sorcier comme il était surnommé, avait son indépendance et son franc parler. Ce qui déplaisait fortement à Dame Philippa et aux nobles. Ces derniers avaient plusieurs fois essayé d’écarter, d’éliminer ce rival gênant, mais c’était très vite heurté au seigneur de la région. Décidemment cette engeance du diable était intouchable.

Plus que dangereux et libre, il alliait l’intelligence à la connaissance.
Connaissance que lui avait transmis les plus grands médecins et savants de son époque, et ce grâce aux relations de Joao.
Tant de pouvoirs et de connaissances dans les mains et l’esprit d’un homme du peuple, c’est jugé très dangereux pour les aristocrates. On avait donc proposé plusieurs fois au sorcier de l’anoblir.
Refus catégorique à chaque tentative.

Nonobstant, notre apothicaire avait tissé un réseau de relations dans tout le royaume et bien au de-là des Pyrénées. Réputé par ses dons de guérison et ses conseils avisés, beaucoup le consultait… Conseils qu’il savait faire payer très cher.

L’homme aux cheveux blancs mais qui paraissait sans âge se préparait donc à rendre visite à son ami Joaquim.


Malika


Les mains douces de Rodrigo, enduites de baume parfumé, ont réussi à apaiser la douleur provoquée par la brûlure sur sa poitrine. Il dort auprès d’elle, sa respiration est calme, régulière.
C’est nuit de pleine lune et le sommeil a fui Malika, elle se glisse en silence hors du lit douillet. Le visage de Rodrigo se dessine en ombre sur le mur. Dieu, qu’il est beau, son cœur bat plus vite, comme elle l’aime !

Elle pousse doucement le fauteuil, tire le rideau, ouvre en grand les vitraux colorés qui composent la grande fenêtre à deux battants.

La lune, blanche comme un diamant, inonde de sa couleur lactée le ciel rempli d’étoiles. Le parc se dessine en un bleu plus foncé. Elle s’appuie à la rambarde, y pose ses coudes, son visage repose sur ses mains croisées.
Elle admire cette nuit calme et douce, mais repense au déroulement de ce diner pour le moins pénible.
Elle a vu passer dans les yeux d’Isabella une lueur meurtrière. Elle comprend bien maintenant qu’il ne s’agit pas d’une fantaisie de jeune noble capricieuse, dépitée, jalouse et gâtée.
C’est une lutte sans merci, une guerre ouverte, un combat sans foi ni loi. Qu’elles soient soutenues l’une ou l’autre par une partie de la famille dissociée de Rodrigo, c’est entre elles deux que la mort choisira.
Isabella est retorse et sournoise, mais Malika n’a pas été élevée dans de la soie et dès son plus jeune âge elle savait manier la dague ou le fouet.

Dans les étoiles, elle cherche son père, mais ce n’est plus dans sa mémoire qu’il faut trouver les forces nécessaires, c’était un homme trop doux, raffiné, plein de tendresse et de poésie.

C’est vers ses ancêtres maternels qu’elle doit se tourner pour affronter la haine d’Isabella, la reine des coups tordus. Vers ces barbares, hommes et femmes du grand Est, cavaliers et guerriers émérites, dont la cruauté n’était pas une légende.

Malika se penche un peu plus par la fenêtre. Sous un arbre centenaire, elle aperçoit un loup blanc. L’animal lève sa tête et plonge ses yeux phosphorescents dans ceux de la gitane. Les deux regards se croisent et ne se quittent pas.
Elle sent comme un souffle tiède sur ses épaules, elle entend au plus profond de sa conscience la douce voix de sa grand-mère. « Prends garde à toi Kislàny ( petite fille), un maure te voudra du mal, un autre maure te sauvera.. »

Elle se retourne, scrute la pièce sombre. « Néni ! néni dràgam ! ( Petite mère, petite mère chérie), tu es là ? »
Mais non elle n’est pas là, elle le sait bien, c’est dans son cœur qu’elle a entendu ces paroles. Un dernier regard vers le parc, le loup blanc n’est plus là, un nuage passe, atténuant la clarté de l’astre de la nuit.
Un frisson parcourt Malika qui se dirige vers le grand lit. Elle se glisse sous le drap de soie, se love dans les bras de Rodrigo qui inconsciemment les resserre autour d’elle. Il embrasse ses cheveux. Elle est bien.
Contre lui, elle se détend, et repense aux mots de sa grand mère qui se sont imprimés dans son cœur, n’en comprenant pas le sens, du moins pas encore, ou peut être jamais…
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyLun 10 Aoû - 9:23

Rodrigo


Il s’est pelotonné sous les draps, ressentant confusément une absence, un manque. Seul son visage émerge de toute cette blancheur immaculée. Soudain, un froissement d’étoffe, ou bien a t’il rêvé ? Il s’étire comme un chat maigre allongé sous le soleil, lorsque la sensation indéfinissable d’un mouvement très proche le trouble et l’alerte tout-à-coup.

Le drap se soulève légèrement … un frisson … puis un frôlement agréable. Inutile d’ouvrir les yeux, ses doigts suffisent à identifier le corps svelte, à la peau de satin, qui vient s’envelopper dans le creux de ses bras, à la recherche de chaleur, de sérénité, d’un tendre abri.

Ses mains attirent Malika et l’emprisonnent totalement, avec prudence, avec mille précautions, évitant de se poser sur sa peau endolorie et de raviver la douleur. Les rondeurs charmantes qui se pressent contre son torse l’emportent dans un émoi délicieux, une sensation de plénitude, d’euphorie. C’est elle, et ce sera toujours elle. Les paupières toujours closes, il imagine le sourire de sa gitane qui se dessine sur son visage aux traits délicats, entre ses adorables fossettes d’enfant heureuse, sous un océan de boucles dorées. Un « je t’aime », deux « je t’aime », leurs lèvres se cherchent, se frôlent, s’épousent en un baiser interminable.

Cette fois il pose les mains sur ses épaules, la dévisage, à la lueur blafarde d’une lune qui se traîne et se cache soudain derrière un large paravent de nuages grisâtres. Il s’inquiète pour la brûlure, s’attribuant la plus large part de responsabilité dans cet incident qui aurait pu dégénérer en une affreuse catastrophe. Il interroge doucement sa compagne, désolé, mais un nouveau baiser le rassure. Tout va bien.

Leurs mains reprennent la tendre exploration, glissant de cuisses fermes en hanches minces, leur arrachant de longs soupirs, d’exquises plaintes. Leurs souffles se font courts, se mêlent au travers de leurs baisers passionnés. Leurs corps se conjuguent, s’évadent, pour un long moment d’infinie tendresse. Et ils s’aiment, noués l’un à l’autre dans la douceur de cette nuit sublime dérobée au temps qui passe. Ils s’aiment de toute leur force, de toutes leurs tripes. Ils s’aiment comme s’ils se découvraient. Ils s’aiment comme si c’était la première fois. Ou la dernière …

C’est le petit matin blême qui les réveille, toujours étroitement enlacés. L’hacienda résonne des bruits habituels du lever du jour. Chacun s’apprête à vaquer à ses occupations. Rodrigo examine avec soin la brûlure de sa gitane, profitant lâchement de la situation pour poser partout ses mains et sa bouche. La blessure présente un aspect sain qui les tranquillise, et la journée commence par une bataille de polochons sur le lit qui ressemblait déjà à un champ de batailles.

Les premières odeurs de cuisine envahissent la demeure. Mais le problème reste insoluble pour la gitane, toujours nue et privée de ses vêtements. Rodrigo lui prête à nouveau une chemise, faute de mieux, et la belle s’apprête en silence, s’attendant à subir de nouveaux regards moqueurs de la part d’Isabella, du moins si sa rivale n’a pas regagné son domicile après l’épisode de la veille et si elle se présente pour le petit-déjeuner. La brosse à cheveux de la jeune bohémienne est dans sa chambre, juste à côté. C’est à peu près tout ce qu’il lui reste pour se refaire une beauté. Et les deux amants poussent la porte de la pièce voisine.


Omar


Vautré dans un fauteuil d’osier, les pieds nus posés sur une table basse, à côté d’une tasse de thé fumante, Omar relit le message qu’un cavalier particulièrement pressé a remis, dès l’aube, à un de ses hommes.

A l’intention d’Omar ben Chaffar. Votre réputation et votre discrétion sont parvenues jusqu’à moi. Votre prix sera le mien pour éloigner définitivement une catin qui jette le trouble dans une des familles les plus fortunées de la région. Si vous êtes intéressé par mon offre, ce dont je ne doute pas un seul instant, soyez ce dimanche, en début d’après midi, au croisement de la route de Porto et du chemin menant aux docks, au lieu-dit « les bois de mimosas ».

Les bois de mimosas … Il connaît bien cet endroit. Il conserve en mémoire chaque détail des routes qu’il a empruntées. Et il approuve ce choix judicieux. Une multitude d’arbrisseaux vigoureux, à l’écart des chemins carrossables. Au bout d’un sentier qui s’écarte progressivement de la civilisation, et mène tout droit à l’abri de cette végétation touffue. Et à proximité ? Rien, sinon quelques haciendas isolées, endormies sous le soleil.

Dimanche donc. Début d’après-midi. C’est parfait. Les paysans et les pêcheurs se reposent. Les nobles se livrent à un exercice qu’ils maîtrisent parfaitement : la sieste. Et puis qu’importe ! De toute manière, Omar n’est pas homme à se laisser surprendre. Il va bien entendu se rendre à ce mystérieux rendez-vous, mais postera des guetteurs à proximité des massifs de mimosas dès le matin. On ne le prendra pas au dépourvu. Il n’imaginait pas reprendre si tôt la route du sud, mais la tentation est trop forte. Et l’expédition paraît prometteuse, même si le colis n’est pas décrit. Une catin qui met la zizanie dans une riche famille ? Elle n’est sans doute pas repoussante. Omar se connaît parfaitement. Dans quelques jours, les mers et les déserts vont commencer à lui manquer. Et il en va de même pour son équipe. Ses hommes vont râler un peu, par principe, ils vont réclamer une poignée de pièces d’or supplémentaires, mais ils ont l’aventure dans le sang. Ce treizième départ va les réjouir.

Le marchand d’esclaves empoigne son fouet préféré, posé négligemment à ses côtés, et gagne son bureau, dont les fenêtres grandes ouvertes donnent sur la campagne. Oui, il a également quelques courriers à rédiger en prévision de ce voyage, quelques complices à contacter, un itinéraire à tracer. Pour une catin pas trop faisandée, un harem d’Afrique du Nord fera parfaitement l’affaire. Bon, toute cette paperasse n’est pas la partie la plus palpitante de l’opération, mais elle est indispensable. Et qui d’autre que lui pour s’en occuper ?


Rodolfo


Rodolfo entra dans la tour par la porte extérieure, il monta les escaliers, franchit plusieurs paliers et enfin se trouva devant la porte de Joaquim. Il frappa avec force.
Lorsqu’elle s’ouvrit, il vit apparaître un Arminho des plus pâles.
Les deux hommes se serrèrent la main. Le vieil homme fit signe à son ami de rentrer et de s’installer. Il ferma la porte derrière lui.

- Alors vieux fou, tu as encore abusé de ta boisson favorite ? lança Rodolfo en signe de plaisanterie.

Le vieux châtelain ne répondit rien.

- Laisse-moi t’examiner, tu as une mine à faire peur. On dirait une vieille matrone qui a forcé sur le talc.

Arminho leva la main...
- Je ne t’ai pas fais venir pour ça.

Le médecin surpris, s’installa dans un grand fauteuil. Concentré, il regarda son ami avec perplexité.
A première vue l’heure était grave.


Joaquim


En entendant les coups résonner contre la porte, Joaquim espérait bien que ce fut Rodolfo.
Quand il vit son ami, il était heureux et soulagé de le retrouver.
La tension nerveuse, les soucis liés à la relation entre le marin et la gitane, les suites de sa convalescence, la préparation de la succession, le laissaient exsangue. Son teint blafard en témoignait.


Citation:
- Alors vieux fou, tu as encore abusé de ta boisson favorite ? lança Rodolfo en signe de plaisanterie.


A ces paroles, il aurait rit de bon cœur autrefois, se rinçant peut être même le gosier. Mais en ce jour, nul ne pouvait le dévier de ses préoccupations.

Citation:
- Laisse-moi t’examiner, tu as une mine à faire peur. On dirait une vieille matrone qui a forcé sur le talc.


Arminho leva la main :
- Je ne t’ai pas fais venir pour ça.

Une fois son ami Rodolfo confortablement assis. Il le regarda et caressa sa moustache.

- Mon ami, j’ai besoin de toi !

Dans une longue tirade, il lui expliqua la situation :
la romance que vivait son fils avec la jeune Malika, son approbation à cette relation, le désaccord de sa femme, l’orgueil blessé de l’ex-fiancée Isabella et son courroux légitime…

Joaquim avait repris des couleurs en donnant ces explications, il s’était mis à faire les cent pas dans cette chambre de bonne située en haut de la tour de garde.
Le souffle court, il s’énervait quand il parlait de sa femme : dame Philippa, incapable de comprendre l’amour de son fils, sourde au bonheur de l’enfant qu’elle avait mis au monde.
Dans sa folie des grandeurs, elle condamnait le bonheur et la vie de Rodrigo.

Arminho avait récupéré sa verve et son franc parler.

Enfin, vint le moment de la succession…

- Mon vieil ami, tu es le seul en qui je peux avoir confiance !
J’ai envoyé une missive au roi, lui signifiant que je remettais mon domaine dans les mains de Rodrigo don Setubal do Minho… le nouveau seigneur du Minho !
Il devra d’ici peu prêter serment au roi… Une simple formalité…

Devant la surprise de Rodolfo, le seigneur du Minho, esquissa un sourire, j’ai signifié également que je te remettais le titre de « conseiller » …

Arminho se planta devant le médecin.

- Je t’en conjure mon ami ; je te demande de le soutenir, de le protéger, de le conseiller et si il le faut de gérer en son absence le comté. Je sais que tu es hostile à ce genre d’existence. Mais, mon fils va avoir besoin de toi. De plus, cela ne t’empêche en rien d’aller et venir, de t’absenter à ta guise. Mais soit là pour lui !

Joaquim sentait que son ami était réticent. Mais, il voyait également que ce dernier était prisonnier de son amitié. Malgré une gêne occasionnelle, il se sentirait soulagé de l’entendre répondre positivement à sa demande.

Le vieux dévisageait son ami ; il toussota, puis reprit la parole.

- Par ailleurs, j’ai une autre requête à formuler !

En prononçant ces mots, Joao planta son regard dans celui de l’apothicaire.

- J’ai besoin d’un plan, de toi pour contrer Philippa et Isabella. Les deux bougresses ne vont pas rester les bras croisés. Je ne sais pas ce qu’elles vont manigancer pour séparer Rodrigo et sa bohémienne…. Mais, j'en suis sur; après ce que j’ai vu à ma table, la situation ne va pas en rester là.
Trouve-moi quelque chose pour éloigner leur attention, pour casser ce duo diabolique !
J’ai pensé à déstabiliser notre cher voisin.
La haine que nous nous portons Diogo Almirante et moi-même, ne s’éteindra pas avec nos morts successives. Cette haine va perdurer avec Isabella.
On risque une guerre ou de retrouver mon fils et sa belle assassinés …. Ou toutes autres perfidies, que sais-je ?
Je veux que toi et moi on règle cette affaire dès à présent. Je veux qu’on règle son compte une bonne fois pour toute à ce couard. Je veux que son domaine soit démantelé au profit de Rodrigo. Que cette menace et cette querelle de voisinage soient réglées avant que je trépasse !

En tapant du poing sur la table qui se trouvait près de la fenêtre, Arminho attendait la réaction de son ami.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 13 Aoû - 17:44

Malika


Vêtue d’une nouvelle chemise de son aimé, un peu maussade de n’avoir encore rien d’autre à se mettre, elle rentre dans sa chambre afin d’y prendre quelques objets de toilette. Ca au moins on le lui avait laissé.
En poussant la lourde porte de bois, Malika voit ses vêtements déposés sur son lit.

Rodrrrriiiigo ! Viens voirr ! C’était une mauvaise plaisanterrie, tout est là, toutes mes rrobes sont là !

Son sourire radieux revient aussitôt, ses yeux s’illuminent de joie, elle se précipite vers le grand lit ,enfouit ses mains dans les soieries douces et colorées.
Elle virevolte dans la chambre, prend sa robe bleu, puis l’orange, les applique sur elle, son rire perlé résonne dans la pièce, elle prend la main de Rodrigo et entame quelques pas de danse.

Elle choisit de mettre la robe bleue, et Rodrigo, tout en lui déposant de légers baisers dans le cou, l’aide à resserrer les lacets argentés qui lui font une taille de guêpe. Elle passe de délicates chaussures du même ton, un réticule d’argent à sa taille, et laisse ses cheveux fous tomber sur ses épaules.

Une délicieuse odeur de brioche fraîchement cuite se répand jusqu'à l’étage, venant chatouiller leurs narines et leur faisant réaliser qu’ils avaient tout deux une faim de loup vu l’heure tardive de leur réveil.
Main dans la main, ils dévalent les grands escaliers.
La salle à manger est déjà désertée, Dona Philippa ayant du rejoindre ses appartements. Avec un peu de chance, Isabella était rentrée chez elle. Quand au seigneur Joaquim il devait se trouver dans sa tour, loin des tumultes domestiques.

Rodrigo tire une chaise pour que Malika prenne place à la grande table, et sonne la cuisinière pour qu’on leur serve leur déjeuner, mais la gitane a le nez à la fenêtre et n’a aucune envie d’être enfermée dans une pièce, si belle soit elle.

Dis mon coeurr ! Il fait si beau, allons prrrendre un panier aux cuisines et nous mangerrrons tous les deux dehorrs, sous les arrbres au fond du parrc.

Dans la cuisine, les marmitons sont déjà aux fourneaux, tout le monde est prêt à leur rendre service, et ils se retrouvent avec un panier plein de victuailles et de fruits. Malika les remercie avec effusion, sa chaleur est communicative, elle attire la sympathie de toute la maisonnée.

Ils se dirigent tous deux vers la chapelle de l’hacienda, belle bâtisse de pierres qui se cache dans une clairière discrète. Rodrigo lui a expliqué que ses ancêtres y sont enterrés sous de belles stèles de pierres sculptées à leur effigie.

Après quelques bouchées de délicieuse brioche, de tendres étreintes entrecoupées de caresses et de rires, le regard de Rodrigo s’assombrit. Malika sait ce qui le ronge, une phrase dite par son Père ne cesse de le tourmenter. Pourquoi le vieux Seigneur avait-il parlé d’un dernier voyage, que voulait il dire ?

Cherrri !Tu es trrriste ? Tu devrrais aller voirr ton Pèrrre, je pense l’avoir aperçu derrrièrre la fenêtrre de son bureau. Va lui demander ce qu’il voulait dirre !

Il la serre dans ses bras, heureux de voir que sa gitane ressent les mêmes choses que lui, et, avec un sourire complice, il s’éloigne vers l’hacienda.

« Ma Chérie, merci pour ta compréhension, je reviens dans un moment »

Assise à l’ombre depuis un moment, Malika a besoin de se dégourdir les jambes. Elle se lève, s’étire avec grâce, défroisse sa jupe, enlève quelques miettes restées dans son corsage.
Un regard à l’entour pour voir si Rodrigo revient. Non, il est encore trop tôt.

Elle décide d’aller voir la chapelle de plus près, la bâtisse est majestueuse. Elle pousse la porte de bois sculptée, qui représente divers tableaux du chemin de croix parcouru par cet homme crucifié que l’on dit fils de Dieu .

La grande salle est sombre et fraiche, des bancs sont alignés.
Un autel recouvert de dentelles blanches, de lys et de roses, une odeur d’encens se répand avec douceur ,une rangée de cierges allumés dispensent une lumière jaune ondoyante.
On ne peut que se sentir bien, rien ne peut arriver de mauvais dans une telle atmosphère de calme et de paix.

Malika s’assied sur un banc, impressionnée par le silence qui l’enveloppe….


Rodolfo


- Très bien, très bien !
Tu sais pourtant que je suis hostile à tout ça : ces querelles de territoire, de pouvoirs…
Pour moi ceux sont des batailles de nobliaux !

Rodolfo soupira.

- Mais soit !
Je te suis attaché et je tiens beaucoup à Rodrigo. Je l’ai fais sauter sur mes genoux, il me rappelle une période heureuse de ma vie.
C’est pour ces raisons que je vais t’aider. Je n’ai pas envie de voir notre petit héritier se faire trucider pour une affaire de cœur.

Le médecin sourit.

- Il se trouve que je connais les textes de lois, les minutes des procès de ces dernières décennies, de toutes les successions des territoires alentours, l’histoire des dynasties et des familles…
J’ai dans mes relations des juges, des généalogistes…

Rodolfo fixait son ami.

- Je pense avoir quelque chose pour toi.
Il y a une faille dans la succession de Diogo. Lui peut encore faire valoir ses droits, mais pour ce qui est de sa fille, seule et unique héritière… Ce sera plus compliqué pour elle…
Diogo n’aurait jamais du être propriétaire de toutes ses terres, tout au plus un quart de ce qu’il possède, c’est tout !
Mais, maintenant, il est en place depuis beaucoup trop longtemps…

Je ferai tout de même le nécessaire, mes courriers seront envoyés dès aujourd’hui. Je dispose d’un réseau particulièrement efficace.

Après une courte pause, il reprit d’un air interrogateur.

- Mais peut être que tout ceci ne suffira pas pour tout régler. Peut être faudra t-il que tu uses de moyens plutôt expéditifs.

Rodolfo s’était relevé de son siège. C’était à son tour d’arpenter la pièce.

- Il y a une autre alternative.
Diogo a fait partie de la Conspiration contre le roi… La conspiration a échoué, les meneurs ont été décapités… Diogo, en bon lâche qu’il est, ne s’est jamais mis en avant. Il a échappé à toute condamnation. Mais le roi l’a dans sa ligne de mire depuis toutes ses années.
Si tu demandes au souverain d’intervenir en faveur de Rodrigo, je pense que tu auras son soutient indéfectible.
Si tu sers en plus de bras vengeur, tu obtiendras du roi, ton père, les terres de ce poltron. Ce sera pour lui un plaisir de démanteler les possessions d’un conspirateur impuni.
Je ne crois pas que le roi te tiendrait rigueur de cette incartade aux lois, lui qui a assassiné son frère qui menaçait son trône. Et pour toi… qui a déjà pas mal de sang sur les mains…

Un rictus vint terminer sa phrase.

Dehors le jour pointait.
Le plan allait se mettre en place.


Joaquim


Quand Rodolfo prit enfin la parole après un long moment de réflexion. Il prononça les mots que Joaquim attendait. C’était un allié de poids. Avec lui à ses côtés, c’était toute sa jeunesse qui défilait sous ses yeux.
Deux gamins casse-cou, deux adolescents prêts à faire les quatre-cents coups.
Arminho était fier de son ami… fier qu’il prenne part à cette « bataille »…


Il sursauta néanmoins quant le médecin prononça le mot nobliaux.
« Nobliaux, nobliaux… » pensa t-il.
Serrant les poings pour ne pas réagir, il put lire dans le regard de son ami la provocation. Ce qui le fit sourire. Venant d’un autre, cet outrage aurait fini aux poings, et l’indigent surement la gorge tranchée.


La plaisanterie tomba vite dans l’oubli quand Rodolfo évoqua la période de sa vie la plus heureuse. Arminho savait qu’il parlait de ces temps où son ami avait rencontré l’amour. C’est d’ailleurs pour ça aussi, qu’il ne rechignait pas à intervenir dans cette affaire. L’amour était toujours resté sacré aux yeux de l’apothicaire.
L’amour avait toujours eu pour lui le goût de cette femme, qu’il ramena d’un de ses voyages…
Belle comme le jour, leur union ne fut jamais célébrée… A croire que certains ne sont pas faits pour le bonheur.

Joaquim avait fréquenté le couple.
C’était à son retour… Fini, les périples avec ces bandes armées qui mettaient tout à feu et à sang sur leurs passages, fini d’être un soldat-brigand parcourant les routes de France et d’Espagne.
Joaquim était rentré au pays, il avait pris femme…
Par amour ?
Peut être, peut être pas !
Peut être au début comme dans chaque relation, une petite étincelle, une solitude qui commence à peser, et on se laisse prendre au jeu ; une attention, un regard, ensuite… on se laisse porter…

De son mariage naquit Rodrigo.


On pensait que Rodolfo était déjà dans un âge avancé pour se marier.
Quand il connu cette femme, cela le changea énormément.
Joaquim pensait même qu’il allait renoncer à tout ce qu’il faisait, tout ce qu’il était pour elle. Bien que cela semblait inconcevable.
Et pourtant !
La sylphide avait bien quand à elle renoncé à son pays, ses amis, sa famille pour le suivre jusqu’ici.
Arminho lisait l’amour dans leurs yeux, jamais il n’avait vu telle fusion entre deux être humains. Même sur un champ de bataille entre deux frères d’arme, i l n’avait connu telle communion.
Ils étaient tout simplement faits l’un pour l’autre, complémentaires et identiques à la fois.

Maintenant, Arminho le savait, jamais il n’aura connu cela: l’amour parfait entre deux êtres.
La rencontre de deux âmes sœurs.
Evidemment, dans ce genre d’histoire, il y a toujours un « mais »…
Un frère jaloux, une famille hostile, le manque du pays, un hiver rigoureux, une bronchite, des complications, des soucis, une grossesse compliquée,… l’ensemble emporta la malheureuse…

Rodolfo ne s’en remis jamais…
Il continua à vivre comme un damné…
Maudissant les dieux qui avaient joué avec lui et sa compagne… Fustigeant les dieux qui lui avaient enlevé celle qu’il chérissait…

Maudit destin ! Foutue vie ! Saloperie d’existence ! pensa Arminho.

Rodolfo vouait le reste de sa vie à la médecine, à acquérir toujours plus de connaissances, à voyager à travers le royaume. Il s’était mis à étudier le droit, ne considérant que la justice des hommes et voulant l’améliorer ; rejetant ainsi la justice divine.

Arminho admirait son ami.

Avec son ami à ses côtés, rien ne pouvait lui arriver, il se sentait invincible.
A l’énoncer de ses connaissances en droit de succession, il se dit qu’il avait gardé ces informations en cas de coup dur. Aujourd’hui il pouvait s’en servir.

Pourtant, au point de vue légal, ceci pouvait échouer.

- Reste donc l’autre solution ! souffla Arminho.
Ne t’inquiète pas pour ça, j’en fait une affaire personnelle. Diogo vit ses dernières heures.
En quelques heures, je peux être chez lui, l’égorger dans son sommeil et être de retour au château sans éveiller le moindre soupçon.
Ce sera à toi de jouer ensuite. Au niveau légal, tu peux réussir à déshériter Isabella.
Moi, avec l’appuie du roi je peux offrir toutes ces terres à Rodrigo. Ce sera mon cadeau de mariage…
Ainsi, Isabella ne se souciera plus de Malika et de Rodrigo. Elle aura d’autres chats à fouetter.

Joaquim se satisfait de ce plan machiavélique.

- Je vais me reposer une heure ou deux et en dire deux mots à Sajara qui surveille notre bohémienne !

Les deux amis s’étreignirent avant de se quitter.
En ouvrant la porte à son ami, Joaquim eut la suprise de voir son fils arriver.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyDim 16 Aoû - 21:27

Rodrigo


Mouais, ça l’ennuie profondément d’abandonner sa princesse, compte tenu de l’hostilité manifestée à son égard par Isabella, mais elle l’encourage à rejoindre Joaquim, et il ne peut rien lui arriver dans l’enceinte de l’hacienda. D’ailleurs, son ancienne promise est-elle encore présente ? Elle n’a donné aucun signe de vie ce matin. Elle a sans doute repris la direction de son domaine, compte tenu de sa vive réaction de la veille lorsqu’il a quitté la salle à manger, et compte tenu aussi de sa nouvelle autorité dans l’hacienda et du soutien total de son père.

Son père … Un personnage complexe. Quel est donc le sens exact de ses propos mystérieux ? De cette passation de pouvoirs inattendue ? De cet ultime voyage qu’il va entreprendre ?

Malika ne risquant rien, et ayant sans doute récupéré Rolio et Igor, Rodrigo grimpe quatre à quatre les escaliers menant à l’étage du bureau et de la chambre paternelle. Joaquim ne peut vraisemblablement se trouver que dans une de ces deux pièces, qu’il ne quitte plus guère depuis quelques mois, depuis que Sajara voyage énormément pour son compte.

La porte du bureau s’ouvre lorsqu’il s’approche. Tiens ? Rodolfo était présent en cette heure matinale ! Cette petite réunion a vraiment l’apparence d’un conseil de guerre. Dommage qu’il n’ait rien entendu.

Rodrigo salue joyeusement le plus ancien compagnon de la famille, qu’il n’a plus rencontré depuis son voyage à Paris et l’apparition de Malika dans sa vie. Il se met tout-à-coup à envier un brin le vieux médecin. En effet, Rodolfo est sans doute au courant, voire même complice, de toutes les aventures d’Arminho, alors que lui-même, le fils unique, le successeur, ignore l’entièreté de ces péripéties, à l’exception de quelques racontars qui circulent dans les tavernes voisines, amplifiés par la consommation du petit vin du pays. Bah, le jeune officier en apprendra peut-être plus dans les heures qui suivent, car il a bien l’intention d’avoir une longue conversation avec son père.

Rodrigo tape gentiment dans le dos du docteur.

Je suis heureux de te voir en forme, Rodolfo. Tu m’as manqué. Mais désormais nous sommes, semble t’il, amenés à nous fréquenter davantage, puisque tu deviens officiellement mon conseiller personnel, en plus d’être mon ami et presque mon oncle. Rappelle-moi de te présenter ma nouvelle compagne, Malika. Tu vas tomber des nues tellement elle est adorable !

Echange d’un clin d’œil complice, d’un franc sourire, et le médecin poursuit sa route vers les escaliers.

Joaquim attend son fils sur le pas de la porte. Après une tendre accolade, ils s’installent dans de confortables fauteuils, face à face, de chaque côté du bureau de bois exotique. Sans plus attendre, Rodrigo entre dans le vif du sujet. Pas besoin de préambules entre eux.

Père, tes propos d’hier soir m’ont beaucoup inquiété. A présent que tu m’as désigné comme ton successeur, n’estimes-tu pas qu’il conviendrait que tu m’informes un peu plus au sujet de tous ces mystères ?


Philippa


Deux visages haineux épient la scène, à travers les arbustes en fleurs.

Tout se passe à merveille, à l’exception de l’absence surprenante d’Inès. D’ailleurs, c’est vraiment incompréhensible, la dame de compagnie était particulièrement motivée à l’idée de se débarrasser de la gitane. Oui, tout se passe à merveille. Rodrigo quitte la maudite intrigante et se dirige d’un pas rapide vers l’hacienda. Personne d’autre en vue. Cette clairière discrète, à proximité des murs de la chapelle, est l’endroit rêvé pour capturer Malika. Philippa et Isabella se saisissent des rouleaux de cordes emmenés, s’apprêtant à fondre sur leur jeune proie bien peu méfiante. La crypte sous la petite église sera une cachette parfaite pour y boucler la blondasse. Elle n’est plus utilisée depuis des décennies, et est certainement tombée dans l’oubli, même des plus anciens habitants de l’illustre demeure. Dans l’oubli, oui, mais pas de Philippa.

Zut ! la jeune fille de Bohème s’étire, époussette sa toilette bleue, et se met à déambuler lentement, rêveuse, sans destination précise, semble t’il. Elle contemple distraitement la végétation, le ciel d’azur uniforme. Les deux Portugaises ne la perdent pas des yeux. La haine leur confère ruse et agressivité. Elles se motivent mutuellement. Oui, c’est l’occasion rêvée de supprimer ce léger problème.

Malika pousse soudain la lourde porte de la chapelle. Elle entre sans un regard derrière elle. Ses rivales quittent aussitôt l’abri des branchages et se précipitent vers le vieil édifice, en silence, sur la pointe des pieds. La porte se referme lentement, et Philippa arrive juste à temps pour la caler du genou. La blonde tant détestée leur tourne le dos, assise sur un banc, se recueillant dans la pièce sombre, empreinte d’une profonde solennité. Philippa se glisse dans la nef, suivie de sa comparse. Dix pas, trois pas, puis un seul. Sans l’ombre d’une hésitation, l’épouse d’Arminho passe les bras autour du cou de la Bohémienne et serre brutalement. Malika pousse un bref cri de surprise et de douleur. Non !

La gitane se débat, joue des coudes, parvient à se redresser, et les deux antagonistes se trébuchent dans les bancs, roulant sur le carrelage. Qu’importe, Philippa n’a pas lâché sa prise. A genoux, elle continue à serrer la gorge fragile de son adversaire, allongée devant elle. Malika commence à manquer d’air, ses doigts s’accrochent aux avant-bras de la mère de son amant, elle tire, elle gémit, elle s’essouffle. En vain. Le combat est bien trop inégal. La gitane lance désespérément ses longues jambes dans tous les sens, pour renverser sa rivale. Ses cuisses nues apparaissent, de même qu’une minuscule culotte de dentelles, mais surtout un court poignard attaché à sa hanche. Philippa le remarque et hurle.

Isabella, le couteau ! Prends-le !

Deux bras se tendent pour s’emparer de l’arme, et la Portugaise est plus prompte que la jeune gitane, même si le poignard semble lui brûler les doigts.

La corde, Isabella ! Attache lui les jambes ! Empêche la de gesticuler !

La riche héritière bloque les chevilles de sa rivale entre ses genoux et lui ligote solidement les jambes. La gitane est totalement immobilisée, au seuil de l’asphyxie. Sa vue se brouille. Ses bras minces sont sans force. Philippa hésite un instant. Si elle serre encore quelques secondes, elle aura un cadavre entre les bras. Non ! Elle désire une vengeance plus cruelle. Un harem, quelle fin rêvée pour cette catin ! Elle relâche la pression sur la gorge de Malika, mais lui immobilise sans mal les poignets dans le dos. La blonde est à leur merci. Fin du premier acte.

Défoule-toi, Isabella ! Donne-lui donc une correction, ça te soulagera !


Sajara


A son poste le maure surveillait de loin Malika…
Sans cesse, il la regardait mais ne voyait que son pauvre maître andalou : un poète, un érudit et un humaniste…
Maître qu’il avait trahit !
Savoir par la bouche de Fatima que cette céleste créature blonde était la fille de ce grand poète, le troublait énormément.
Il donnerait sa vie pour défendre la fille de son ancien maître ; pour se racheter…


A distance, il la suit ne lâchant pas sa surveillance.
Sortant des cuisines, elle erre sans but précis.
Enfin, le vieux guerrier devine sa destination : la belle semble prendre la direction de la chapelle.

Celle-ci se rendait dans un endroit que Sajara connaissait mal ; pourtant ce n’est pas faute d’avoir usé ses guêtres dans tous les coins et recoins du château et même du domaine…
Mais le religieux n’intéressait nullement Sajara.
Le vieux maure se demandait ce qu’elle pouvait faire dans pareil endroit.
Il tournait la tête, rapace surveillant son territoire !
Rien aux alentours !

C’est en lançant un coup d’œil à la tour d’Arminho, qu’il vit le signe à la fenêtre : une bougie allumée dans une lanterne jaune.
Le signal qui le rappelait auprès de Joaquim.
Plusieurs couleurs composaient leur code, vieille pratique de brigands et d’agents en mission…
Le jaune !
Joaquim le demandait…

Un remords : laisser la délicate bohémienne !
Sajara jeta un dernier coup d’œil autour de lui… Rien ne bougeait, rien en vue…

Oh ! Si ! Là-bas !
Non, ce n’est rien, un serviteur parti faire ses corvées…
Sajara le dévisagea pour le reconnaître…
Il aperçut un laquais de douze ans à peine, vraiment rien de bien dangereux !
Bon, maintenant rejoindre Joaquim…
La petite va certainement se recueillir… Laissons la tranquille !
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptySam 22 Aoû - 21:03

Isabella


Isabella porte un corset et une jupe noire un peu plus courte que d'habitude. En dessous de celle-ci, elle a mis des braies confortables qui lui arrivent jusqu'au genou. Dans ses cheveux, comme d'habitude, une rose couleur sang. Pas trop d'artifices cette fois, juste ses lèvres, toujours pulpeuses et rouges.
Entre les feuillages du jardin, on peut apercevoir un regard perçant et noir, rempli de haine et de colère, celui d'un fauve en pleine chasse, aux aguets, guettant sa proie, son agneau blond et insouciant qui se promène gaiment dans la prairie. Un faux pas et elle est prête à bondir dessus. Sauf que l'autre tigresse, plus âgée, est à côté d'elle est également prête à l'arrêter si elle laisse ses émotions l'emporter.

La voilà qui entre dans la petite chapelle de l'hacienda. A pas de loups, les deux bourgeoises la suivent, tout en discrétion et en silence. La plus jeune ne peut s'empêcher de dévisager la gitane de dos. Ce dos qu'elle briserait avec plaisir, ces cheveux qu'elle découperait en rigolant, tout ce corps entier qu'elle brûlerait au centre du village devant les regards ahuris de toutes les personnes présentes, de Rodrigo.
Oh, Rodrigo... c'est pour toi que je fais tout ça, pour ton bien, pour notre bien. Tu m'en remercieras, de t'avoir débarrassé de cette sorcière qui nous a causé que des soucis depuis son arrivée. Et puis, enfin nous pourrons vivre heureux et en paix, tandis que la gitane sera dans un harem en Afrique, ohh, quel bonheur, c'est si jouissif...

Le "non" surpris de Malika fait sursauter Isabella, qui, tout de suite, se met au travail. Sa belle-maman avait déjà attaqué en serrant la gorge de la blondasse. Et elles roulent, les deux ennemies, sur le banc, sur le sol froid de la bâtisse.
Le couteau ! La brune s'active et obéit à l'ordre. De ses deux mains gantées de cuir, elle attrape l'arme sur la cuisse nue de la gitane. Le poignard est joliment affuté et scintille dans la pénombre religieuse de la chapelle. Pas le temps de l'admirer que doña Philippa se remet à crier.
Empêche la de gesticuler ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Ses jambes sont ligotées. Elle sert très fort. Que son sang ne passe plus, qu'il soit bloqué, qu'elle explose, que la trace des cordes soit imprimée sur sa peau !
Elle est maintenant immobile, la gitane. Immobile, presque morte et entre leurs mains. C'est si bon !

Défoule-toi, Isabella ! Donne-lui donc une correction, ça te soulagera !

Une étincelle s'illumine dans son regard de braise. Une correction ? Oh oui! Lui montrer toute la souffrance qu'elle endure depuis qu'elle est entrée dans sa vie, superbe idée. Mais il ne faut pas s'inquiéter, elle va en ressortir aussitôt vite qu'elle est venue. En courant même, au galop.

Elle lève le poignard dans sa main droite, prête à l’abattre sur la donzelle blonde en plein milieu de sa poitrine quand… NON ! La voix stricte et autoritaire de doña Philippa l’arrête. Elle lui montre du doigt un tapis posé près de l’autel, à l’autre bout de la chapelle. Là, en dessous, il y a crypte! Descendons à l’intérieur, ça nous évitera d’avoir affaire à quelqu’un ici. Isabella la regarde, incompréhensive, jusqu’à ce que sa belle-mère, joignant le geste à la parole, d’un coup sec, tire sur le tapis. Elle soulève la trappe de bois et fait signe à sa bru de prendre Malika et de l’y emmener.

Alors la jeune héritière essaie de soulever la gitane, la mettre debout, mais celle-ci, visiblement encore sous le choc, ne tient pas sur ses jambes et retombe aussitôt. Philippa vient l'aider, l'attrape par l'épaule, et à deux elles la trainent jusqu'à l'ouverture, descendent le petit escalier en pierre, posent -limite, jettent- Malika à terre, le temps d'inspecter les lieux.

Une petite et étroite fenêtre laisse passer quelques rayons de soleil, permettant d'éclairer la crypte au minimum. Des colonnes de pierres, des inscriptions sur les murs, deux trois os par ci, par là, et au centre une tombe, poussiéreuse et vieille mais pourtant, assez imposante. Qui repose à l'intérieur ? Bonne question, ça ne sera sans doute pas la gitane. Dommage.

Soudain, les deux portugaises se regardent, des étincelles dans les yeux, prises de la même idée. En deux secondes trois mouvements, la gitane se trouve sur la tombe, ficelée de partout, incapable de bouger ou presque… Une lumière sortant du plafond l’éclaire. L’ambiance est sinistre. Parfaite. Tant rêvée ! Les deux bourgeoises se frottent les mains.
Isabella fait le tour de la tombe tout en regardant Malika.

Alors, chère amie ? Cet endroit te plaît-il ? elle grimpe sur la tombe, puis dépose son fessier à côté d’elle. Je t’aurai bien laissé creuver ici mais… sa bouche pulpeuse s’approche de son visage pour prononcer bien clairement : je ne peux pas, on t’attend ailleurs. Tu veux savoir où ? Oh j'ai bien l'impression que oui, ça se lit dans tes petits yeux de biche ! Cette fois, ses lèvres rouges touchent presque sa tempe. Dans un harem en Afrique !
Et elle éclate de rire. D'un rire diabolique, rire d'une personne qui a accomplit sa mission avec succès, qui voit son ennemie perdre la guerre juste devant ses pupilles qui ne demandent que ça.
Et là, tu n'auras personne pour te sauver. Même pas ton Rodrrrrigo, susurre t-elle en imitant son accent ridicule. De toute façon il ne t'aime pas. Tu l'as ensorcelé, hein ? Vas-y, dis moi, comment t'as fait pour le séduire ? T'as concocté une potion à base de champignons et venins venimeux ? Je l'ai bien vu moi, que t'étais une sorcière. Rien que ta façon de t'habiller, et puis, ta réaction lorsque don Joaquim a annoncé qu'il allait partir! Qu'est ce qu'il s'est passé à ce moment ? Hein ? sans s'en rendre compte, elle haussait de plus en plus le ton, et elle avait finit sa phrase en criant.
Elle se redresse et prend le poignard que la gitane avait sur sa hanche.
Tu as de la chance, je ne dois pas trop te défigurer, sinon tu risque de ne pas être admise au harem et ça serait fort dommage. Elle pose la pointe du poignard sur son cou. Mais deux trois égratignures ne te feront pas de mal, pas vrai ? Après tout, j'ai le droit à une petite vengeance. Elle prend un air enfantin et ironique. De toute façon, ce n'est pas de ma faute, c'est seulement de la tienne ! Tu n'avais pas à venir ici, tu voulais divertir Rodrigo dans ton bordel ou que sais-je encore, d'accord, mais de là à venir voir sa famille et parler de sentiments amoureux, c'est exagéré je trouve. Tu as de bien grandes ambitions pour une moins que rien. Lentement, tout en délicatesse, elle enfonce le poignard dans sa chair mais juste au moment où elle sent qu'il va transpercer sa peau, elle le retire, sourire sarcastique au visage.
Tu as de beaux cheveux je trouve... certes, pas aussi beaux que les miens, mais ils ont de la valeur. A ton avis, si je fais ça... elle prend une mèche blonde de la gitane et la coupe avec son couteau, ça te fait quelque chose ? elle en coupe une seconde, puis une troisième, puis une quatrième. Je pourrais les revendre, tu crois ? elle donne les cheveux couleur blé à Philippa, qui la regarde depuis tout à l'heure.
Tu sais, je pense que tu vas avoir beaucoup de succès en Afrique. Les hommes vont raffoler de toi! Et tes enfants avec eux seront très beaux, j'en suis certaine. La peau brune et les cheveux blonds ! dit-elle en pesant ses mots et gardant pour elle que ses enfants, c'est pas avec Rodrigo qu'elle les fera.
Elle retire le gant de sa main droite et pose ses doigts froids sur son visage qui se crispe à son contact. Ses ongles s'enfoncent dans ses joues, son menton. Une personne de sang noble et riche te touche, sois en fière, petite bohème. Et que les marques de mes doigts restent à jamais sur ta peau de gitane, que ces cicatrices te rappellent tes erreurs, l'erreur que tu as fait en venant ici et cette délicieuse soupe renversée sur ma tête...marmonne t-elle entre ses dents, se faisant elle-même mal à la main. Puis elle la retire et lui donne une énorme claque qui résonne dans la pièce, le regard haineux.
Qu'est ce que j'aimerai te voir morte, à cet instant même...


Malika


Non, Malika était à mille lieues de s’imaginer qu’un complot de cette envergure, aussi bien préparé, était tramé contre sa petite personne.
Elle se sentait en sécurité dans l’enceinte du domaine, dans ce lieu de paix, non loin de son amant, de sa présence caressante et rassurante. Dès lors, lorsque les deux harpies surgissent dans son dos pour l’immobiliser, elle ne réussit qu’à leur opposer une résistance bien dérisoire. Malgré son âge, cette diablesse de Philippa possède une robustesse inattendue, et Malika ne peut se dégager de son étreinte.
Cette morue d’Isabella s’empare ensuite de sa dague, qu’elle conservait prudemment contre sa cuisse, sous son jupon, la voici désarmée et dès lors l’affaire est expédiée. La frêle gitane est capturée sans ménagement, elle a beau se débattre, l’effet de surprise a joué, elle est ficelée par sa rivale qui n’hésite pas à serrer les cordes plus que nécessaire autour de ses chevilles et ses poignets.

La vieille mégère fouille rapidement au fond des calices de métal précieux qui ornent l’autel, et elle y récupère une énorme clef rouillée. Malika la suit de regard. La mère de son amant se dirige d’un pas pressé vers l’entrée et ferme la lourde porte à double tour.
Cruelle déconvenue pour la fille de Bohème, qui espérait secrètement que Rodrigo, Joaquim, ou quelqu’un d’autre, pénètrerait dans la chapelle. Ce geste lui enlève toute illusion, tout espoir d’être secourue. La voici totalement à la merci des deux kidnappeuses.

De son côté, Isabella triomphe. Ses yeux pétillent de satisfaction, elle tient enfin sa revanche. Personne ne lui enlèvera ce plaisir. D’ailleurs, sans l’intervention de la propriétaire de l’hacienda, elle se ferait une joie de découper Malika en rondelles, sans plus attendre. Heureusement, elles ont d’autres projets, et les deux complices décident de s’en tenir au plan initialement prévu.
Hop, elles soulèvent la gitane, étroitement ligotée, et qui ne pèse pas bien lourd dans les bras des deux portugaises.
Les deux femmes libèrent un passage secret dissimulé sous un tapis d’orient, et traînent leur prisonnière dans un étroit escalier taillé dans le rocher. Parvenues dans la crypte, sombre et sinistre, elles jettent la captive sur une tombe poussiéreuse ou elle est liée prestement, un rai de lumière passe par un soupirail, il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps entre le moment où Rodrigo l’a laissée et où ces deux folles lui sont tombées dessus.

La sombre jeune femme s’assied a ses cotés, sa dague sur le cou gracile de Malika ;sa main écrasée sur son visage l’empêche de hurler, tandis qu'à son oreille elle lui murmure le programme des réjouissances élaboré par les deux femmes.

Malika se débat, et son regard glacé plonge dans celui de braise d’Isabella, elle mord cruellement sa main, le sang de la bourgeoise coule sur ses lèvres…..

Si tu crrrois que j’ai peurrr ? Tu te trrrompes Isabella. Un harrrem en Afrrrique ? N’oublie pas que l’Afrrique c’est aussi mon pays !

De rage Isabella lui coupe de longues mèches blondes, mais les insultes qu’elle lui débite n’atteignent pas Malika.

Tu me le paierrras au centuple, parce que je serrais librrre bientôt. Jamais un autre homme que Rodrrrigo ne me touchera, et toi ? Il ne te toucherra jamais, jamais tu ne sentirrras la douceur de ses mains sur ta peau, ni la tendrrresse qu’il peut donner aprrès avoirr fait l’amourrr.

Ca tu ne l’aurrrras jamais, et moi je l’ai ! Ezt csak tudod ? Szuka ! ( tu sais cela au moins ? Chienne)

Dans le silence de la crypte, le bruit sec d’une gifle retentit, la gitane serre les dents, surtout ne rien laisser paraître, la douleur elle peut la supporter. Non, Isabella n’aura pas la satisfaction de la voir pleurer ou même réagir aux coups qu’elle peut lui donner. Elle s’en sortira toujours, sa bonne étoile l’accompagnera.

Qu'est ce que j'aimerais te voir morte, à cet instant même...

Mais c’est toi qui va mourrrir de ma main ! Komisz tanàr ( sale vache !) Tu verrras ce que vaut une fille de Bohème ! Szajha( garce)
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 27 Aoû - 11:39

Philippa


Elle écoute les répliques qui fusent entre les deux rivales, qui se déchirent à qui mieux mieux. La brune triomphe car la blonde est en son pouvoir, et elle n’hésite pas à la secouer de diverses manières. Et la blonde jubile car le beau Rodrigo l’a choisie, elle. Décidément, cette satanée gitane ne manque pas de culot ! Ou alors est-ce de l’inconscience ? Ou l’expression de la fierté sans borne de son peuple d’errants ? Tout de même, alors qu’elle est à leur merci, pieds et poings liés, voilà qu’elle se permet malgré tout de défier Isabella, poussant même l’audace jusqu’à la menacer de mort ! Les yeux des deux jeunes femmes lancent des éclairs. Oui, ces deux-là vont s’étriper si elles en ont l’occasion un jour, ce qui est cependant une hypothèse bien improbable compte tenu de ce joli séjour à l’étranger qu’elles ont préparé pour la blondasse. Et, quoique Malika en dise, même si l’Afrique est le berceau d’une partie de sa famille, on ne s’échappe pas d’un harem. Les filles y sont constamment surveillées. Elle devrait en être consciente.

Isabella fulmine devant tant d’aplomb de la part de leur captive. Sans la présence de Philippa, l’ancienne promise de son fils se serait certainement montrée beaucoup plus violente. Mais c’est décidé, elles vont s’en tenir à leur plan, d’autant plus qu’un rendez-vous a été fixé avec Omar, le marchand d’esclaves, qui les débarrassera de la gênante en échange d’une somme rondelette. Dès lors, il serait idiot d’abîmer trop la marchandise.

Bon. Il est inutile qu’elles s’éternisent dans cette crypte. Une absence trop longue de leur part sera jugée étrange lorsque la disparition de l’aventurière sera constatée. Elles ne doivent éveiller aucun soupçon. Cependant, avant de regagner l’hacienda, là-haut, il y a encore une ou deux précautions à prendre. Cette Malika semble disposer de ressources insoupçonnées, d’une volonté inébranlable et d’une imagination fertile. En conclusion, la prudence s’impose. Cette crypte a beau être creusée dans le roc, et enfouie sous la chapelle, la gitane pourrait hurler comme une possédée et réussir à attirer l’attention d’un employé de l’hacienda. Dès lors, une seule solution …

Isabella, peux-tu obstruer totalement le soupirail qui donne vers l’extérieur. Utilise les vieilles planches de ce cercueil, là, et fixe les aux barreaux avec ces linceuls déchirés. Ca devrait faire l’affaire.

Elle dévisage la prisonnière d’un œil menaçant, et s’avance vers elle.

Notre amie Malika n’a pas besoin de la lumière du jour. Elle va être très sage et très raisonnable, n’est-ce pas ? Elle ne va pas se mettre à brailler dès que nous serons parties, sinon nous nous ferons un plaisir de lui couper la langue. D’ailleurs, j’ai une idée. Deux précautions valent mieux qu’une.

Philippa décroche le foulard de soie qu’elle porte autour du cou, et, d’un geste précis, elle se met à bâillonner la captive. Malika proteste, s’agite, se tord, mais les liens qui l’enserrent entaillent douloureusement sa peau à chaque effort de sa part. Elle a beau se débattre, la voici réduite au silence. De son côté, Isabella a terminé de boucher complètement l’étroite ouverture, et la crypte s’assombrit encore. Satisfaites, les deux ravisseuses se rejoignent et se dévisagent dans la pénombre, à deux pas de la Bohémienne.

Tout marche parfaitement, mais je pensais encore à un détail. En sortant, nous allons conduire le cheval de cette aventurière hors du domaine, par le sentier qui mène vers la forêt et que plus personne n’emprunte. De cette manière, tout le monde croira que cette maudite intrigante a détalé. Vois-tu encore autre chose, Isabella ?


Joaquim


Joaquim est heureux de voir son fils s’inquiéter à son sujet. Il est également fier de voir que son héritier s’intéresse au domaine, à sa succession…

Il prend enfin conscience de son rôle, de ses responsabilités. Il a bien changé. Pense Arminho.

Mon fils ! Tu as des responsabilités maintenant ! Je voulais te laisser en dehors de tout ça. Pourtant ta présence ici, prouve que tu es en droit de tout connaître. …Après tout, tu es le nouveau maître.
J’espère que tout ceci ne va pas entraver ton libre arbitre, ni te couper l’envie de régir ces terres… Tes terres… La terre de nos ancêtres !
Pour cela, il faut parfois se salir les mains, faire des choses que la moral réprouve…

Joaquim fixe maintenant son fils… Ce dernier n’émet aucun son, ne transpire aucun sentiment…
Le visage de marbre de Rodrigo impressionne le père.

A cet instant, Arminho comprend qu’il n’a pas son fils en face de lui, mais bel et bien le Seigneur Dom Rodrigo Don Setubal do Minho…
Il se dégage désormais une force de ce personnage, une détermination…

Joaquim pressentait qu’il fallait une porte de sortie pour son fils, afin que ce dernier échappe à ce plan diabolique. Il faisait erreur. Rodrigo est prêt à assumer ses responsabilités, à assumer les actes de sa charge.

Voilà fils, tout d’abord, je vous ai annoncé mon départ prochain…
C’est pour assouvir une dernière fois mon rêve de baroudeur…

Il se leva, s’agenouilla devant Rodrigo.

Je suis condamné, il ne me reste plus longtemps à vivre. La nostalgie de ma vie passée se fait plus forte de jour en jour. Il me faut faire ce dernier voyage. J’aimerai m’éteindre sur les routes, heureux d’avoir pu goûter à nouveau à l’aventure, à la joie des marches à travers la campagne et les bois ; le plaisir de traverser une ville, découvrir ces vieux quartiers, ses bruits, ses odeurs, ses gens…
J’aimerai encore une fois m’endormir le soir complètement repus et exténué au coin d’un feu de bois…
Je vais donc quitter mes terres !
S’il me reste assez de force, je reviendrai, sinon…
Avant, il me reste une chose à accomplir. Je veux être sur que vous ne serez plus, toi, Malika et ta progéniture soumis aux lois de la vengeance. C’est pourquoi, je vais œuvrer pour le bien de ta… de notre famille !

Arminho s’était relevé, et il se dirigea vers la fenêtre.

Pour ta mère, c’est fait… elle est écartée…
Légitiment, elle ne peut plus rien contre vous. A toi de décider de son sort après mon départ.
Elle s’entend avec la nouvelle châtelaine : ta femme ; ou elle reste pestiféré aux abords de la forêt.
Par contre, les Almirante vont engager une lutte à mort contre vous.
Jamais vous ne serez en paix avec cette famille.

Arminho dévisagea son fils d’un regard noir.

C’est pourquoi, moi et ma vieille garde allons engager une expédition punitive et définitive contre ces couards.
La meilleure défense est l’attaque !

Il ferma et serra son poing.

Sus aux Almirante, mort à l’ennemi, aucune pitié, aucun quartier !

Rodrigo emmagasinait toutes ces informations. Imperturbable, il fixait son père.

Devant le calme de ce dernier. Joaquim relata la discussion qu’il avait eu avec son ami Rodolfo.

Le côté juridique ne suffirait pas à emporter la victoire. Il resterait un obstacle physique que Joaquim se faisait fort d’éliminer.
De plus égorger son plus vieil ennemi n’était pas pour lui déplaire. Il quitterait ce monde sous peu, mais Diogo Almirante le ferait avant lui.

Il te restera Isabella à surveiller, mais je ne peux pas tout faire.
Arminho se mit à rire.
Après tout, si tu l’avais eu comme femme, tu aurais du également la surveiller et la mettre au pas.
Le rire gras d’Arminho envahissait toute la pièce. Il était friand de ce genre de plaisanteries misogynes.

Tu vois il me reste encore de l’occupation avant mon départ !

Arminho donnait l’impression d’être plus léger. Son fils était maintenant dans la confession. Il était rentré dans la cour des grands. Cette première épreuve serait pour lui une initiation à son rôle de seigneur.

Mais, n’était-il pas responsable de cette situation.

La confrontation contre l’ennemi héréditaire allait connaître son épilogue. Pourtant, l’issue qui se préparait découlait directement de son idylle avec sa bohémienne.


Dom Joaquim Joao Do Setubal do Minho semblait serein. Il allait en découdre et savait que Diogo trépasserait. Enfin une lutte décennale arrivait à son terme.

Je crois que tu comprends les enjeux, fils.
Il s’agit d’une vieille rancune que je vais clore.
Notre famille s’en trouvera sécurisée… et ce qui n’est pas à négliger sera plus riche et plus puissante. Tes enfants seront en sureté !
Prends-le comme tel !

Joao avait finir de discourir.
Patiemment, Rodrigo l’avait laissé parler.

Tu es au courant de tout.
Tu es le seigneur, quel est ton avis !

Concluant son monologue trois coups sourds se firent entendre à la porte.
Joaquim ouvrit et laissa entrer Sajara. Il lui demanda de s’asseoir dans un coin de la pièce.

Tu peux t’exprimer fils, Sajara, reste nos yeux ici…
En souriant, il ajouta : Et Rodolfo, notre tête !
Compte sur eux ! Ils ne te feront jamais défaut !
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptySam 29 Aoû - 22:07

Rodrigo


Depuis que Rodrigo est en âge de se comporter en adulte, en homme responsable, que ce soit en qualité d’officier de la marine ou en tant qu’héritier d’une des dynasties les plus fortunées du nord du Portugal, jamais son père, le tout puissant Arminho, ne l’a ainsi couvert de compliments. Bien entendu, une complicité sans faille les unissait, mais jamais Joaquim n’a été aussi loquace en tête à tête avec lui. Et jamais il ne lui avait demandé son avis auparavant.

Les temps changent. Les gens évoluent. Est-ce dû à cette blessure au combat qui aurait pu l’envoyer « ad patres », à ce long voyage dans cette capitale lointaine nommée Paris ? Est-ce dû au fait qu’il a imposé sa volonté en choisissant une compagne originaire d’autres horizons, d’un autre milieu, se moquant bien de déplaire à certains ? Est-ce parce qu’il a tenu tête à sa mère, pour la première fois ? Toutes ces démonstrations d’autonomie, de courage, d’indépendance, toute cette expérience acquise au fil des mois, attestent bien que l’adolescent couvé et protégé s’est métamorphosé en un homme digne de confiance, digne d’être le successeur tout désigné pour tenir les rênes de l’hacienda. Tout en écoutant avec satisfaction les propos de son illustre géniteur, c’est à cela que s’arrêtent les pensées de Rodrigo. Au moment où Sajara pénètre dans le bureau, le jeune officier a tout compris. Oui, il a compris qu’à présent Joaquim va le traiter d’égal à égal, et il en a également compris les raisons.

Don Diogo ? Cette larve. Ce pleutre qui n’a même pas eu le cran d’accompagner sa fille et son épouse dans leur domaine ! Ce voisin détesté, mais non craint, depuis de sombres aventures qui ont amplifié l’hostilité latente et sournoise. Don Diogo. Son père envisage donc de se débarrasser de lui, et d’annexer ses terres. Bien. L’idée lui plaît. L’enthousiasme et les explications de Joaquim suffisent à balayer ses dernières hésitations. Elles réveillent en lui des préoccupations assoupies depuis trop longtemps. Oui, l’apparition de Malika dans sa vie a tout perturbé. L’adorable gitane s’est accaparée de ses pensées, de son esprit, tout comme les étoiles s’accaparent de la nuit. Mais à présent il doit se montrer à la hauteur de ses nouvelles responsabilités.

Ne rajoute plus rien, père. C’est inutile. Tu prêches un convaincu. Je n’éprouve qu’aversion et dédain pour notre voisin. Le fait que je repousse désormais sa fille ne va pas calmer les choses. Je pense que j’en serais arrivé aux mêmes conclusions que toi. Nous avons l’occasion de surprendre ce lâche, profitons-en ! Tu as mon soutien. Et tu auras mon aide. Il te suffit de demander, et je serai à ta disposition. Cependant, père, veille à ne courir aucun danger inutile. Ta vie m’est plus précieuse que des terres et des bâtiments, fussent-ils les plus magnifiques de la région. Mais, te connaissant, je suis certain que tu ne te lanceras pas à l’aveuglette et que tu réuniras autour de toi une excellente équipe.

Rodrigo lance un clin d’œil complice à Sajara. Le bras droit de son père sera de l’expédition, c’est couru d’avance.

Puis il se tourne à nouveau vers Arminho.

Père, puisque nous en sommes aux confidences, aux projets, j’ai moi aussi une décision importante à prendre. Tu peux compter sur Malika et sur moi pour nous occuper du domaine, bien entendu. Mais je n’aurai l’âme sereine que lorsque j’aurai accompli une mission que je me suis fixée. Je t’en ai déjà touché un mot. Approche, Sajara, j’aurai sans doute besoin de tes conseils. Voilà. Quelques semaines avant que je la rencontre, Malika a été violée par trois soudards ivres qui cherchaient à se défouler sur une innocente victime. Ces crapules ont disparu après avoir fait preuve d’une bestialité révoltante. Ma douce compagne a mis du temps avant de se remettre d’une telle barbarie. Avant de s’évanouir, la pauvre Malika avait eu le temps de repérer un blason gravé sur la bague d’une de ces vermines. Nous ne disposons d’aucun autre élément, mais je suis bien décidé à retrouver leur trace, même si je dois retourner la terre entière. Ces goujats ne m’échapperont pas.

Rodrigo hoche la tête, perplexe.

En fait, il y a un second problème. Je n’ai pas encore parlé à Malika de ma ferme intention de retrouver ces types. J’ignore ce qu’elle en pensera. Son cœur hésite entre oubli et vengeance, je le sens. Mais enfin, je me charge de la convaincre. Père, si tu n’as pas encore choisi de destination pour ce voyage que tu nous annonces, serais-tu tenté par cette entreprise ? Et toi, Sajara ?


Sajara


Sajara se redressa, flatté que le nouveau seigneur fasse appelle à lui.

- Si le maître le veut, je te suis jusqu’en enfer « petit maître ».

Le maure était ravi. Malgré ses habits noirs et son regard transperçant, un sourire illuminait son visage.

- Emasculer ce genre de pourriture fait parti de mon domaine. Je leur ferai mille tortures, leurs cris effraieront les démons des enfers.

Son visage prit des traits inquiétants.
Un frisson parcouru l’échine de Rodrigo.

Le ton était donné. Le cas de Don Diego réglé, d’autres malandrins allaient subir la vengeance du trio.



Joaquim


Joaquim regardait son fils avec fierté.
Heureux de voir que celui-ci était devenu le seigneur du domaine.

- Soit, qu’il en soit ainsi, je te prends avec nous !
Ce périple te servira d’initiation.
Toi mon fils, mon compagnon Sajara et moi-même allons de ce pas occire ce pleutre.

Il se retourna vers Sajara et lui donna le feu vert pour préparer leur expédition nocturne.

- Le fief de ce fourbe n’est pas si éloigné en partant promptement nous serons de retour demain.
Evidemment, i l ne faut pas lambiner et rester discret sur les terres de notre ennemi, afin d’expédier rapidement nos affaires.
Il faut proscrire toute hésitation. La main ne doit pas trembler. Le sang coulera cette nuit.

Il souriait le vieux lion, excité de monter une expédition à laquelle son fils allait prendre part.

Il se fixa à la fenêtre, sentant le regard de Rodrigo dans son dos

- Mes sources m’affirment que des espions du roi surveillent le sagouin de près.
Malheureusement, l’ancêtre ne peut agir.
Je vais lui rendre un fier service… Que dis-je, nous allons lui rendre un grand service !

Il ria à gorge déployée.
Il se tourna vers Rodrigo, fit quelques pas pour le rejoindre et le serra dans ses bras.
Peut être était-ce la première fois qu’il étreignait son fils de la sorte.

- Je suis heureux d’accomplir cela avec toi.
Quand ton « grand père » apprendra cette expédition punitive… il aura un œil sur toi… Tu seras dans ces bonnes grâces…

Le sourire aux lèvres. Joao entendit le sifflet de Sajara.

- C’est bon, voilà le signal !

Il jeta une tenue sombre à Rodrigo.

Les deux hommes tout de noir vêtu, descendirent l’escalier.
Dans les écuries, les chevaux sellés attendaient leur cavalier.

Joaquim prit la tête de la petite troupe. Les chevaux lancés au galop prirent la direction du domaine des Almirante.


Rodrigo


L’heure de la vengeance a sonné. Un pleutre vit, sans le savoir, ses derniers instants. Non, Rodrigo ne s’attendait nullement à une telle expédition punitive, mais pour rien au monde il ne resterait là, les bras ballants. Les risques, il les partagera avec son père et avec Sajara. C’est son devoir, c’est sa volonté.

Départ imminent, donc. Passant devant sa chambre, juste après le signal donné par le Maure, le jeune homme s’y précipite pour y laisser un mot à sa belle.


Amor,

Mon père a besoin de moi de manière urgente.

Je pars donc directement avec lui, sans avoir le temps de t’embrasser, à mon grand regret.

Nous serons de retour demain matin, et, à ton réveil, mon ange, je serai à tes côtés et je t’expliquerai les raisons de cette courte expédition à laquelle je ne puis me dérober.

Je t’aime.

Ton Rodrigo.


Il décroche vivement le fourreau renfermant son épée d’officier, pendu au porte-manteau, rejoint rapidement son père dans l’escalier, et ils retrouvent Sajara devant les écuries. Leurs montures sont prêtes, déjà.

Les trois ombres s’éloignent au galop. Quelques heures de chevauchée, et justice sera rendue.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 24 Sep - 23:08

Isabella


Il fait sombre dans la pièce, maintenant que le seul soupirail qui laissait entrevoir quelques rayons de soleil est bouché. Pourtant, dans la pénombre, on peut voir les yeux de furie d'Isabella. Tout comme ses dents blanches, on pourrait croire que c'est devenu une prédatrice de la jungle, ses canines affutées et prêtes à mordre dans de la chair de l'innocente victime. M'enfin, pas si innocente que ça.

Elle croyait en avoir fini avec cette peste de gitane, pourtant, la blondasse avait osé lui répondre. Et pas n'importe comment. Des mots qui l'ont touché. "Il ne te touchera jamais."
Soudain, ses paupières se baissent. Elle a envie de riposter. Son cerveau se retourne pour trouver un moment, une fraction de seconde, où Rodrigo l'a touché ou caressé. Il y avait cette fois, quand ils avaient 5 ans... il l'avait pris par la main, tendrement. Mais c'était parce qu'elle avait les yeux bandés et il la faisait tourner car ils jouaient à Colin-Maillard. Non ! Il y avait aussi la fois où, un peu plus grands, ils s'étaient pris dans les bras car leurs parents les avaient grondés assez méchamment. Elle sentait ses bras de petit bonhomme se glisser dans son dos. Ils avaient partagé leur peine, leurs pensées. C'était ce jour là que la jeune fille était réellement tombée amoureuse de lui.

Dans une voix calme et posée, elle dit, presque murmurant :

Il ne m'a peut être pas touché comme il l'a fait à toi, mais moi au moins, je le connais depuis plus longtemps que toi et je ne partage pas sa couche au bout du premier soir. Tu sais quoi ? Je préfère me préserver et mieux pouvoir satisfaire les plaisirs de Rodrigo plus tard plutôt que faire l'amour avec n'importe qui rien que pour avoir quelques pièces, sale catin.

Provocation intense. Elle se rapproche. Le silence se fait lourd. La gitane tente de crier, mais en vain. Bâillonnée, on ne peut rien dire, comme c'est dommage.

C'est moi qui va mourrrrrrir ? Nous verrons ça. Bon, ton harem t'attend. D'ailleurs, si l'Afrique c'est tellemmment ton pays, tu devrais peut être savoir que la vie est dure là-bas, surtout dans ces établissements. Tu sais ce que j'espère pour toi ? C'est que t'arrive à t'en échapper. Mais qu'ensuite, tu te perdes dans un désert. Et que tu crèves là-bas, ensevelie dans du sable, sous la chaleur, en manque d'eau, seule. Seule. Sans ton beau Rodrigo pour te tenir compagnie. Il sera avec moi à ce moment là. Je penserais à toi. Je t'enverrai même des lettres, pour te donner de nos nouvelles.

Et, telle une gamine, elle la pince à sa cuisse demi-nue. Mais bien plus fort qu'une gamine l'aurait fait. Elle lui serre la peau avec ses doigts, y enfonçant également ses ongles, la tournant un peu pour accentuer la douleur. Puis sa main descend et elle le refait un peu plus bas. Puis elle remonte. Encore un peu. Même si elle ne le voit pas, elle sait bien que sa hanche est en feu. A travers le foulard, elle sent qu'elle hurle de souffrance. Elle gigote.
Et Isabella rigole, toujours telle une gamine, contente de sa nouvelle expérience. C'est si bon de voir une personne recevoir tout le mal qu'elle mérite.

Doña Philippa pose sa main sur son épaule.

Oui, on y va. On lui a déjà accordé trop de temps.

A tâtons, elle cherche ses gants posés sur la tombe. Et juste avant de partir, elle crache. Pas sur la gitane, non, mais juste à côté de son nez.

Sens mon odeur, sois-en dégoûtée, et n'ose jamais remettre un seul de tes pieds de mal-propre ici. Je parle de l'hacienda comme du pays. Et si tu touches à un cheveu de Rodrigo, il t'arrivera bien, vraiment bien pire que ce qu'il vient de se passer, car après il n'y aura plus d'harem qui me stoppera, il y aura juste la mort, la tienne.

La brune relève le menton, et, suivant la minime lumière à l'autre bout, accompagnée de sa belle-mère, sort de la crypte. Enfin hors de l'obscurité, ses yeux clignent plusieurs fois avant de se réhabituer à la lumière du jour. En quelques secondes, elle remet quelques mèches en place. Jamais sortir décoiffée. Sur ses lèvres se dessine un grand sourire en se tournant vers la vieille femme qui referme la trappe ouverte.

Nous sortons, l'air de rien, d'accord ? Et si on nous demande si nous avons vu Malika, non, nous ne sommes au courant de rien. Tout en avançant vers la porte, je vais m'occuper de son cheval, allez donc à l'hacienda vous reposer un peu, je reviens bientôt, nous pourrons prendre un petit thé pour fêter ça.

Petit clin d'œil et les voilà dans le jardin, chacune partant dans une direction différente. Isabella se dirige vers les écuries. Le cheval de la fille de Bohème n'est pas difficile à reconnaitre, c'est le seul qui est sale, qui a une longue crinière désordonnée, positionné dans une posture différente des autres étalons, et à une robe partagée entre le brun et le noir, bref, assez étrange, très gitan.

Viens-là, vieux canasson... viens... tout doux...

La jeune femme le détache, en manquant de peu de marcher dans son purin. Elle tire sur ses rênes, tire, tire, mais le cheval ne veut pas avancer. Au bout de quelques minutes d'effort, elle sent une goutte de sueur dégouliner le long de son front.

Ah non hein, ta maitresse m'en assez fait baver, tu vas pas t'y mettre non plus !

Elle prend un bout de bois posé près des branches coupées par le jardinier de l'hacienda. Telle une arme dangereuse, elle la manipule lentement entre ses mains. Un coup de bâton dans le derrière du cheval. Celui-ci hennit, se mettant enfin à bouger. Bien fait. Elle commence à avancer avec quand un domestique passe... visiblement, il reconnait l'animal, étant donné les yeux écarquillés qu'il a.

Chut, ne dis rien. Prends cette bestiole et débarrasse moi d'elle. Rapprochant ses lèvres pulpeuses de l'homme, elle lui susurre à l'oreille : tu seras bien évidemment récompensé, si tu fermes ta bouche et fais ton travail correctement.

Affaire conclue. Pas besoin de parler longtemps à ces pauvres gens pour les convaincre, ils ne gagnent déjà pas beaucoup en travaillant ici, alors lorsqu'il est question de donner un pourboire, ils ne sont jamais contre, que ça soit un acte malhonnête ou pas.

Le pas pressé, elle retourne à la demeure familiale. Doña Philippa est assise sur un fauteuil au salon, le service de thé posé sur la table basse. Isabella s'assoit à côté d'elle, prend une tasse.

Encore une bonne chose de faite ! Je suis fière de nous, on fait une belle équipe. Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre, certes, mais nous avons une position dominante. La dernière étape arrive à grands pas... elle lève sa tasse pour trinquer avec sa belle-mère, fière comme jamais. Mais, avant de prendre sa première gorgée, une question l'intrigue. Avez-vous revu Inès ?


Philippa


Excellente question. Où se cache donc la dame de compagnie ? Inès n’est pas indispensable à la réussite de leur entreprise, non, et la preuve en est qu’elles ont réussi, sans son aide, à enlever la gitane et à l’emprisonner en lieu sûr, dans une cachette introuvable. Cependant, la vieille nounou de la famille Almirante est au courant de leur projet. En totalité. Elle sait même qu’elles ont engagé ce nommé Omar pour escorter Malika au delà des frontières et la livrer à un quelconque sultan du désert. Sa disparition est donc plutôt inquiétante. Dona Philippa et dona Isabella sont du même avis, la fidélité d’Inès n’est pas remise en question. La dame de compagnie vénère Isabella, et jamais elle ne la trahirait. Mais il faut en avoir le cœur net ! Même si elles sont persuadées de ne pas avoir éveillé de soupçons.

Pensives, les deux complices terminent leur tasse de thé. L’hacienda leur paraît bien calme, ce matin. Aucun signe de vie de Rodrigo, depuis qu’il a quitté sa blondasse sous les arbres. Aucun signe non plus de Joaquim ni de ses deux âmes damnées, Rodolfo et Sajara, qui apparaissent toujours au moment où on les attend le moins, logeant fréquemment dans une des chambres de l’hacienda sans qu’elle en soit informée.

Mettons nous à la recherche d’Inès, Isabella. Je serai plus rassurée quand nous saurons ce qu’elle fabrique, et quand nous saurons pourquoi elle se montre si discrète. Sans doute est-elle en train de fureter dans un coin. Je propose que nous commencions par aller jusqu’à sa chambre.

Les deux dames se lèvent, abandonnant théière et tasses vides sur la petite table du salon. L’escalier … puis le premier étage … sans croiser âme qui vive. La matinée est pourtant largement entamée, à présent. Les voici dans la chambre d’Inès, qui brille par son absence. Tout est bien rangé, le lit n’est pas défait, la malle et les vêtements de la nounou sont dans la garde-robe. Oui, c’est bien ce qu’elle imaginaient. Inès est occupée à roder dans la propriété, en quête d’une indiscrétion qui satisfasse sa curiosité légendaire, et souvent utile.

A présent que nous sommes à l’étage, poursuivons nos recherches, Isabella. C’est exaspérant de ne rien savoir !

Elles prennent un autre couloir, tendant l’oreille, marchant sans bruit sur les tapis d’orient. Pas d’Inès. Là, au fond du hall baigné par les rayons du soleil qui s’infiltrent à travers les rideaux, se nichent la chambre de Rodrigo et celle de Malika. Les deux fureteuses poussent la porte de la gitane, qui gît à présent sur une couche beaucoup moins confortable que celle qu’elles ont sous les yeux. Surprise ! Toutes les toilettes qui s’étaient volatilisées sont alignées sur le lit. Les deux comparses se dévisagent, stupéfaites. Quel est ce mystère ? Et si ce prétendu vol n’était qu’une invention de cette maudite vipère pour se faire plaindre et pour gagner la sympathie de Joaquim ? Soit !

Elles poursuivent leur exploration … la chambre de Rodrigo, maintenant … Pas le moindre bruit. Elles entrent prudemment, sur la pointe des pieds, comme deux cambrioleuses. Personne. Le lit présente l’aspect d’un champ de bataille. Des sous-vêtements féminins sont éparpillés, pêle-mêle, sur les draps de soie. Il est aisé de comprendre la scène. Isabella semble pâlir à cette vue. Tiens ? Sur l’oreiller, un mot. Ecrit et signé de la main de Rodrigo. Elles lisent ensemble. Nouvelle énigme. Quel est ce bref voyage décidé à l’improviste ? Que mijote encore Joaquim. Dona Philippa ramasse le message et l’enfouit au fond de sa poche. De toute façon, la gitane ne le lira jamais, mais elles sont les seules à le savoir. Par contre, la disparition de ce feuillet, conjuguée à celle du canasson, pourront faire croire que Malika, après lecture, a tenté de rattraper Rodrigo. Futé, non ?

Viens, Isabella, quittons cette pièce avant que quelqu’un ne nous surprenne. Nous n’apprendrons rien de plus. Vivement dimanche pour que nous soyons débarrassée de cette aventurière ! Donc, comme convenu, tu escorteras Omar et sa bande pendant quelques lieues, pour t’assurer que tout se déroule parfaitement …

Leurs chuchotements se poursuivent dans le corridor …


Fuinha


Fuinha avait pris son service au nom du roi. Il était la Fouine du roi.

Il était au service du roi depuis de nombreuses années.
Il était...
Fidèle de par son serment à son roi.
Proche de par son appartenance à la garde rapprochée de son altesse.
Oreille au service de son maître, œil surveillant pour lui, prêt à faire le coup de force pour lui obéir.
Distillant à sa majesté, les secrets qui traînent dans les alcôves.
Espionnant pour le compte de son Seigneur.



Le voilà sur les terres d’un ennemi du roi.
Cet Almirante allait prendre cher.
Trahir son roi, n’est pas une bonne idée si ce dernier reste le plus puissant. Un vassal déconsidéré et abandonné de ses anciens alliés ne vaut plus rien.
Les jours de ce pauvre fou sont comptés.

Pourtant la Fouine avait pour ordre d’espionner, et rien d’autre.
Il pouvait se montrer à ce vassal félon, histoire de lui montrer qu’il était sous le courroux du roi…

Le toutou avait mordu la main de son maître… Il allait gouter à la punition…
Le roi pouvait pardonner beaucoup, mais, pas le parjure. C’était une faiblesse qu’il ne pouvait laisser paraître. La meute l’aurait aussitôt attaqué.

Le jour, la Fouine se montrait à Almirante, chien racé mais craintif.
Ce pleutre se terrait, la queue entre les jambes.
La nuit notre espion royal tournait dans les bois et autour du château.

Un soir, il ne manqua pas de remarquer des ombres… trois ombres…
Se mettant à l’abri, il eut tout le loisir d’observer le trio.

Il reconnu de suite Dom Joaquim Joao Do Setubal do Minho… avec ce client c’était une autre histoire…
Fils illégitime du roi… ancien brigand… ancien soudard… guerrier émérite… dangereux stratège… et sous la protection du roi…

Timidement la Fouine sorti d’un fourré, signalant ainsi sa présence au puissant et terrible voisin des Almirante…

Que pouvait donc bien faire Arminho sur les terres de son ennemi intime.
Au passage des Setubal do Arminho père et fils, flanqués de leur maure, la fouine inclina la tête en signe d’allégeance et d’alliance.

Le trio passa sans ralentir, mais la fouine eut les sangs glacés au rictus de Dom Arminho.

Pour l’heure il ne s’agissait pas d’une visite de courtoisie.
La Fouine regretta presque d’avoir signalé sa présence.
Il fut saisi de s’entendre prier, sa bouche émettait des sons qu’il ne pouvait réprimer.
Le triumvirat l’avait impressionné.

Petit à petit, il comprit que Arminho, en fin stratège, se rendait chez Almirante pour rendre la justice du roi.

Almirante le renégat, perdait tous ses appuis politiques.

La porte du chenil s’entrouvrait, le bâtard s’engouffrait dans la niche du toutou racé…
La gamelle allait changer de propriétaire.

La Fouine attendrait jusqu’au petit matin pour constater visuellement les dégâts et irait rapporter au roi les évènements nocturnes.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 8 Oct - 11:18

Philippa


Les heures lui paraissent interminables, tout comme ces nuits glacées de décembre qui attendent que le matin daigne enfin montrer le bout de son nez.

Isabella a regagné sa chambre, sans que le mystère de la disparition d’Inès soit élucidé. Le sera t-il un jour ? La curiosité maladive de la vieille nounou lui a t-elle joué un vilain tour ? Ou bien va t-elle réapparaître, confuse, balbutiant une explication abracadabrante ? Soit ! L'avenir le révèlera.

D’ailleurs, l’inquiétude de dona Philippa est double. Comment interpréter le voyage secret de son satané époux et de leur fils ? Quelle tâche obscure et urgente sont-ils en train d’accomplir ?

Toutes ces interrogations la rendent nerveuse et lui donnent mal au crâne. Quelques pas dans le jardin la décrisperont sans doute. De plus, une surveillance discrète de la prisonnière la rassurerait, tout en occupant ses pensées. En route. Quoi de plus normal que d’aller se recueillir quelques minutes à la chapelle, non ?

Dona Philippa pousse la lourde porte de bois, ornée d’un crucifix séculaire, et la referme aussitôt derrière elle, à double tour. Un signe de croix, par habitude. Une génuflexion rapide devant la statue de la vierge qui monte la garde près de l’autel. Puis elle réalise et hausse les épaules. Oui, elle est en train de mettre en péril la vie de la gitane, et toutes ces simagrées, toutes ces bondieuseries sont vraiment de mauvais goût.

Elle se glisse dans un coin, s’agenouille, entrebâille la trappe et descend lentement l’escalier de pierre, étriqué et sombre. Elle s'appuie contre le mur, progressant plutôt à tâtons. La crypte est silencieuse et lugubre. La lumière ne s’y infiltre qu’avec parcimonie, et Malika n’est qu’une forme immobile et indistincte. Dona Philippa s’avance. Sa jeune captive n’a pas bougé d’un pouce. A son approche, Malika tourne cependant le visage vers elle. Elle est pâle comme un linceul. Peut-être les liens ont-ils été trop serrés par Isabella, en représailles de sa rébellion ? Ou peut-être a t-elle faim ou soif ? Ou bien un besoin naturel ? Dona Philippa dénoue prudemment le bâillon, et interroge la prisonnière du regard. Non, elle n’éprouve aucune pitié, aucune compassion. L’aventurière a joué et perdu. Voilà. Mais elle ne peut tout de même pas la laisser agoniser là jusqu’à l’arrivée d’Omar.


Malika


Liée sur la pierre froide, elle est étendue là, dans le noir. L’unique soupirail qui laissait passer un peu de lumière a été obturé par Isabella. Elle a les membres engourdis par les cordes serrées trop fort. Ses poignets et ses chevilles sont en sang à force d’avoir vainement essayé de se libérer.

Malika ne donne pas cher de sa peau. Elle a faim, soif, surtout soif. Quand elle ferme les yeux, elle entend une source qui s’écoule, et les clapotis de l’eau fraîche qui serpente gaiement entre les galets. Est-ce la fièvre, est-ce la folie qui la guette dans cette prison de pierre ?

De toute la force de sa pensée elle appelle son père à son secours.
Abi ! Abi ! Wysaad. (Père, père, aide moi)

Dans sa tête résonne la douce voix de son père tant chéri.
« Non ma fille, ne te laisse pas aller au désespoir, il se passera toujours quelque chose qui te permettra de t’en sortir »

Les larmes coulent doucement sur ses tempes, mouillant ses cheveux.

Un grincement de gongs rouillés la ramène à la réalité, le crissement d’un tissu, quelqu’un descend prudemment les marches de pierres glissantes, une forme sombre s’approche d’elle. Malika est terrifiée, on vient l’achever, jamais elle ne reverra Rodrigo, son unique amour. Jamais plus les doux rayons du soleil ne viendront caresser son corps. Jamais plus elle ne sentira le vent dans ses cheveux, le parfum des fleurs … C’est la fin.

L’ombre se rapproche encore, la forme se précise, c’est dona Philippa, sa geôlière. Elle délie son bâillon, se penche vers elle. Malgré sa gorge desséchée, Malika balbutie quelques mots hésitants.

Senorrra ? Que me voulez vous ? S’il vous plait, j’ai soif ! Pourr l’amourr que vous porrrte votrrrre fils, desserrez mes liens ! S’il vous plait …


Philippa


Son fils ? Sujet délicat. Depuis son retour de convalescence, un abîme d’incompréhension réciproque s’est creusé entre elle et lui. Un gouffre sans fond. Elle ne souhaitait pourtant que son bonheur, sa prospérité, et il possédait toutes les cartes en main. Une fiancée riche et belle, un domaine florissant, avec des vignes à perte de vue, se dorant sous le soleil presque toute l’année. Oui, un domaine que leur mariage allait métamorphoser en un vaste empire, le plus étendu du nord du Portugal. Quelle fierté pour dona Philippa lorsque ce projet grandiose aurait vu le jour, grâce à ses efforts.

Et vlan ! Voilà que cette catin aux yeux langoureux de jeune biche aux abois vient mettre à mal ce fabuleux programme en tortillant du croupion devant ce nigaud pour le mettre dans sa couche. Quelle délectable revanche de la tenir là, à sa merci, suppliante, docile, mendiant un peu d’eau, l’implorant pour qu’elle desserre les cordes qui l’immobilisent. Et quelle satisfaction pour elle lorsque ce fils ingrat parcourra, affolé, tous les recoins de l’hacienda pour retrouver cette blondasse dont il est si épris.

Elle dévisage la gitane, longuement, dans ce silence quasi monacal, avant de lui répondre enfin. Sa voix résonne étrangement dans cette espace clos, cette atmosphère confinée. Sa voix qui condamne. Sa voix qui accable.

Non, je ne vais pas desserrer tes liens. Tu n’as que ce que tu mérites, et je n’ai aucune confiance en toi. Tu n’es qu’une aventurière, et j’aurais peut-être dû laisser Isabella te trancher la gorge. J’espère que je n’aurai pas à le regretter. Mais je vais m’en tenir à mon projet. Notre projet. Et bientôt tu vas faire un long voyage …

C'est tout. Aucun détail supplémentaire. Le silence reprend possession de la crypte. Puis, jubilant intérieurement, dona Philippa remonte lourdement les escaliers, sans avertir Malika qu’elle va quand-même lui donner de quoi se désaltérer, la laissant ainsi dans un désarroi cruel. Ses yeux inventorient lentement les objets qui encombrent l’autel. Voilà. Un cruchon d’eau, déposé à côté d’un pichet de vin par le prêtre venant célébrer l’office aux grandes occasions.

Elle l’emporte, et redescend dans les ténèbres, auprès de sa prisonnière, qu’elle fait boire à même la cruche, en lui soutenant légèrement la nuque. Malika boit avidement cette eau tiède et rance, qui ruisselle le long de ses joues. Ensuite, sans ajouter le moindre mot, la mère de son amant la bâillonne à nouveau, et l’abandonne à sa longue attente, à sa détresse infinie.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyLun 19 Oct - 10:12

Joaquim


Cela faisait plusieurs lieux que le vieil hidalgo et ses deux comparses avaient franchi la frontière entre les deux seigneuries.
Depuis qu’ils se trouvaient sur les terres des Almirante, la prudence était de mise.
Chacun de son côté, scrutait, surveillait, écoutait…

La nuit était noire, elle enveloppait tout.

Les arbres du bois qui se profilaient au loin prenaient la forme de géants agressifs. Sajara repéra quelque chose tapi dans les bois. Il le signala de suite à son seigneur.

Comment diable, ce satané maure pouvait-il voir dans une pénombre pareille se demanda Joao.

Quoiqu’il en soit, les trois compagnons reprirent de plus belle leur étrange manège.
Arrivant à bonne distance, Rodrigo désigna à son tour une forme.

Sajara chuchota : « un homme… seul… personne d’autres aux alentours… »
Rodrigo allait dégainer son épée, quand son père bloqua son bras.

Il sourit à son fils.
- Je le vois maintenant… Ma vue n’est plus ce qu’elle était, j’en conviens… Mais mon esprit est encore vif. Cet homme est inoffensif. Il désire être vu.
C’est un allié ou quelqu’un de neutre. Passons à proximité pour le jauger.

Le groupe se déplaça silencieusement. Chacun dévisagea l’inconnu. Celui-ci fit un signe.
Une fois hors de vue, Arminho lacha quelques mots :
- Mes enfants les dieux sont avec nous… Et je dirai même plus le Dieu…
Le représentant de Dieu sur Terre : j’ai nommé mon père le Roi.
Vous venez de croiser son plus fidèle espion : Fuinha !
Nous avons le feu vert du roi ; sa fouine vient de nous donner le feu vert…
Mon fils tu es né sous une bonne étoile. Je vois pour toi puissance, pouvoir, richesse et… amour !

Un clin d’œil vint conclure son petit palabre.
Le visage du chef de clan changea d’expression.

Le château venait d’apparaître.

- Pieds à terre ! ordonna t-il.

Tous s’exécutèrent.

Ils harnachèrent les chevaux à l’abri des bosquets.
Rien ne paraissait troubler la nuit. Seuls quelques hululements et bestiaux nocturnes grattaient ou courraient ici et là…

Cela en était confondant de faciliter.
Un piège… peut être…

Arminho n’aimait guère la facilité.
Il sentait son fils quelque peu anxieux. Il le rassura en lui tapant l’épaule.

Il enchaina en faisant quelques signes à Sajara.



Sajara



Sajara obéit à son chef. Leur longue expérience commune ne laissait plus de place à l’incompréhension. Une mécanique huilée par les combats communs, les embuscades, les pillages, les faits de guerre rendait le binôme terriblement efficace.

La donne était pourtant nouvelle pour cette expédition. Sajara se sentait investi d’une mission supplémentaire : veiller sur l’héritier.

Le vieux maître l’avait désigné comme éclaireur, à lui d’ouvrir la voie.
Il s’enfonça donc dans la cour du château, personne.

Etrange !

Il sentait comme une atmosphère de trahison, de complot !
Don Almirante n’était pas en sécurité, alors pourquoi aucune sentinelle ?
Il s’avança vers l’entrée, utilisant les coins les plus sombres, s’agenouillant…

Il scrutait le moindre recoin pour s’assurer que nul vigile n’était cachée.
Il faisait signe d’avancer à Joao et Rodrigo à chaque étape sécurisée.

Les voici dans le château…

Les trois hommes se retrouvent à l’abri dans une petite salle d’arme.
Les couloirs, les coursives paraissent bruyants et les allées et venues incessantes font regretter au trio la tranquillité extérieure.

Sajara, d’une voix à peine audible fait une rapide description des lieux.

Le passage est surveillé, mais les étages… moins ou voir pas du tout. Laissant en suspend sa réflexion, il fixe Arminho du regard attendant les ordres.


Rodrigo


Le trio s’est subrepticement réfugié dans une armurerie encombrée de boucliers et d’armes blanches, de l’épée à la lame la plus effilée au cimeterre arabe aux effets les plus dévastateurs. Ils y semblent pour l’instant en sécurité. Sajara veille au grain, et Rodrigo fait de même. Ils ne peuvent se permettre d’être surpris dans ce local exigu, sans aucune possibilité de fuite.

Le jeune officier n’est plus un débutant. La prudence, il l’a apprise en mer, en défendant bec et ongles la couronne portugaise. Avec fierté. Et en s’aventurant vers des rivages sauvages et inexplorés. Un court instant, il est à la proue de son trois-mâts, fendant les vagues.

Oui, ce soleil aveuglant, qui brûle les yeux, lorsque l’équipage est à l’affût d’une voile menaçante ou d’un pavillon arborant des couleurs craintes et haïes, et qui se révèle un ennemi aussi redoutable que les canons … il le connaît.

Oui, ces récifs, ces brisants, pièges sournois autour desquels il faut louvoyer lentement, tout en redoutant à chaque instant que la coque ne s’y déchire et que l’océan devienne leur tombeau … il les connaît aussi.

Oui, ce ciel bas, pareil à un long manteau grisâtre et lourd. Oui, cet aquilon porteur d’inquiétants présages, qui fait gémir les mâts et les cordages tendus à l’extrême … il connaît tout ça.

Oui, et ici, comme en mer, il ne sera pas pris au dépourvu. Les sens en éveil, il analyse tout ce qui l’entoure et qu’il perçoit. Chaque éclat de voix, chaque battement de semelles, chaque grincement de porte qu’on entrouvre, chaque gémissement du parquet sous les bottes des gardes. Prudence … Ils ont beau avoir l’avantage immense de la surprise, ils sont en terrain hostile.

Il se rappelle ... Gamin, il venait courir dans cette hacienda avec la petite Isabella. Pas souvent, non, car leurs pères étaient déjà rivaux et se détestaient profondément. Leurs mères, par contre, entretenaient des relations plutôt cordiales, presque amicales. Oui, il a galopé entre ces murs, mais il n’était qu’un môme. Tout lui semblait plus grand, plus haut, plus large, à cette époque. Avec les années qui se sont égrenées, il ne se souvient guère de la disposition des pièces, ni de la destinations des couloirs et des escaliers.

Rodrigo est donc agréablement surpris lorsque Sajara leur décrit brièvement le bâtiment. Sa concision et sa précision sont impressionnantes. Le précieux Maure se tourne ensuite vers Joaquim, sollicitant du regard quelques instructions. Peut-être serait-il préférable de patienter un peu, d’attendre la fin du jour pour que les habitants de l’hacienda aient regagné leur chambre? Une attente prolongée augmente par contre les chances qu’ils soient découverts. Rodrigo précise tout ça à voix basse, conscient cependant qu’il n’a rien à apprendre à ses interlocuteurs.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 22 Oct - 11:38

Isabella


Les heures, les minutes, les secondes sont comptées.
La sulfureuse Isabella, allongée sur son lit moelleux et douillet, elle n'en peut plus. Elle est impatiente que le marchand d'esclaves vienne enfin récupérer la bestiole blonde qui est attachée à la tombe de la crypte à l'intérieur de leur petite chapelle. Qui aurait un jour cru qu'un tel crime pouvait se passer dans un lieu saint ? Dieu l'aurait-il prévu ? Non, même lui n'aurait pas de telles idées machiavéliques.

Une fois sur le dos, une autre sur le ventre, puis sur le côté. Elle bouge dans tous les sens, les draps blancs et propres se frottent contre sa petite robe, son visage. Ses cheveux sont en bataille, ses petites sandales jetées à chaque coin de la pièce, ses gants par terre dans le tas d'affaires qui s'était créé depuis son arrivée. Inès n'était plus là et son absence se faisait de plus en plus ressentir. L'odeur des vêtements sales et le désordre étaient maintenant de mise.

Elle s'étire de tout son long, ses mains serrées en poings, ses pieds pointés à la façon d'une danseuse étoile. Un frisson lui parcourt l'échine.
Enfin, après quelques heures de flemmardise dans sa couche, la belle se lève, enfilant encore une autre robe -on est noble ou on l'est pas!-, celle-ci un peu plus colorée que d’habitude, ce qui exprimait bien sa joie de vivre. Des chaussures hautes, des parures, des bijoux. Elle se permet une petite fantaisie, vu que sa gouvernante n'est pas là pour la conseiller.

Isabella sort de son boudoir, descend au grand salon où doña Philippa lisait tranquillement, installée dans un grand fauteuil. Au loin, le soleil commençait à se coucher. Et les hommes de la maison n'étaient pas revenus. Ce voyage est étrange, très étrange. Pourquoi partir ? Une soudaine envie de se promener ? Ou bien chasser ? M'enfin, ce n'est pas les questions les plus importantes pour le moment. Leurs enfantillages et envies de sortir ne passent pas au-dessus de Malika, même si, chose misérable soit-elle, elle était bien le centre des préoccupations des deux portugaises.

A voix basse, sa belle-mère lui explique qu'elle a été voir la gitane pour lui donner à boire. Lui montrant du regard les clefs posées sur la table-basse de marbre, elle lui demande si elle veut aller la rejoindre, à son tour. La réponse n'est même pas à réfléchir, la brune accepte tout de suite. Toutefois, avant d'aller dans la chapelle, elle passe par les cuisines du domaine.
Les domestiques baissent leur tête en la voyant, la saluent en baissant le menton, cessant immédiatement leurs bavardages et commérages entre bonnes femmes.

Donnez moi les restes du repas d'hier soir. Et si vous l'avez jeté, récupérez-le, n'importe comment mais récupérez-le. La soupe, plus particulièrement.

Aussitôt dit, aussitôt fait, l'une des femmes va dans la pièce d'à côté, et en ressort avec dans les mains un petit pot que Isabella se presse de prendre. Il est froid.

Ce n'est pas conseillé de le manger, doña... personne ne sait ce qu'il s'est produit à l'intérieur cette nuit, et puis nous devions le donner aux bestiaux, vous savez c'est p...

Tais toi, j'ai compris. Je ne comptais pas le manger, de toute façon.
Puis tout en s'éloignant,
Pff, franchement les domestiques, y devraient parler moins pour travailler plus.

Et en quelques minutes là voilà qui descend les escaliers froids de la crypte, l'ambiance sinistre et l'odeur de la moisissure qu'elle avait quittées ce matin venait de réapparaitre.

La blonde est allongée, les yeux fermés, ses joues sont trempées et brillantes. Des larmes ou bien l'eau que Philippa lui avait apporté ? Dans les deux cas, elle n'a pas l'air trop déshydratée, donc pas besoin de lui donner à boire. Une soupe plus que dégoûtante, pas fraîche et froide lui suffira.

Le bonsoir, dit la portugaise sur un ton jovial. Les yeux de la gitane s'ouvrent, et elle est bâillonnée, ligotée de la tête aux pieds. Tu pourrais répondre, c'est la moindre des politesses... soupirant ironiquement, elle pose le pot de terre sur la tombe de pierre. Tu as faim ? Ooh oui, je le vois sur ton visage. Pauvre petite, je t'aurais presque dit que tu ne mérites pas tout ce malheur, cette souffrance. Mais le problème, c'est que tu MÉRITES tout ça. Et heureusement, moi et ma très chère belle-mère t'épargnons bien des tortures. S'il n'y avait pas eu ce marchand, ce harem, s'il n'y avait pas eu c... elle avait haussé le ton, la colère prenant le dessus de ses paroles. Calme ma belle, calme. Tu ne dois pas te laisser emporter comme ça. Tu n'as pas passé la journée à te reposer pour de nouveau laisser cracher tes nerfs.

Elle dénoue son bâillon, non pas délicatement, au contraire, avec des gestes brusques. Enfin, elle risque de regarder Malika dans les yeux. En effet, dedans, on peut y voir une profonde tristesse et détresse. On pourrait croire que tous les malheurs du monde reposent sur ses frêles épaules. Comme si elle venait de se rendre compte que le joli conte de fée dans lequel elle vivait venait de laisser place à un cauchemar inimaginable, prenant une tournure encore plus odieuse qu'elle ne devait être au départ.

Le pot dans les mains, elle se penche lentement vers elle, attendant qu'elle ouvre la bouche pour recevoir son repas du soir...


Joaquim


Le voilà bien réjouit l’hermine, le teigneux va pouvoir s’en donner à cœur joie. L’hallali approche. La meute va fondre sur ses proies.

Le sang de Joao commence à bouillir, ses pulsations cardiaques augmentent.
L’effet de l’adrénaline se fait ressentir.

Fermant les yeux, levant la tête, respirant très fort … Il s’adresse à ses compagnons…
- Vous sentez ? Vous sentez ?
C’est l’odeur du sang, l’odeur de l’animal blessé auquel on va donner le coup de grâce !

On aurait pu croire que les yeux d’Arminho étaient rouges, que la haine et la colère accumulées depuis si longtemps allaient se déverser dans toutes les pièces.

Oui, maintenant, ils la sentaient cette odeur…
Une odeur âpre qui vous prend à la gorge…
Une odeur de souffre qui remonte des enfers et qui va les submerger…
Une odeur pestilentielle qui va de nouveau les souiller…

Ils vont donner la mort !

On en serait presque à une réunion satanique ou les convives mettent à mort une créature pour se repaitre ensuite de ses chairs.

Arminho, comme à son habitude se montra digne d’un commandant en chef d’une armée en campagne. Il demanda à Sajara de repérer la ronde des hommes en arme, et d’établir l’intervalle de leurs passages.
Ensuite, ils se faufileraient vers les étages.

- Sajara, tu t’occupes de la mère !
Rodrigo et moi règlerons le cas de Diogo !

Le plan esquissé ; Joao fit un clin d’œil à son fils…
La fine équipe allait remplir sa mission.

- Surtout… mettez vous dans le crâne qu’il ne faut pas se faire repérer après notre besogne !
Pour le commun des mortels, nous ne sommes jamais venus jusqu’ici.
Seules quelques personnes seront au fait de notre expédition.
Les sous fifres n’ont rien à savoir.
Ça restera de la rumeur pure et simple.
Si les calomnies viennent entacher l’honneur de notre famille, nous pourrons nous retourner vers les autorités.

Donc pas de témoins !

Le seigneur Arminho fit un signe à Sajara pour qu’il commence à exécuter sa mission.
Puis il fouina dans la pièce… toutes ces armes à portée de main ; quelle ironie !
Il sourit en chuchotant que son assurance vie était dans sa main. La lame d’un poignard brillait dans la pénombre.


Rodrigo


Ne pas se faire repérer … a rappelé judicieusement le patriarche. Ni avant, ni après le bain d’hémoglobine, bien-sûr. Ni avant, ni après que la tête du félon n’ait roulé à leurs pieds.

Ne pas se faire repérer, non, mais ceci risque d’être malaisé, car Joaquim et Rodrigo sont aussi reconnaissables dans la région que la majestueuse cathédrale de Porto, celle qui surveille les rives du Douro, à quelques lieues de là. Oui, chacun présent ici, dans cette hacienda, a pu croiser un jour ou l’autre le vieil ours et le jeune taureau, dans les villages avoisinants, ou dans les riches vignobles du nord, qui lézardent sous le soleil des collines arides. Oui, leurs visages sont familiers, c’est évident.

Les yeux de Rodrigo fouillent le bric-à-brac qui les entoure, et une étincelle de satisfaction illumine soudain ses prunelles. Là, posés à côté des cimeterres, des chiffons de tissu destinés à lustrer les lames. Et là, à droite d’une pile de boucliers, des cervelières de mailles, légères et peu encombrantes, dissimulant parfaitement les joues et le nez des soudards à qui elles sont réservées. C’est parfait.

Le jeune officier coiffe un de ces casques, et noue un carré d’étoffe juste sous ses narines. Le voilà méconnaissable.

Servez-vous, c’est don Diogo qui nous offre de quoi passer inaperçus ! Quel brave homme …

Le ton de sa voix laisse deviner qu’un vague sourire est apparu un instant sur ses lèvres.

Eh bien, Sajara, mon ami, la route est-elle libre ? Père, qu’attendons-nous ?

L’approche du danger le rend nerveux, impatient. Oui, il a hâte à présent d’en terminer avec ce couard de Diogo, puis de repartir, à brides abattues, retrouver sa tendre gitane et la serrer contre son cœur. Sans doute ne l’avouera t-il à personne, mais Rodrigo est heureux de ne pas avoir été désigné par son père pour éliminer la maman d’Isabella. Il n’aurait probablement pas été capable d’accomplir un tel acte. Mais, une fois de plus, Joaquim avait tout compris en répartissant les cibles. Sajara n’aura pas ce genre d’états d’âme.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyDim 1 Nov - 12:16

Malika


Le silence qui entoure Malika est assourdissant. Dans le noir, le froid de la crypte où elle est retenue prisonnière, le corps engourdi, son esprit s’évade.

Il s’évade vers les routes poudreuses qu’elle aime parcourir au galop avec Terra, son vieux complice, vers le soleil à qui elle aimait se montrer nue et se faire caresser par ses chauds rayons d’or. Vers la mer, vers les rivières où elle aime se laver dans les eaux froides et vives, et courir sur la plage avec son chien Igor, avant de rejoindre sa roulotte où elle trouve la paix avec Rolio, son singe si facétieux qui sait la faire rire même quand elle a l’âme triste.

Mais un bel officier a mis fin à cette vie bien orchestrée. Elle l’a suivi, croyant en lui, en son amour, en leur bonheur. Au lieu de cela, elle se retrouve dans une famille haineuse, à la merci d’une fiancée éconduite, folle et cruelle.

Mais où est-il, Rodrigo ? Pourquoi ne la cherche t-il pas, voilà des heures qu’elle est liée sur cette pierre tombale ! Elle n’a même plus la notion des heures, du jour, de la nuit. Quand donc est venue Dona Philippa ? Toutes ces questions sans réponse tournent dans sa tête.

Soudain, le bruit grinçant de la trappe qui s’ouvre la fait émerger de ses rêveries. Qui vient ?

Haaaa ! Cette odeur écœurante d’œillet, ce parfum entêtant, c’est celui d’Isabella.
Que vient-elle faire, la tuer ? Savourer l’instant de la voir ainsi livrée pieds et poings liés à sa vindicte, vient-elle la torturer ? Juste pour le plaisir de le faire !
Malika ouvre les yeux, dans la pénombre elle aperçoit la silhouette de la portugaise, qui lui lance un joyeux « le bonsoir » Inutile de bouger, elle détourne la tête.

Tu pourrais répondre, c’est la moindre des politesse… Quelle gourde, comment veut-elle que je réponde ?…
Tu as faim ? Ooh oui, je le vois sur ton visage. Pauvre petite, je t'aurais presque dit que tu ne mérites pas tout ce malheur, cette souffrance. Mais le problème, c'est que tu MÉRITES tout ça. Et heureusement, moi et ma très chère belle-mère t'épargnons bien des tortures. S'il n'y avait pas eu ce marchand, ce harem, s'il n'y avait pas eu c..

Oui, malgré la situation où elle se trouve, Malika a faim, mais elle s’attendait à tout venant de la jeune châtelaine.
Est-elle sauvée de la mort uniquement pour être vendue à un marchand de chair ? C’est toujours du temps de gagné, se dit-elle.

D’un geste brusque, la jeune femme arrache le bâillon qui clôt la bouche de Malika, qui prend un grand bol d’air. Isabella se penche vers elle, ses yeux sombres lancent des éclairs, elle essaye de lire dans le regard de Malika . Elle espère sans doute y voir de la détresse, du chagrin et de la peur, mais c’est un regard de haine froide que les yeux clairs et transparents de la gitane jettent sur elle.

Isabella lui ordonne d’ouvrir la bouche, elle prend le pichet de terre cuite qu’elle avait déposé sur la tombe, et verse entre les lèvres de la gitane un liquide aigre où flottent des légumes avariés que les habitants d’une porcherie refuseraient d’avaler.

Se moquant éperdument des conséquences, Malika bloque le liquide infect dans sa bouche et recrache au visage penché sur elle le brouet infâme. A nouveau, pour la deuxième fois, les légumes recouvrent la robe de velours et le visage fardé de sa rivale.
Malika la regarde, froide et narquoise, dégoulinante de soupe, des légumes épars sur son corsage, et se met à rire en voyant le visage blafard et maculé d’Isabella.

Kö :üsse ! Büveszet ! ( Le diable t’emporte ! Sorcière ! )


Isabella


On entend un grand fracas dans la crypte sous l'église. Le pichet de terre qui était censé contenir le repas du soir de la captive s'écrase sur le sol froid. Mais ce n'est pas le plus important...

La soupe aux légumes a comme une odeur de moisi, de pourri. Et c'est ce que sent Isabella, elle en a même plein le nez, sa robe, son visage qu'elle a mis tant de temps a poudrer ce matin même. Elle n'a pas beaucoup l'occasion de sentir de telles senteurs, si ce n'est pas pour dire jamais. Elle a toujours été baignée dans des essences florales depuis sa plus tendre enfance, son nez était très affûté et habitué aux arômes exquis et exotiques. Pourtant, cette fois, ce parfum de ragoût qui a tourné aussi délicat et léger soit-il, ne lui donne qu'une envie : vomir.
Car oui, dès que des odeurs sont trop fortes ou trop brusques, son nez ne sait plus quoi faire ni ou se mettre, où se cacher et comment se dégager de ce brouillard écœurant. Et, on ne peut pas dire que ce remue ménage est sans conséquences, car c'est bien son estomac qui en fait les frais.
Elle est à deux doigts de vomir, la bourgeoise. Ou plutôt à une main, celle qu'elle pose devant sa bouche.

Et soudain, elle explose. Un cri retentit dans la crypte. Perçant, aigu, à vous en déchirer les oreilles. Avec des gestes frôlant l'hystérie, elle s'essuie le visage, les légumes tombés sur son corsage, crache cette substance immangeable qu'elle à failli avaler tellement son hurlement était fort. Pourquoi s'est-elle encore fait avoir ? Elle, Isabella Gonzales d'Almirante est gentille avec une personne qui ne l'a même pas mérité, sa gentillesse, et voilà comment elle agit en échange?!

MEGERE !! crache t-elle sur Malika. CATIN ! PUTERELLE ! C'EST COMME ÇA QUE TES VIEUX PARENTS GITANS T'ONT APPRIS A REMERCIER CEUX QUI S'OCCUPENT DE TOI, TE DONNENT LE GITE ET LE COUVERT ?!

Isabella est en colère, vraiment. Un nuage de colère plane au dessus d'elle, il y a aussi de la colère dans ses yeux, dans son ventre, à l'intérieur de ses mains serrées en poing, sous ses ongles, dans l'air qu'elle expire de ses narines comme un taureau excité par la couleur rouge. Elle est la colère, la folie, la rage, le rouge, mais aussi le désir, le sacrifice. Elle est prête à tout pour Rodrigo. Prête à tuer.

Elle marche lentement, autour de la tombe. Elle ressent la satisfaction de la gitane, à vrai dire elle n'avait pas entendu son rire, tellement elle était préoccupée par son état. Ses doigts craquent sous la forte pression qu'elle leur fait subir en les serrant en poing. Elle a envie mais non. Les ordres de sa belle mère sont clairs : ne pas toucher à Malika.

Puis, poussée par une envie quelconque, elle se met à déchirer les vêtements de la blondasse, jusqu'à ce qu'elle se retrouve nue face à elle, sous les liens qui l'attachent à la tombe. Elle remet également son bâillon, ses mots incompréhensibles et son accent détestable lui montent à la tête au plus haut point.

J'espère que ton prince charmant viendra bientôt te chercher. Non pas Rodrigo mais le marchand d'esclaves ! A moins que tu ne crèves ici de faim, de soif, de froid. Un des trois. Ou les trois. Ne t'attends plus à rien de notre part, tu as refusé de manger, tant pis pour toi. Tout en parlant, elle trouve une cruche, sûrement celle qu'avait utilisé doña Philippa ce matin. A peine le temps de la prendre que, l'eau froide qui s'y trouvait est renversée sur le petit corps menu et bronzé de la tzigane qui se couvre immédiatement de frissons, mais sans en verser une goutte sur son visage.

Et elle la regarde, là, gisant sur sa pierre tombale. Et d'un seul coup, elle se sent impuissante, Isabella. Méprisée. Maîtrisée. Non pas qu'elle baisse les bras, non, c'est juste une sorte de fatigue. Et un martèlement dans sa tête. Et ses jambes deviennent flageolantes. Un dernier coup d'œil à la gitane, puis elle remonte, sans bruit, sort de l'église, pâle et le regard vide.

La brune ouvre la porte de l'hacienda, et, alors qu'elle fait un pas à l'intérieur, elle tourne de l'oeil. La belle poupée de cire s'affale par terre, crade, puante, et peut être un poil démoralisée et dépassée par les évènements.


Philippa


Plutôt satisfaite, la maîtresse de l’hacienda. Un vent favorable fait évoluer ses projets dans la bonne direction. La gitane est sous clef, Omar est averti. Le jour J approche. Bien. Une douce chaleur l’envahit. Le petit verre de Porto blanc qu’elle tient entre les doigts n’y est sans doute pas étranger.

Cependant, une inquiétude rétrospective s’insinue lentement en elle. Oui, était-ce bien raisonnable de donner l’occasion à Isabella de descendre seule à la crypte, près de leur prisonnière ? Sa protégée, et future bru, a le sang chaud. C’est une forte tête qui n’apprécie pas qu’on lui marche sur les pieds. Et l’orgueilleuse gitane a le don de l’exaspérer et de la faire sortir de ses gonds. La situation risque donc de s’envenimer une fois de plus, alors que la plus grande discrétion est indispensable. Malika a beau être totalement à leur merci, elle n’a pas sa langue en poche. Non, cette petite arrogante n’a sans doute pas une vision très claire de la précarité de sa situation. Une simple remarque acerbe ou moqueuse de cette jeune écervelée peut faire exploser Isabella, et la pousser à commettre l’irréparable.

Ce serait regrettable. Dona Philippa ne désire absolument pas être privée d’une vengeance délectable. Et d’ailleurs, comment se débrouilleraient-elles avec un cadavre sur les bras ?

Non, c’est décidé, c’est irrévocable, Malika finira ses jours dans un harem, et cette perspective réjouit au plus haut degré la propriétaire de l’hacienda. Douce revanche. La fière gitane n’y sera plus qu’un jouet entre les mains d’un sultan féroce et redoutable, un jouet dont il usera et abusera selon sa volonté et ses caprices les plus pervers.

Vision exquise de cette jeune catin blonde geignant et suppliant sous les coups de boutoir de son nouveau maître. Tu voulais un homme, petite gourde, tu seras servie. Mais pas comme tu l’espérais. Tu seras esclave. Tu seras domptée dans ton esprit et dans ta chair. Tu ne seras plus rien. Ta chienne de vie ne sera plus qu’un long calvaire. C’est le prix à payer pour t’être dressée face à moi.

Bon. Avant toute chose, se rendre compte de visu de ce qui se passe sous la chapelle. Dona Philippa quitte rapidement son élégant boudoir et prend l’escalier qui mène au rez-de-chaussée. Soudain, des voix inquiètes, des silhouettes affairées attirent son attention. Quelle est la cause de cet attroupement dans l’entrée ? Dieu du ciel, mais c’est Isabella qui est allongée là ! Que se passe t-il ? Quelques servantes s’agglutinent autour de la jeune femme en caquetant bêtement. Les idiotes ! Dona Philippa presse le pas puis s’agenouille au chevet de sa presque-bru, repoussant sèchement toutes les pies bavardes qui l’entourent. Pas de blessure visible, non. C’est un simple évanouissement. Elle tapote légèrement les joues d’Isabella, qui retrouvent peu à peu quelques couleurs. Son regard vitreux redevient plus clair. Tout va bien. Dona Philippa, rassurée, jette un œil noir sur les servantes.

Eh bien, aidez-moi, au lieu de discutailler ainsi et de rester figées comme des potiches ! Allons l’allonger dans sa chambre et laissons la se reposer un peu !

Soutenue par quelques bras secourables, Isabella est menée vers le premier étage, puis portée sur son lit. Dona Philippa lui essuie délicatement le front, renvoyant les soubrettes à leurs occupations afin d’interroger la jeune femme.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 12 Nov - 19:36

Sajara


Sajara se tourna vers l’héritier, le voilà bien gaillard le jeunot se dit-il.
Un rictus vint ponctuer sa réflexion. Nous voilà une fine équipe et la relève est prête à en découdre ; cela augure encore de beaux jours et de beaux coups.

Sajara ne se fit pas prier, lui aussi tient à se déguiser, le vieux Arminho préconise la prudence et la discrétion… Mais lui, Sajara fils du soleil est aussi remarquable qu’un sapin de noël en plein été…
Et nul doute que c’est son étoile placée au sommet qui brillera le plus fort.

Alors, lui aussi s’empresse de couvrir son visage, son crâne étant couvert nulle peur de ce côté.
Puis s’étant masqué, il se tourne vers le vieux guerrier, suivra t-il le conseil de son rejeton.
Va-t-il accepter ?


Le maure se concentre à nouveau, il entrouvre la porte. L’ombre d’une sentinelle s’éloigne.
Il s’agenouille et compte.

Plusieurs minutes après, ayant pris soin de refermer la porte ; il fait son rapport.
Il a décelé une faille dans la sécurité des lieux.

Avec une bonne entente et le même décompte, ils pouvent passer tous les trois à intervalle régulier.

Le premier à s’élancer sera Sajara, puis Rodrigo, et enfin Joao.

Le trio acquiesçe… et se met en position.



Joaquim



Ah oui pas bête le petit !
Se camoufler !
Ba… pourquoi pas !
Mais, même si on nous voit, ce sera la dernière vision du malheureux. Pas de témoin !

- D’accord, je me couvre le visage également.
Mais je le répète : pas de témoin !
Vous m’égorgez le quidam qui nous aperçoit !

Sajara ayant fait un rapport sur les sentinelles et l’espace qu’ils laissent entre leur passage, Arminho prend la parole :

- Très bien, il suffit de compter !

Le vieux portugais s’accroupi à côté de son compagnon d’arme et lui murmure :
- Tu seras le premier !
Je suivrai et Rodrigo me rejoindra.

- Après c’est chacun sa mission, si tout se passe bien on se retrouve ici, et on taille la route avant le lever du jour.

Une petite tape sur l’épaule du maure, et les protagonistes se mettent en place.


Sajara


Sajara prit une grande respiration. Le visage impassible, aucun trait, aucune ride ne trahissant la moindre de ses pensées, l’homme à l a carrure imposante se presse contre la porte, l’entrouvre…passe la tête…et se précipite dans le couloir…
Il s’enfonce dans le premier passage sur sa gauche…
Hors de vue de ses camarades, il emprunte un escalier qui débouche sur un long corridor.

Le maure se plaque contre le mur.
Deux voies se dévoilent, celle de gauche est pour lui, l’autre est pour Arminho et Rodrigo. Il marche espérant ne croiser personne. Même si au fond, tuer une personne de plus ou de moins ne lui fait ni chaud ni froid.

Il continue à avancer, incarnant la mort d’une femme. Mais le sacrifice de cette dernière représente la paix. La paix pour une région, pour une famille. Il représente aussi la justice, la forme n’est pas glorieuse, cependant on ne demande pas la beauté ou la grâce quand on réclame justice.
La justice est souvent utilisée ou réclamée avec vengeance et courroux.

Voilà un autre corridor, une série de portes se trouve devant lui.
La troisième est la bonne.
Cette pièce qui est la chambre de la châtelaine, va devenir aussi sa salle d’exécution.
Sous sa longue cape, la main de Sajara, se crispe sur un poignard.
Coincé sous sa ceinture de cuir ornée de motifs et d’écriture arabiques, l’arme sort de son étui.
A pas de loup, le puissant homme de main, se plante devant la porte.
Il laisse écouler un moment juste le temps de reprendre sa respiration, de laisser le rythme cardiaque redescendre, d’écouter le moindre son provenant de la chambre.

Ce visage sans expression semble pourtant se fermer…

L’adrénaline est à son maximum …

Il ouvre délicatement la porte, pour ne pas laisser entrer la lumière du couloir procurée par quelques torches à moitié éteintes.
Il se précipite dans la pièce et referme furtivement la porte.

Le voila introduit…
En alerte, Il entend la vielle maitresse ronfler.
Il s’approche de cette respiration trahissant une présence dans le noir. Les rais de la lune éclairent légèrement le visage de sa victime.
Il se place conformément à ses intentions, se penche sur elle, puis aussi vif qu’un éclair, met sa main sur bouche et d’un coup net lui tranche la gorge.
Il appuie de toutes ses forces sur la bouche pour empêcher les cris.
Mais plutôt qu’un appel au secours la dame du château cherche plutôt à respirer, elle est déjà en train de se vider de son sang et d’étouffer.
En quelques secondes, les yeux qu’elle avait ouvert précipitamment se vident de toute vie… déjà le regard vitreux a pris la place de la stupéfaction, et de la douleur qui s’étaient lues à ce réveil inattendu.

Sajara desserre son étreinte, il contemple quelques secondes le cadavre…

Sans remord, il s’assure de son ouvrage.
Aucun doute la maitresse des lieux est bien morte.
La laissant baigner dans son sang, il se retire en silence.


Rodrigo


C’est l’instant. Le châtiment est en route, inexorablement. La sentence est prononcée. La mort. Bourreaux, à vous de jouer.

Les silhouettes furtives de Sajara et de Joaquim se sont estompées dans le couloir silencieux, vers la gauche. Hop ! Rodrigo jaillit à son tour de la cachette, comme un diable hors de sa boîte. Il s’élance, courbé vers l’avant. Et aussitôt, il devient mur de pierre, il devient boiserie, il devient rideau, il devient tentures. Il est caméléon. Il fait partie intégrante du décor de l’hacienda.

L’escalier … Le couloir de droite … Toutes voiles dehors …

Le jeune officier reconnaît de multiples détails tout le long de sa progression rapide dans ce riche environnement, qui, quinze ans plus tôt, constituait un de ses terrains de jeu préférés. Cela accentue sa confiance. Tout va bien se passer. Encore quelques dizaines de mètres. Voilà. Mais où se cache son père ? Il était convenu entre eux qu’il l’attendrait près des appartements de Diogo ! Là ! Le voilà. Il est tapis derrière une armure de chevalier, équipée d’un large bouclier posé sur le sol, et qui semble contrôler les accès vers cet étage. Joaquim est presque invisible. Un couche-tard traversant ce couloir sombre ne l’aurait pas remarqué. Rodrigo le rejoint derrière cet écran propice. Un poignard a surgi entre les doigts du jeune homme.

La chambre, c’est cette porte, là … murmure t-il à l’oreille du patriarche, un soupçon d’inquiétude dans la voix. Son cœur bat la chamade, une poussée d’adrénaline lui vrille soudain l’estomac. Mais sa main ne tremblera pas face au danger. L’enjeu est trop important.

On y va, père ? Qui passe en premier ?
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyVen 4 Déc - 11:58

Omar


Dans la ville voisine.


Non, en définitive, rien ne presse vraiment. Et le vieux marchand d’esclaves pourrait se dorer la couenne au soleil, en sirotant un ou deux verres de ce rosé portugais frais et léger, à la robe lumineuse, produit sur les coteaux escarpés de sa terre adoptive, sans que personne ne songe à lui adresser le moindre reproche.

Mais non. Omar est un perfectionniste. Il se sentirait coupable de flemmarder dans la cour, les yeux rivés sur les collines environnantes. Non. Il hait l’imprévu, il redoute ce grain de sable qui pourrait dérégler le bel agencement de ses expéditions. Il ne sera pas pris au dépourvu.

En mer, il est le roi. Le capitaine qu’il rétribue grassement est un vieux forban féroce et cruel, mais il est d’une fidélité à toute épreuve, et il le restera aussi longtemps que les traversées vers les côtes africaines seront pour lui synonymes de bourses remplies d’écus étincelants. Non, en mer, Omar n’a rien à redouter. L’étape la plus délicate, c’est tout ce qui précède l’embarquement. En effet, une tentative d’évasion d’un de ses prisonniers, secouru par sa famille ou ses amis, est toujours à craindre, de même que la bagarre qui en résulterait inévitablement. Cependant, par la grâce de celui qui régit tout, là-haut, de telles péripéties ne se sont jamais produites durant ses « livraisons ».

Cette fois, d’ailleurs, le danger est minime. Qui risquerait de se faire trancher la gorge pour les beaux yeux d’une catin ? Dans la région, les filles de joie sont aussi nombreuses que les mouettes qui survolent le port en quête d’un bout de poisson à se mettre sous le bec. Il y en a pour tous les goûts, à condition de ne pas se montrer trop exigeant sur l’hygiène et l’élégance du spécimen, bien-sûr. Une de plus, une de moins, aucune importance ...

Omar déplie devant lui de nouvelles cartes détaillées de la région, ainsi qu’un parchemin plus rare, où sont tracés, de manière assez approximative, les contours du nord de l’Afrique. Son œil expérimenté accomplit déjà le voyage. Déjà, ils jettent l’ancre sur une plage déserte, aux portes du Sahara. Un sourire apparaît sur sa face cuivrée, ridée comme une vieille pomme. Bientôt dimanche, bientôt ce rendez-vous attendu avec impatience. La ribaude lui sera livrée, ainsi qu’une somme rondelette pour couvrir ses faux frais.

Il se lève brusquement, se penche à la fenêtre, et hèle un de ses hommes de confiance. Il le charge de quelques vérifications essentielles, notamment de contrôler une première fois l’emplacement de la rencontre avec les représentants de cette riche famille qui fait appel à ses services, mais aussi d’avertir ce brave capitaine de l’imminence du départ. La procédure classique, rien de plus …


Joaquim


Joaquim s’avança vers son fils, lui fit un clin d’œil, et comme s’il faisait fi de toutes ses recommandations, entra dans la chambre en poussant la grande porte de chêne.
Il fit signe à Rodrigo de rentrer et désigna du doigt l’endroit où il devait rester.

Positionné près de l’entrée, il serait à même de protéger son père contre toute intrusion.

Joao se dirigea prestement vers la couche de Diogo.
Celui-ci dormait du sommeil du juste, n’entendant rien, « sûr de la sureté » de son antre.
Le vieux briscard s’immisça dans le lit de son ennemi, s’allongea à ses côtés, se tourna vers lui, et le gifla.
Stupéfait, Don Diogo, se redressa, semblant prendre une inspiration pour appeler à l’aide, Arminho lui fracassa la mâchoire d’un puissant et terrible coup de poing…
Diogo releva la tête se tenant la bouche des deux mains, un râle rauque s’échappait de sa blessure. Bavant et pissant le sang, le pitoyable personnage se tortillait, souillant la literie qui prenait des couleurs vermillons.
Ne pouvant appeler qui que ce soit à sa rescousse, ou s’échapper de sa chambre, Diogo regarda Joaquim s’asseoir sur le bord du lit.

Don Diogo semblait paniqué, suppliant Rodrigo du regard.

Arminho se releva et flanqua deux grands coups de poing à son « hôte ».
Ce dernier se coucha instantanément sous la violence de ce nouvel assaut.

Joao semblait se réjouir de cet hallali, il se repaissait de voir son ennemi se vider.

Le voir impuissant, ajoutait à sa satisfaction.
Impuissant physiquement devant Joao, il l’avait toujours été.

- Alors Diogo, mon ami, je suis venu t’offrir la meilleure fin que tu puisses avoir…
Tu n’as toujours été qu’une défection, incapable de diriger ta vie, tes terres ou tes gens… te laissant aller au gré des évènements, sans jamais avoir su saisir ta chance… subissant la vie…
Tu as été passif durant toute ton existence… Et les rares fois où tu as eu les couilles de prendre une décision, elle était mauvaise… tu vas mourir comme tu as vécu, seul dans la pénombre sans lever le petit doigt, sans que personne ne se soucie de toi, comme un étron…

Difficilement Don diogo s’était relevé, debout au milieu de la pièce, il geignait…

- Tu n’as toujours été qu’une morve… renchérit Joao.

En faisant des ronds autour de lui, Arminho, regardait de façon concupiscente ce seigneur à l’agonie.
- Pourtant je vais te laisser une chance…

Il tendit à son adversaire une dague trouvée dans la salle d’arme…
Le bras tendu vers Diogo, Joao attendait qu’il la prenne.
Les yeux remplis d’effroi, Diogo prit timidement l’arme blanche, et d’un geste désespéré l’enfonça dans le flanc de Joaquim.
Sous l’effet de la douleur, le vieux seigneur, désarma son adversaire en frappa de toutes ses forces sur ce bras vengeur. Une tâche de sang apparut le long de son flanc droit. Il regarda sa blessure un court instant et se jeta sur Diogo encore surprit de sa subite et courte rebellion.
Dans un accès de fureur, Arminho frappa son ennemi héréditaire…
Son ennemi à terre, il s’agenouilla… à califourchon sur le pauvre hère, il se mit à frapper, frapper, frapper…
Les coups pleuvaient… l’avalanche ne s’arrêtait plus…
Le visage de Joaquim ruisselait du sang de Diogo. Déjà une flaque grandissait au pied de ce qui devait être maintenant un cadavre. Les poings du vieux loup ne cessaient de s’élever et de s’abattre sur le crâne en bouillie de sa victime.

Puis Arminho releva la tête, la furie cessa.
Il se tourna vers Rodrigo ; Sajara se tenait à ses côtés…

- C’est fait !

Il se redressa, flanqua un grand coup de pied au cadavre et tourna talons. Il regarda à nouveau sa blessure… une égratignure pensa t-il.

- On rentre !


Les escaliers furent avalés dans la discrétion la plus absolue ; la cour du château fut traversée promptement ; les chevaux récupérés, l’espion de sa majesté salué, et le chemin du retour effectué.

L’aube pointait à leur arrivée…



Rodrigo


Ainsi s’achève la vie inutile d’un pleutre. Dans un bain de sang, par une mort violente et méprisable. Ses supplications désespérées, bien que muettes, n’ont éveillé aucune pitié chez ses bourreaux. Rien qu’une dose de dédain supplémentaire. Non, la mansuétude et le pardon n’existent pas dans ce milieu. Trop de haine, trop de rancunes tenaces, trop d’intérêts divergents. Le sort de Diogo était réglé depuis belle lurette, avec l’assentiment silencieux et la bienveillante protection du roi, ce qui ne gâche rien.

Et les trois ombres s’évanouissent, sans tambour ni trompette, sans manifester leur joie, aussi discrètement qu’elles étaient apparues entre les murs de l’hacienda. Un seul témoin à ce double assassinat, l’envoyé de sa majesté. Aucune crainte à avoir de ce côté, il sera muet comme une tombe afin de ne pas provoquer le courroux de son suzerain.

Du coin de l’œil, Rodrigo épie le visage de son père, qui chevauche à ses côtés. La tache de sang sur sa tunique sombre s’est étendue, mais Arminho reste imperturbable. Son faciès est de marbre. S’il souffre, il ne le montrera pas. Pourtant, même si le vieil ours jouit d’une peau aussi dure que la plus solide des carapaces animales, et dispose d’une résistance diabolique, son fils ressent une inquiétude toute légitime vis à vis de cette blessure dont il ignore la gravité. Malgré lui, une interrogation l’envahit et le trouble. Le patriarche n’a t-il pas commis une erreur en tendant imprudemment un poignard à son rival ? Ce geste de défi n’était-il pas inconsidéré, et empreint d’une arrogance excessive ? Se poser la question, c’est aussi y répondre. Mais soit ! Rodrigo sait très bien comment fonctionne son père. Puisqu’il ne se plaint pas, puisqu’il ne bronche pas, il vaut mieux éluder la question, afin de ne pas écorcher sa fierté. D’ailleurs, en cas de nécessité, Rodolfo, leur ami et médecin, leur est tout dévoué, et Rodrigo l’avertira sans tarder.

Leur retour coïncide avec le lever du jour. Une vive impatience a gagné le jeune officier. Un prénom résonne dans sa tête. Malika. Il va enfin pouvoir la serrer dans ses bras, et lui expliquer en détail leur escapade nocturne, décidée de manière si soudaine qu’il n’a pu la prévenir que par trois mots griffonnés en hâte sur un bout de parchemin.

Les trois hommes se séparent en haut de l’escalier, et Rodrigo se précipite vers sa chambre, le cœur battant. Il pousse vivement la porte. Personne ! Le lit n’est pas défait, mais son message a disparu.

Tu es là, amour ? … murmure t-il en se glissant dans les autres pièces. Il renouvelle la question en pénétrant ensuite dans la chambre voisine, celle de Malika. Mais là, de nouveau, personne. Une sourde angoisse le saisit à la gorge. Il ne comprend pas. Que se passe t-il ? C’est l’aube, et sa gitane devrait être là à l’attendre ou à se préparer. Son chuchotement se mue en cri. Son angoisse se mue en affolement. Malika ? Malika ? Pitoyable litanie. Il se lance dans les couloirs de l’hacienda, se met à fouiller partout. Où est-elle ? Il faut qu’on l’aide à la retrouver ! Rien d’autre ne compte !
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyMar 8 Déc - 14:30

Isabella


La jeune bourgeoise se trouvait maintenant dans sa chambre, bien au fond de son lit, avec doña Philippa à son chevet. Celle-ci l'avait changé à la hâte, pris un torchon et débarbouillé son visage qui, depuis un petit moment, était dépourvu de couleurs, peigné ses cheveux avec une tendresse presque maternelle, tandis que la "malade" reprenait ses esprits. Ou essayait. Ou faisait semblant. Personne n'en saura jamais rien. Elle est tellement douée pour la comédie que plus rien n'est surprenant de sa part.

Sa protectrice tente en vain de lui arracher quelques réponses tout en lui épongeant le front. Pourquoi tu étais sale? qu'est ce qu'il s'est passé? quelque chose ne va pas? Rodrigo te manque? tu n'es pas malade j'espère ? tu as bien mangé ce matin? ce n'est pas l'autre blondasse qui a fait ça quand même ? ... et la brune lui répond par un énième hochement de tête. Aucune envie de s'attarder là-dessus. Alors elle fait un de ses sourires hautement travaillés et perfectionnés pendant des années devant un miroir, un sourire mignon, doucet, angélique, qui peut bien dire "ne vous inquiétez pas pour moi, je vais bien" comme "laissez moi tranquille, j'en ai marre de vos questions, encore une et je vous fait bouffer votre torchon!", au choix -ou même les deux- et rétorque d'une petite voix "merci". Bref, une comédienne, j'vous l'ai bien dit !
La vieille femme hausse les épaules, et quitte le boudoir de la donzelle, ne se faisant pas prier plus longtemps.

Le temps passe et la portugaise ne bouge pas, ne bronche pas, le regard fixé sur le plafond. Elle pense. Un peu trop, à vrai dire, comme d'habitude. Dans sa tête, la situation est analysée, réanalysée dans tous les coins et recoins, de face, de dos, de côté.
Trop de choses étranges dans cette baraque. La venue de la gitane, son accent bizarre, peut être même sa sorcellerie. Le changement d'avis de Rodrigo vis à vis de leur mariage. Son amour pour Malika. Et puis la disparition soudaine d'Inès.
Y a un truc qui tourne pas rond. Y a du complot dans l'air, et dans les deux camps, si ça se trouve les deux bourgeoises n'ont pas tout bien calculé ? Non non, pas possible. Leur duo vaut bien des armées royales, des centaines de grosses têtes savantes. Et surtout, une infinité de brigands, malfaiteurs et comploteurs réunis.

L'obscurité prend place dans la pièce. Vient alors la nuit. Isabella n'a toujours pas bougé, juste ses paupières se sont baissées et son souffle s'est régularisé.
Les tourments, bien qu'apaisés, ne sont pas disparus. Après la pluie vient le beau temps ? C'est ce que le dicton raconte. Moi je pencherais plus un soleil bien trop chaud pour la saison, accompagné d'orages violents, et bien d'autres perturbations atmosphériques...

_____________

La jolie brune s'étire, jette un regard par la fenêtre. Le jour n'est pas encore levé. Les souvenirs d'hier lui reviennent peu à peu, le malaise aussi, mais qu'elle parvient toutefois à maîtriser. Elle se demande combien de temps elle a dormi... une éternité. Les jours passés dans l'hacienda sont une éternité. Les jours sans le marin sont une éternité.
Ensuite, le rituel habituel: toilette de chat, habillage, coiffage, parfumage.
Dans son miroir reflètent les premiers rayons de soleil...
Et dans les couloirs résonnent les premiers pas. Et aussi les cris.

Affolée, Isabella se lève de sa coiffeuse, en faisant même tomber son tabouret. Cette voix. Sa voix. Elle ouvre la porte, et court, court aussi vite que ses jambes le peuvent, ses jupons dans chaque main. Bien évidemment -elle aurait du s'en douter-, ses pas la mènent à la chambre de Rodrigo (et Malika). Dans une pulsion incontrôlable, elle se jette à son cou, le serrant de toute ses forces entre ses bras. Bien sûr, c'est une étreinte purement fraternelle. Excuse toute faite au cas où il la questionne, ou la regarde avec étonnement. Mais ce n'est pas le cas, les traits de son marin sont tirés, ses yeux cernés. De sa bouche s'échappe un seul mot, un seul cri, un seul nom. Malika.

Rodrigo... nous t'attendions... on s'inquiétait tu sais ! visiblement, il s'en contrefiche. Plan b. Malika? Malika n'est pas là? Peut être qu'elle est descendue en bas? Ne t'énerve pas comme ça, Rodrigo. Je ne pense pas que ta mère sera contente de te retrouver dans tous tes états. Déjà qu'elle ne t'a pas beaucoup vu, mais si en plus tu es en colère... allez viens, on va chercher ton amie.

Ce dernier mot lui arrache la bouche, mais pourtant son sourire ne la quitte pas. Elle l'attrape par le bras et descend en sa compagnie au rez-de-chaussé. Là, elle aperçoit le patriarche, accompagné d'autres hommes. Non, elle n'a pas le temps d'apercevoir le sang qui inonde sa chemise, ni leurs couteaux tâchés de rouge. A eux aussi, elle adresse un sourire, d'ailleurs plus dans le vide qu'à eux, mais on ne dira rien. Si seulement cette pauvre idiote savait qu'ils venaient de tuer ses parents et sa gouvernante. Si seulement ! Mais ce n'est pas le cas, alors elle ouvre la porte d'entrée, et Rodrigo la rejoint, ayant déjà fait le tour des pièces, les pupilles en alerte, à la recherche d'une tête blonde. Toi aussi, pauvre idiot, si seulement tu savais que ta douce et tendre était attachée à une tombe, nue, bâillonnée, dans l'humidité. Si seulement !

Sous le soleil levant à l'horizon, le marin et la poupée courent dans le jardin immense de l'hacienda. L'un crie son désespoir à travers le prénom de sa bien aimée, l'autre crie l'hypocrisie et la haine à travers le prénom de son ennemie jurée. A deux, ils sont pire que les coqs qui chantent à l'aube pour réveiller le village. Ils passent derrière les buissons, des fois que la gitane se serait perdue en se promenant près des rosiers ou autres fleurs, puis viennent aux écuries.
Là, un chien -auquel Isabella ne fait pas vraiment attention-, se met à aboyer. Sur une barrière de bois, y a un singe -auquel Isabella ne fait pas vraiment attention- caché dans l'obscurité, dont seuls les deux yeux brillent et observent avec une certaine animosité animale le couple. La donzelle ne remarque pas le trouble qui se lit sur le visage de Rodrigo, toujours en train de tirer sur son bras pour continuer leurs recherches en direction des petits bâtiments à l'arrière du domaine...


Rodrigo


La fatigue de la longue chevauchée nocturne ? Envolée. Toute cette tension accumulée en lui au moment de l’exécution sauvage de Diogo ? Il ne l’oubliera pas, mais tout ça passe désormais au second plan. A présent, Rodrigo renverserait les plus hautes montagnes pour retrouver sa bien-aimée. Il court partout, il vole, traînant derrière lui Isabella, mais celle-ci l’aide t-elle réellement ? La disparition de Malika, sa rivale inattendue, doit plutôt la soulager, non ? Et si elle … ?

Non, c’est difficilement imaginable. Néanmoins, il se retourne sur la brune, et lui jette d’un ton sévère : Tu n’es au courant de rien ? Tu me le dirais, n’est ce pas ? Mais sans attendre la réponse, qu’il est certain de connaître, il poursuit ses recherches au pas de course.

Dans l’écurie, il constate avec effarement que le box qui abritait Terra, le cheval de sa belle, est désespérément vide. Dieu du ciel! Ce n’est pas possible ! Ils s’aiment tant, elle n’a pas pu s’en aller comme ça, sans le prévenir. Bien-sûr il y a ce climat d’hostilité autour d’elle, mais Malika est de taille à l’affronter. Non, ce n’est pas possible. Sa gitane est explosive, elle réagit parfois de façon précipitée, mais il ne peut croire en un départ si brutal.

Toujours suivi comme son ombre par Isabella, Rodrigo fouille minutieusement toute l’écurie, et là, soudain, il aperçoit Rolio et Igor, les animaux familiers de Malika, qui l’accompagnent partout depuis des mois, voire des années. Ca devrait le rassurer, elle ne peut s’être éloignée, elle n’a pas pu abandonner son chien et son chimpanzé ! Mais, au contraire, c’est une incompréhension totale qui l’envahit brutalement. Ces deux constatations sont contradictoires. Que faut-il en déduire ? Cette situation le dépasse, c’est tellement bizarre. Non, ne pas se laisser abattre … Ne pas se laisser désarçonner par ces événements mystérieux ! Il y a bien une explication !

Le jeune officier sort de l’écurie avec la brune sur les talons. Ses yeux inquiets fixent les murs des bâtiments qui constituent les annexes et sont regroupés à l’arrière. Mais est-ce encore utile d’explorer tous les recoins de l’hacienda ? Allez, courage ! Trouve une idée de génie, Rodrigo, sinon tu ne t’en sortiras pas. Du nerf, que diable !

Igor ! Ce nom jaillit soudain d’entre ses lèvres ! Igor, le chien fidèle, l’ami … Rodrigo revient sur ses pas, et appelle l’animal qui le rejoint aussitôt. Igor avec son flair exceptionnel, c’est peut-être le salut. L’espoir renaît …

Cherche … Aide nous … Cherche Malika …

Le chien le contemple. Rodrigo insiste. Il répète la phrase plusieurs fois, et tout-à-coup Igor s’élance dans le sentier menant tout droit à la chapelle. Serait-ce une piste ? Déjà ? Le jeune homme se rappelle soudain que c’est aux abords de ce petit édifice religieux qu’il a quitté sa bien-aimée, la veille, avant l’expédition punitive. Sans trop se bercer d’illusions, il presse le pas pour suivre le vieux chien de berger, précédant toujours Isabella. Il pousse la porte, et l’animal et la jeune fille pénètrent lentement à sa suite, entre les larges piliers de pierre bordant la nef centrale.


Isabella


Igor !

Isabella sent le bras du marin la tirer en arrière, brutalement. Elle se retourne en maugréant et découvre un chien, qu'elle ne connait pas et qui ne lui dit rien. Non, vraiment, les bestiaux ne sont pas sa préoccupation dans la vie, tout juste si elle arrive à se rappeler du nom de sa monture -et encore, seulement les fois où elle monte à cheval-. Pourtant, dans les pupilles de Rodrigo, une lueur d'espoir apparait, une lueur que la portugaise n'arrive pas à cerner. Ses lèvres s'obstinent à répéter "cherche Malika, cherche".

C'est le remue ménage, dans le cerveau de la brune. Ses méninges se retournent, tentent de décrypter l'étrange scène qui se passe devant ses yeux. Se peut-il que la gitane soit venue avec un chien ? Elle essaie de se souvenir la première fois qu'elle l'a vue, à côté de Rodrigo, avec ses cuissardes rouges ridicules. A vrai dire, ce tableau l'avait tellement abasourdi que les légers détails en arrière plan lui avaient totalement échappé.
Oh non, quelle sotte Isabella ! s'il est bien à elle, alors il va la tr...

Pas le temps de réagir, voilà que le cabot se met à courir en direction de la chapelle. Rodrigo s'élance à sa poursuite, tandis que la bourgeoise attrape de nouveau ses jupons dans ses mains et se presse pour le rejoindre. Peut être que le chien se trompe, il va descendre un peu plus bas dans le jardin... mais non, tout espoir s'envole lorsqu'il se lève sur ses pattes arrières et pose celles de devant sur la porte de l'église, y enfonçant ses griffes.

Non non non non non... ! murmure presque inaudible mais qui exprime la colère inévitable que la jeune femme éprouve à cet instant envers le petit mammifère, pourtant ami fidèle de l'homme - à c'qu'on dit!-. Si seulement elle l'avait su plus tôt, elle aurait tout de suite ordonné à la cuisinière de l'hacienda de le servir pour le diner... Oh, regret, regret... non, pas de temps à perdre pour toi.

Ils pénètrent dans le lieu sacré, qui en quelques jours servait à beaucoup de choses. A tout sauf à des pratiques religieuses. Isabella frissonne, espérant secrètement que le chien reparte dans une direction opposée à chacune de ses enjambées... celui-ci fait le tour, passant par les bas côtés, puis près des bancs, le museau en action. Jusqu'à ce qu'il pose ses pattes sur un tapis en face des chœurs, LE tapis cachant la trappe qui mène à la crypte. La brune ne respire plus, son regard est rivé sur Rodrigo.
Diversion Isabella, DIVERSION !

Rodrigo !! Le flair de ton ami animal n'est pas bien efficace... il agit plutôt à l'odeur des carcasses et de la bonne nourriture. Nous avions récupéré ce tapis des cuisines... il faut croire que le parfum ne disparait pas si facilement. C'est bien... continue... dans la crédibilité...
Continuons nos recherches, nous perdons notre temps ici, d'autant plus que venir dans un endroit sacré dans de telles circonstances n'est pas très... hum, consenti. J'ai bien dit crédibilité... Allez, je te dis. Je suis certaine que Malika se trouve dans un endroit sûr, mais peut être à t-elle eu besoin de souffler un peu, elle doit être dépaysée ici. Peut être qu'elle a décidé de partir définitivement... et n'a pas voulu te prévenir de peur de revenir sur sa décision...Elle se rapproche de lui et pose une main sur son épaule, avec une tendresse infinie. Ton cœur est bon, Rodrigo. Mais il faut savoir en prendre soin et ne pas le donner à n'importe qui... les dernières paroles et les derniers mensonges sont émis dans la chapelle. Paroles qui résonnent. Fort, très fort. Jusqu'à la crypte...

Elle ouvre la porte de la chapelle, invitant le marin à sortir.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 10 Déc - 23:37

Rodrigo


Deux pas en avant, trois pas en arrière, deux autres sur le côté. Doutes, hésitations, tâtonnements, bonjour ! Oui, c’est vraiment sans conviction que Rodrigo continue à explorer l’intérieur de la chapelle. Il a beau regarder, il n’y a ici aucune âme pieuse. Non, personne n’est agenouillé sur une chaise ou un banc afin de s’adresser à dieu ou à ses saints. Non, et malheureusement aucune superbe blonde en train de méditer et de prier, qui se ruerait dans ses bras dès qu’elle l’entendrait s’approcher. D’ailleurs, il ignore tout des convictions religieuses de sa gitane. Ils n’en ont jamais discuté sérieusement, préoccupés dès le lendemain de leur rencontre par ce long voyage à travers les Pyrénées, puis confrontés à toutes ces complications familiales à leur arrivée à l’hacienda. Il doit se l’avouer, il aurait été très surpris de la découvrir là, dès l’aube, en grande conversation avec une divinité quelconque.

Igor a beau fureter partout avec énormément de zèle, et notamment près d’un vieux tapis fripé et décoloré posé là dans un coin, Malika n’est pas ici, c’est clair. Peut-être est-elle entrée la veille, en se promenant, poussée par une curiosité toute féminine. Ce serait dès lors pour cette simple raison qu’Igor les a amenés ici ce matin, détectant subitement l’odeur de sa jeune maîtresse. Oui, sans doute est-ce la bonne explication. Isabella ajoute d’ailleurs un élément de taille à toutes ces suppositions. Ce tapis près duquel rôde le chien de berger provient en ligne droite des cuisines, ce qui justifie l’intérêt et l’insistance du brave animal, éternellement affamé comme tous ses congénères. Non, décidément, ils n’ont aucune raison de s’éterniser davantage. Mais alors, où chercher ?

Rodrigo redresse machinalement un banc renversé, dont personne n’a pris le temps de s’occuper auparavant. Ce vieux mobilier tombe en ruines, il faudra bientôt renouveler tout ça.

L’esprit en pleine déroute, le jeune officier lève les yeux vers un ancien crucifix, au front meurtri par une épaisse couronne d’épines. Seigneur, puisses-tu entendre ma prière muette et guider mes pas. Puisses-tu m’expliquer l’inexplicable. Puisses-tu retrouver l’introuvable. Et soudain Rodrigo sursaute. Isabella a posé la main sur son épaule. Elle continue à lui parler, amicalement. Elle évoque toutes les possibilités, avec une logique implacable. Elle argumente, elle émet des hypothèses quant à la disparition de la bohémienne, et Rodrigo se tasse un peu plus à chaque phrase. Chaque mot l’atteint en plein cœur. Chaque mot ranime le mystère. Et il ne sait pas. Et il ne sait plus. Sa belle énergie part en quenouilles. Il se rebelle seulement lorsque la brune lui reproche de donner son amour sans discernement !

Non, Isabella, Malika n’est pas « n’importe qui » ! N’emploie pas ces mots, je te prie ! Mais je t’avoue que je suis totalement perdu. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Je suis vraiment découragé. Que faire, à présent ?

La tête basse, le jeune officier rappelle Igor et franchit la porte menant vers les jardins, le cœur vacillant entre chagrin, incompréhension et abattement profond.


Fuinha


Le soleil s’était maintenant largement montré, ses rayons illuminaient le domaine des Almirante.
Fuinha posté dans « son bois » avait vu repasser la petite expédition qu’il devinait vengeresse.
Il allait quitter son observatoire quand il entendit et vit un remue-ménage qui enflammait tout le château.
Des cavaliers passaient devant lui à bride abattue, des cantinières criaient dans la cour, des soldats s’agitaient dans les coursives…
De cette pagaille et cacophonie, il résultait une chose : le seigneur et sa femme avaient été assassinés…

La Fouine s’avait dès à présent que son devoir était d’informer son maître le roi.
Son « bâtard » lui avait retiré une fameuse épine du pied.

La politique reprend toujours ses droits. Le bâtard allait ressortir grandit et renforcé de ce coup de force. Il devenait le plus puissant seigneur du royaume… enfin, son fils… Puisque Arminho avait décidé de se retirer, laissant son rejeton aux affaires…
Comme dit l’adage « bon sang ne saurait mentir »…. Même s’il est issu d’une branche bâtarde, Rodrigo est un petit-fils de roi. Il a rendu, peut être sans le savoir, un grand service à son « grand-père » qui le récompensera en douce.
La Fouine était prêt à parier sa solde qu’il n’y aurait jamais de procès.


Malika


Noir, noir glacé, noir silencieux. Malika a perdu la notion du temps, le corps nu sur la pierre froide, les membres liés, le corps engourdi, bâillonnée. Seul le mince filet d’air qui se faufile par ses narines lui permet de rester en vie. Maintenant il y a trop longtemps qu’elle est dans cette crypte, elle ne reverra jamais le jour. C’est bientôt la fin. Le visage flou de Rodrigo flotte au dessus d’elle, son regard gris, si doux, si …

Les images s’interrompent soudain. Le grincement d’une porte qui s’ouvre la tire de ses rêves. Rêves ou pensées, la frontière est ténue entre les deux …

Seraient-ce ses tortionnaires qui reviennent ? Les deux femmes de l’hacienda ? Elle frissonne, inquiète. Dans le silence écrasant, le moindre bruit est amplifié et résonne longtemps. Et du bruit, elle en entend !

Elle tend l’oreille, perçoit des pas, au dessus d’elle, les pas de deux personnes, et le bruit de griffes sur le sol.

IGOR ! IGOR ! RODRIGOOOOO !

Elle essaie de hurler, mais le bâillon s’enfonce dans sa gorge, empêchant ses cris de jaillir. Elle va mourir étouffée, il n’y a pas d’autres issues. Malika se tord sous ses liens qui lui scient la peau, avec l’énergie du désespoir. Puis elle éclate en sanglots devant l’inutilité de ses efforts.

Calme, calme toi, Malika, il est là ! Il va venir te délivrer, la trappe va s’ouvrir, tu vas le voir, sentir son odeur, ses mains sur toi en train de te délivrer, de te serrer dans ses bras, d’essuyer tes larmes.

Elle écoute, les bruits de pas, de voix. Il n’est pas seul Rodrigo , non, elle perçoit le ton nasillard de sa rivale portugaise. Isabella ! ördög (ce démon)

NONNNN ! Non, pas elle. Cette fille est le mal incarné. Elle est intelligente et rouée, elle va arriver à éloigner Rodrigo. La gitane entend cette fois des bribes de mots, prononcés plus distinctement.

Nous avions récupéré ce tapis des cuisines ... il faut croire que le parfum ne disparaît pas si facilement. Mais de quoi parle t-elle ?
Continuons nos recherches, nous perdons notre temps ici.
RODRIGOOOO ! Je suis là !
Hélas le cri de Malika ne passe pas la barrière du foulard qui clôt sa bouche.
Peut être qu'elle a décidé de partir définitivement.
Mais elle est folle, Rodrigo va comprendre, jamais je ne serais partie sans lui ! Sans Terra, Igor et Rolio ! Hazug kutulya ( sale menteuse)

Ses sanglots redoublent. Rodrigooo ! Je suis là, tout près de toi…

Ton cœur est bon, Rodrigo. Mais il faut savoir en prendre soin et ne pas le donner à n'importe qui……
Les paroles d’Isabella résonnent plus fort dans le silence de la crypte . Malika à compris les manœuvres de sa rivale. Szenny (saleté !)

Non ! Mon amour, ne l’écoute pas. Toi le marin, tu connais le chant des sirènes, c’est un piège, ne l’écoute pas, reste, je suis là ! Viens , viens !

Elle entend à présent la voix de son amour. Il est abattu, découragé. Il n’est pas de taille à lutter contre la perfidie de cette hypocrite. Il est noble et pur, il n’est pas fourbe comme cette brune machiavélique . Et te dög ( cette charogne)

Les pas s’éloignent maintenant. Chuintement de la porte de l’église qui s’ouvre et se referme, puis plus rien, sauf l’angoisse et la résignation. Ur eltâvozik (Seigneur il s’éloigne ) Ses larmes roulent jusqu'à ses cheveux ou elles s’abritent en formant des perles brillantes.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyMar 22 Déc - 14:14

Rodrigo


Heures d’angoisse, de perplexité, mais il lui faut combattre à tout prix ce découragement qui s’insinue en lui, comme un poison à la fois lent et violent. Surtout ne pas se résigner. Surtout ne pas s’asseoir, même un instant. Mais l’espoir ténu de retrouver Malika se recroqueville au fil des minutes.

Sombres recoins, annexes presque oubliées, chambres de bonnes, greniers encombrés de reliques du passé et de souvenirs lointains, il a pourtant tout fouillé, tirant à sa suite le brave Igor dont le flair n’accomplit hélas aucun miracle, bénéficiant aussi de l’aide un peu théâtrale d’Isabella, avant que la brune ne renonce définitivement.

C’est déjà le soir. La lueur des torches a remplacé la lumière du jour. Rodrigo traverse l’hacienda pour la centième fois, ombre parmi d’autres ombres anonymes qui s’allongent et courent autour de lui. Leurs pas pressés résonnent entre les murs de la bâtisse. Le jeune homme a envoyé un bataillon de domestiques et de soubrettes inspecter les alentours, les champs, les vignes, les buissons bordant la forêt, promettant une énorme récompense à qui ramènerait un indice, une piste. Leurs torches dansent dans l’obscurité, comme autant de feux follets. Et les voilà qui reviennent, la tête basse, soufflant et suant. Bredouilles, hélas. Et la lumière des flambeaux n’éclaire que des visages déçus et fatigués.

Et la nuit noire étend son lourd manteau de ténèbres sur le domaine, comme un linceul recouvrant les âmes défuntes. Jamais elle n’a paru aussi sinistre aux yeux de Rodrigo. Jamais elle n’a donné naissance à autant d’interrogations. Le cœur lourd, il est bien obligé d’interrompre les recherches. Et une immense fatigue l’envahit tout-à-coup lorsqu’il grimpe l’escalier menant à sa chambre. Son sommeil est agité, peuplé de cauchemars atroces et morbides. Malika, aux prises avec une meute de loups affamés descendus de la montagne pour trouver de la nourriture aux abords des villages … Malika, dont le corps déchiqueté gît au fond d’un gouffre, les membres écartelés … Malika, clouée à une croix sous l’œil ironique de la fourbe Isabella … Malika qui pleure, qui souffre mille morts, qui s’égosille à l’appeler à l’aide mais qu’il est incapable de secourir …

Il s’éveille en sursaut, poussant un hurlement animal. C’est l’aube, déjà. Une sueur glacée perle sur son front. Au loin, soudain, un clocher d’église égrène les six coups sourds et réguliers annonçant les matines. Leur tintement se répercute à travers la campagne qui sort du sommeil.

C’est dimanche.


Isabella


C'est dimanche. Depuis plusieurs heures déjà. L'église de la ville sonne midi. Boucan qui résonne jusqu'à la fenêtre entrouverte de la chambre d'une bourgeoise.

Isabella est assise en face de sa coiffeuse, impatiente. Sur ses cheveux relevés en un chignon strict, sa capuche. Le long de sa robe sobre, retombe une cape aussi noire que le pelage d'un corbeau. Le seul bijou qu'elle porte est la broche offerte par sa belle-mère, accrochée non loin de son coeur. Ses gants de cuir remontent le long de ses avant-bras nus, gracieux et bronzés.

C'est dimanche. Le jour de la rencontre. Le jour attendu. LE jour de la rencontre avec Omar.
Celle-ci n'est prévue que dans quelques heures, et pourtant Isabella n'en peut plus, ne tient plus. Et puis, de toute façon, tout est prévu dans sa tête. Et ses plans commencent à partir de... maintenant.

Elle se lève, ouvre son armoire débordante -qui ne comporte que des vêtements pour quelques jours...-. Durant quelques minutes, elle reste ainsi, figée, ses yeux se baladant intensément sur chacune de ses robes.
Non, vraiment, elles sont bien trop belles pour la gitane. Non, elle ne mérite pas de porter l'une d'elles. Pourtant, le choix est obligatoire. Partir nue, pas que ce soit inapproprié, mais il faut qu'elle soit à son avantage pour être présentée au marchand.

Encore quelques minutes devant ses chiffons, et enfin elle se décide. La prisonnière portera une robe d'un vert un peu étrange -entre la peau du crapaud pustuleux et le caca d'oie-, trouée sur la taille et tâchée de blanc par endroits. Certes, elle est vieille et ne ressemble pas à grand chose, mais elle est toujours bien trop belle pour Malika. Alors Isabella n'hésite pas à déchirer le tissu, un peu au hasard.
A la fin, un sourire satisfait se dessine sur ses lèvres. Parfait.

Elle sort de sa chambre, et traverse les couloirs, à pas de loup, sa tête bien enfoncée dans sa capuche. Les sens en éveil, elle fait bien attention à ne croiser personne, frôlant les murs, se cachant derrière des rideaux, ou encore derrière un pot de fleur.

Là, dans le canapé du salon, doña Philippa. Un petit pssst discret et les voilà qui sortent, se retrouvant derrière la chapelle.

Tenez, allez habiller Malika. Moi je vais m'occuper des chevaux. Nous partons bientôt.

Le ton se fait plus autoritaire que d'habitude, plus sûr de lui. Isabella se sent parfaitement bien dans son personnage, une espionne rusée, prête à comploter avec le diable pour se débarrasser de son ennemie et retrouver son amour de toujours.

La voilà qui se précipite vers les écuries. Les domestiques ne sont pas là, et heureusement. Dimanche, permission de sortir pour tous. Soupir de soulagement.
Isabella se frotte les mains. La suite de son plan, les préparer et attendre sa complice accompagnée de la captive.


Philippa


Dimanche … Enfin. Un coq à l’humeur guillerette lance vers le ciel son cocorico strident, répondant ainsi à l’habituel carillon aux sonorités métalliques. Un soleil pâle s’infiltre dans sa chambre, et des ombres diffuses s’entremêlent et dansent pour elle un fandango sensuel sur les murs blancs.

Une bien belle journée s’annonce. Une journée décisive. La concrétisation de la première étape de son projet. Dona Philippa flâne dans ses appartements. Rien ne presse. Elle prend le temps de choisir parmi ses tenues d’équitation celle qui lui semble la plus seyante, la plus confortable. Le rendez-vous avec Omar est fixé à cet après-midi, au bois des mimosas. C’est là qu’elle lui livrera la prisonnière, puisqu’il serait imprudent de permettre au marchand d’esclaves et à ses hommes de main de pénétrer dans l’enceinte de l’hacienda. Avec l’aide d’Isabella, ce sera un jeu d’enfants d’extirper la gitane de la crypte, de quitter le domaine par les sentiers les plus discrets, et de s’en débarrasser définitivement au profit d’Omar. Oui, un jeu d’enfants et une satisfaction immense.

Elle est prête. C’est bientôt l’heure. Un signe de croix, puis elle quitte la chambre et se rend au salon. Isabella l’y rejoint rapidement, et la motivation de la jeune femme l’enchante. C’est un gage de réussite, et aussi un réel plaisir de collaborer avec elle. A chacun son rôle, a décidé la brunette en lui remettant une robe destinée à Malika. Une robe ? Plutôt des haillons décousus, voire déchirés. Mais qu’importe ! Inutile de lui offrir une robe de bal comme cadeau d’adieu !

D’un pas décidé, Isabella se dirige vers les écuries pour préparer les chevaux. De son côté, dona Philippa pénètre dans la chapelle après avoir prudemment vérifié que personne ne l’observe. Il y a peu de risques, en fait. Le dimanche, jour du seigneur, les gens de maison et les ouvriers ont toute liberté d’aller saluer leur famille dans les villages environnants, et aucun ne s’en prive. C’est la tradition. De Joaquim, aucun signe de vie. Le vieil ours doit comploter dans un coin avec ses sbires. Et Rodrigo ? Il doit remuer ciel et terre pour retrouver sa belle. Il est parti de bon matin pour battre la campagne … Son fils est vraiment pathétique …

Dona Philippa referme à clef derrière elle, et descend dans la crypte. Sans ménagement, elle secoue la gitane, assoupie sur sa pierre tombale. D’un geste décidé, elle lui délie les mains pour lui enfiler la robe de princesse. Voilà. Quelle élégance, ma chère. Elle s’empresse de lui nouer à nouveau les poignets dans le dos, en serrant très fort. Malika gémit, mais n’oppose aucune résistance. Elle paraît bien faible après ce charmant séjour dans sa prison souterraine. Dona Philippa lui arrache son bâillon et verse un peu d’eau sur ses lèvres asséchées.

Pas un cri, maudite aventurière, sinon je te roue de coups jusqu’à ce que mort s’ensuive. Tu vas faire un joli voyage, petite. Qu’en penses-tu ?

La riche bourgeoise recule d’un pas, le regard moqueur.

Tu me remercieras une autre fois. Dieu du ciel, je me demande ce que mon fils a pu te trouver pour s’amouracher ainsi de toi.

Hop ! Dona Philippa jette le corps de sa prisonnière sur son épaule. La jeune intrigante ne pèse pas plus lourd qu’un sac de plumes. En route. A chaque foulée, la poupée de chiffons rebondit contre sa joue. Vite, vite, la maîtresse de l’hacienda longe les murs, puis franchit les portes de l’écurie où l’attend sa complice. Elles échangent un sourire de satisfaction. Tout se déroule parfaitement. Pas la moindre anicroche. Dona Philippa flanque le corps de sa captive en travers de sa monture, et la coince entre sa taille généreuse et l’encolure de son fidèle étalon.

C’est parti ! Au galop ! Le plus rapidement possible. Des dames aussi respectables, d’une éducation aussi raffinée, ne vont pas faire attendre Omar …
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyLun 28 Déc - 11:47

Rodolfo


Rodolfo avait surveillé le retour des trois compagnons.
Mais pris dans ses songes, il ne fit pas attention au passage du trio.
La journée était passée, les nouvelles lui parvinrent par un laquais qui venait régulièrement approvisionner le « presque ermite ».
Apprenant que le Maître avait apparemment une étrange maladie et qu’il s’était cloitré dans son antre, Rodolfo se précipita, prit ses instruments, quelques potions et onguents pour retrouver son ami.

Arrivé dans la tanière du loup, il frappa plusieurs coups déterminés à la porte de Joaquim.
Sajara lui ouvrit et laissa place au médecin.

Rodolfo scruta et trouva Joaquim le regard hébété.
Son visage recouvert de gouttelette ne laissait aucun doute.
Assis, le visage livide, Arminho paraissait plongé dans un demi-sommeil. Il bredouillait quelques mots qui n’avaient aucun sens.

Etait-ce une formule de politesse adressée à son compère, un reproche ou une complainte ?

La chemise maculée de sang à ses pieds ne présageait rien de bon.

Rodolfo s’avança, toucha le front du vieux guerrier, découvrit la couverture, et aperçut la blessure.

- Ah voila donc cette étrange maladie…Il sortit quelques instruments et herbes de sa sacoche.

- Tu comptais me faire venir quand, vieil tête de mule… lors de ton trépas ?
La blessure n’est pas bien grave…
Je recouds…je te mets un cataplasme… avec un peu de repos tu seras comme neuf… une nouvelle fois…

Se mettant à l’ouvrage, et plantant son aiguille pour faire quelques points afin de refermer la plaie, il continuait à parler à son patient pour détourner son attention.
- Le problème c’est que cette plaie est infectée…
Mais Arminho n’esquissait pas le moindre trait de douleur ou de plainte… Détourner son attention ne servait à rien, le bougre paraissait insensible à sa blessure et à l’aiguille qui allait et venait dans ses chairs.

- Sacrée tête de mule…

Sa besogne terminait, le médecin s’assît à ses côtés…
Il tendit une décoction à son ami.

- Bon tu pourrais me raconter maintenant…


Omar


A caminho, os amigos ! (en route, les amis)

La lanière du fouet se tend et claque comme un coup de mousquet pour ponctuer cet ordre, soulevant la poussière de la cour, déchirant la tiédeur tranquille de cette fin de matinée. Les quatre cavaliers quittent le village au petit trot. En deux heures maximum, sans se presser, ils parviendront au lieu de rendez-vous, sous les mimosas.

Omar dicte le rythme de la chevauchée à travers les vignes. Le suivent trois de ses fidèles acolytes, Esteban, un ancien marin, une fine lame, le gros Paco, rusé et sournois, et Julio, un forgeron bâti comme une montagne. Trois lascars habiles et sûrs, qui l’ont accompagné dans la plupart de ses expéditions au-delà des mers.

Le marchand d’esclaves reste silencieux, contrairement à ses hommes de main qui plaisantent en chemin. Pour l’instant, la curiosité l’emporte sur son plaisir de rejoindre le port pour y embarquer vers les lointains horizons, vers les paysages inondés de soleil des côtes africaines. Oui, et sa curiosité est bien légitime. Qui fait appel à ses services, cette fois ? Une famille bourgeoise désirant se débarrasser d’une catin encombrante qui sème la zizanie dans les ménages fortunés, voilà tout ce qu’il sait. Mais pas de quoi se faire du mouron, ils ont reconnu les lieux la veille, et ils seront largement à l’avance pour parer à tout imprévu.

Voilà le croisement avec la route qui serpente longuement vers le port. A présent leur vigilance se décuple. Ils parviennent au point stratégique, leurs yeux fouillent méticuleusement en quête d’un frémissement quelconque, mais pas un signe de vie entre les buissons de mimosas. Parfait. Ils sont arrivés les premiers, comme prévu.

Les ordres sont inutiles. L’équipe est parfaitement rôdée. Chacun de ses membres connaît son rôle sur le bout des doigts. Esteban se niche dans un arbre comme s’il grimpait au mât d’un bateau, et il devient invisible. Omar et ses autres comparses se blottissent à l’abri de l’écran touffu que leur offre la végétation, après avoir dissimulé leur montures.

L’attente est de courte durée. Psstt, voilà des cavaliers … L’avertissement d’Esteban est discret mais parfaitement clair.

Deux chevaux, dont un qui semble lourdement chargé. Et ce sont des femmes, une jeune et une vieille. Et j’en vois une troisième, une blonde, ligotée comme un saucisson.

Les quatre aventuriers sortent de leurs cachettes et s’avancent lentement à la rencontre des inconnues...


Philippa


Ils sont quatre à émerger soudain entre les massifs de mimosas, et un colosse barbu, sensiblement plus âgé que les autres, est le premier à s’avancer vers les cavalières. Sans nul doute est-ce lui, Omar, le chef de la bande, à la notoriété sulfureuse ? Celui qui mènera la discussion. D’ailleurs ses compagnons restent légèrement en retrait, extrêmement attentifs, les yeux se posant alternativement sur les femmes et sur la campagne qui les entoure.

Le cheval de Philippa s’immobilise à quelques pas du malabar. Elle en descend avec beaucoup de distinction, en dame du monde, abandonnant la gitane si mal fagotée, dont le corps étroitement ficelé pendouille de chaque côté des flancs de la monture, contre son encolure à la crinière grise. Les guenilles choisies par Isabella ne dissimulent guère les cuisses bronzées de la captive.

Dona Philippa s’approche du marchand d’esclaves, un peu impressionnée par l’apparence physique, massive et musculeuse, des quatre larrons, mais bien décidée à ne pas le laisser paraître sur son visage volontairement dur. Elle serre entre les doigts, au fond de sa poche, la bourse destinée à convaincre Omar d’emporter cette maudite aventurière. Le visage hautain, elle aborde le solide barbu à la peau cuivrée, après avoir jeté un regard décidé à l’adresse d’Isabella.

C’est bien vous, Omar, je pense ? En ce qui me concerne, je garderai l’anonymat, bien entendu. Votre réputation est parvenue jusqu’à moi. Vous êtes le meilleur dans le métier, semble t-il, alors ce sera très simple pour vous. Débarrassez-moi de cette aventurière ligotée sur mon cheval, et vous serez royalement récompensé. Je peux me montrer très généreuse envers ceux qui me rendent de loyaux services. Vous en faites tout ce que vous désirez, vous l’emportez au bout du monde, de préférence, mais je ne veux plus jamais la revoir sur ma route. C’est entendu ?

Ses yeux se tournent vers Malika.

Méfiez-vous d’elle, elle est rusée. C’est une séductrice. Les hommes de ma famille lui trouvent un charme certain. Mais je vous laisse examiner la marchandise. Ne vous gênez pas, allez-y, elle est à vous …


Sajara


Sajara avait laissé les deux vieux amis ensemble.
Joao n’était pas gravement atteint. D’ici demain il serait à chevaucher sur ses terres, s’il ne le fait pas avant. Dans sa jeunesse, après une égratignure comme celle-ci, il aurait vidé une ou deux jarres de vinasse et serait aller trousser deux donzelles dans une taverne improbable.

Le sourire aux lèvres, Sajara se dirigeait vers la cour du château.
Il avait dévalé les escaliers qui y menaient. Ce dimanche était une journée fraiche mais radieuse. Il décida d’aller faire quelques pas, peut être irait-il chasser ensuite.
Malgré les récents évènements, le colosse se sentait des picotements dans les membres, un peu d’action lui était nécessaire.

Tiens comme c’est calme ce matin !
Bien sûr les laquais étaient de sortie, mais on sentait dans le froid matinal, un calme particulier : celui que l’on ressent avant la tempête.
Un frisson lui parcouru l’échine, son instinct le trompe rarement…

De l’action, il pourrait bien y en avoir.
Lorsqu’un palefrenier se porta à sa hauteur… Le maure l’arrêta sans aucun ménagement.

- Dis-moi ! est-ce qu’il y a eu une visite inattendue ces dernières heures, un messager… quelque chose de différent… d’inhabituel ?
- Non, non, seigneur ! Juste des cavaliers qui ont parcouru les champs… des allées et venues… mais personne ne s’est arrêté ou a posé des questions.
Sajara respirait de grandes bouffées d’air frais.
- Pourtant…
Il se tournait pour palper l’air ambiant.
- Pourtant…
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyJeu 31 Déc - 16:18

Omar


Elle cause. Elle cause énormément, la bourgeoise. Sans rien dire d’intéressant. Rien que des lieux communs, des banalités mille fois entendues et aussi vite oubliées. Il connaît son métier, que diable ! Omar se contient. Il s’est souvent mis en colère pour moins que ça ! Il n’apprécie pas les « donneurs de bons conseils ». Mais aussi longtemps que l’or n’a pas changé de mains, il va se montrer courtois. D’ailleurs, il se régale de côtoyer ainsi du beau monde, et il est préférable de paraître aimable, conciliant, cela ne peut qu’entretenir sa bonne image de marque et développer sa clientèle à l’avenir. Les princes du désert adorent apporter de la variété dans leur cheptel féminin. La fortune d’Omar est assurée si la bourgeoisie, et pourquoi pas la noblesse, font appel à lui pour éloigner les indésirables. Il sera le trait d'union le plus recherché entre les deux mondes. Bien sûr il lui faudra prendre quelques risques supplémentaires, se méfier davantage, mais le jeu en vaut la chandelle.

Un large sourire éclaire donc son visage ridé. Il passe devant son interlocutrice et s’approche de la captive dont il ne distingue pas les traits, en raison de sa position précaire sur la monture, les fesses tournées vers le haut, les bras et les jambes ficelés.

Voyons un peu ce que nous avons là … J’espère que c’est de la marchandise de qualité … Elle me semble un peu trop maigre cette donzelle.

En riant de bon cœur, il assène une claque retentissante sur les cuisses de Malika, puis il la saisit sous les bras, la soulève comme s’il s’agissait d’un simple fétu de paille, et la pose sur le sol, l’adossant au buisson le plus proche afin qu’elle ne s’effondre pas. Il lui prend rudement le menton entre les doigts et la force à lever le visage vers lui. Il la dévisage un instant.

Pas mal … Pas mal du tout. Une belle petite gueule, en effet. Je pense que nous trouverons un acquéreur pour cette souillon lorsqu’elle sera un peu mieux vêtue et maquillée. Elle est jeune et blonde, c’est un avantage. Par contre …

Au travers de la robe chiffonnée il saisit un sein de la captive dans sa grosse patte noueuse, le tâte et le soupèse, adoptant bientôt une mine contrariée.

Par contre … elle a encore des nichons de gamine. Les émirs aiment les formes opulentes. Mais soit, on fera avec. On lui donnera des fringues convenables sur le bateau, et on vérifiera que c’est une vraie blonde. Avec toutes ces nouvelles teintures, on est parfois surpris.

Omar se tourne vers les deux dames de la haute société. Elles sont richement vêtues, portent des bagues et des bracelets étincelants. L’argent et l’or transpirent par tous leurs pores. Dès lors, pourquoi ne pas en profiter pour décider d’une augmentation de ses tarifs ?

Ce sera cinq cents écus pour vous débarrassez de la catin, senoritas. Il faut bien que je paie mes hommes et l’équipage du bateau …


Malika


Réveillée sans ménagement par la mère de Rodrigo, secouée, délivrée, elle grelotte, le sang se remet a circuler lentement dans ses membres. Malika a mal, très mal, des millions de fourmis se mettent en marche dans son corps engourdi. Elle masse ses poignets et ses chevilles, gonflés et violacés.
Mais la vieille mégère ne lui laisse que peu de temps, elle lui tend une robe déchirée et sale. Les mains de la gitane sont tellement douloureuses que la harpie l’aide à s’habiller.
Le bâillon défait, Malika a du mal a reprendre une respiration normale, sa gorge est asséchée, sa langue est raide comme du carton.

Dôna Philippa lui ordonne de ne pas crier. Comment ferait-elle pour crier ? Aucun son ne sortirait de sa gorge parcheminée. L’eau parcimonieusement versée sur ses lèvres n’étanche pas sa soif, le liquide nauséabond humecte à peine les craquelures de ses lèvres.

La vieille la ligote à nouveau sans qu'elle puisse s'y opposer, elle la pousse, la tire en lui faisant monter l’escalier, puis la porte tel un sac sur son épaule, rasant les murs. La ravisseuse se dirige vers les écuries où elle rejoint la brune Isabella, qui contemple leur captive vêtue de haillons d’un air triomphant. Un léger sourire aux lèvres, parée comme si elle allait à un bal.

La blonde et frêle gitane est hissée en travers de la monture de Philippa. La selle lui fait mal aux côtes. La sorcière la maintient d’une main ferme. Après ce séjour dans le noir complet, la lumière du soleil levant brûle les yeux de Malika, elle les ferme, se demandant si elle ne risque pas de les fermer pour toujours. Va t-elle se retrouver jetée au fond d’un ravin ou noyée dans le Douro ? Mais non, la vieille lui a dit qu’elle allait faire un long voyage.

Où allons nous ? Où m’amène t’elle ? Seigneur aide moi !

La chevauchée fut-elle longue ? Malika ne s’en est pas rendue compte. La douleur, la fatigue, sont venues à bout de sa résistance, et elle a perdu conscience.

Une claque retentissante sur le haut des cuisses la fait revenir à elle. Devant ses yeux, un immense barbu, qui la soulève et la pose à terre. Terrifiée, tremblante, elle se recroqueville contre un arbuste aux longues épines. D’autres hommes à moitié cachés par le bosquet de mimosas ricanent en la détaillant.

L’homme la force à relever son visage vers lui. D’un geste brusque de la tête elle rabat sa crinière blonde en arrière et bravement elle plonge son regard émeraude dans les yeux enfoncés du vieux maure. Elle sent ses mains calleuses se poser sur elle, lui caresser un sein. Le regard perçant il évalue déjà ce qu’elle pourrait lui rapporter.

Reconnaissant un homme du désert, elle emploie la langue de son père.

Mawloud anta hzaaja mich ! ( ne te gènes pas !) … lui crache t-elle au visage !

Malika a enfin compris ! Les deux femmes vont la vendre à un marchand de chair fraîche. Avec colère elle entend les tractations!

Cinq cents écus d’or ?
Un sourire amer vient effleurer son visage. Il n’y a pas de petits profits pour ces femmes là ! … pense t’elle.

Elle s’adresse au vieux Maure. C’est une misèrre ce que tu demandes ! Ces femmes sont très riches ! Elles ferrraient n’importe quoi pour se débarrasser de moi ! Tu peux exiger beaucoup plus ! Et ne pense pas élarrrrgir ta clientèle grâce à elles, elles ne vivent que pour elles seules.

Un dernier sursaut de rage, Malika se retourne vers Dona Philippa ! Votrrre fils ne vous pardonnerrra jamais ! Et vous savez qu’il va remuer ciel et terrre pour me retrouver ! Vous avez déjà perdu votrrre mari, votrrre hacienda, mais votrrre honneurr ne risque rien ! Vous n’en avez jamais eu !

Et toi Isabella, Rrrodrigo ne t’aime pas ! Ca ne sert a rien tout ce que tu as fait, je sais qu’il me libèrrera et je te jurre que je te retrouverai, où que tu sois, et tu préfèreras être morrte plutôt que de crrroiser ton visage devant un mirrroir quand je me serai occupée de toi ! Kalba ! (chienne) N’oublie jamais ça, je suis fille des steppes et du déserrt, et la vengeance fait partie du sang qui coule en moi !


Rodrigo



Poussant sa monture bien au-delà du raisonnable, il a arpenté sans cesse tous les alentours de l’hacienda, galopant ensuite jusqu’aux villages plus éloignés, interrogeant les paysans dans les champs, questionnant les clients des tavernes, leur décrivant sa gitane avec le plus de précisions possibles. Incapable cependant de répondre à la plupart des questions des braves gens qui s’attendrissent devant ce désarroi profond qu’il ne peut dissimuler. Comment est-elle vêtue ? Est-elle à cheval, en carriole ? Est-elle accompagnée ? Hélas, il n’a pas les réponses. Mystère que tout cela. Non, il ne dispose d’aucun indice. Et retrouver Malika en se fiant au hasard lui paraît soudain totalement illusoire. Mais que faire d’autre ?

Cependant, les heures succèdent aux heures, et l’espoir s’amenuise comme une bougie qui se consume et s’éteindra bientôt.

Bredouille, désespéré, Rodrigo reprend la direction de l’hacienda. La disparition de sa bien-aimée l’a tenu éloigné de son père durant toute la journée. Il n’a même pas songé à prendre de ses nouvelles avant d’explorer la campagne. Il se sent coupable. Un fils indigne. D’ailleurs il ne lui a même pas parlé de l’absence inquiétante et inexplicable de sa belle, mais sans doute Joaquim aura t-il remarqué l’effervescence de la veille, lorsque Rodrigo a réquisitionné tout le personnel du domaine pour l’aider dans ses recherches.

Les contours de l’hacienda se dessinent enfin au bout du sentier. Sur sa lancée, la monture du jeune officier saute la clôture. Près de l’écurie, deux hommes discutent. Il reconnaît Sajara et un vieux palefrenier. Rodrigo jaillit de son étalon et s’approche de l’ami fidèle, l’attirant légèrement à l’écart.

Sajara, c’est urgent, j’ai besoin d’aide, de conseils. Malika est disparue depuis notre expédition punitive, j’ignore si tu es au courant. Je suis follement inquiet. Mais dis-moi, comment se porte mon père ? Souffre t-il de sa blessure ?
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptyMar 5 Jan - 20:11

Philippa



Un ricanement de satisfaction et de dédain profond s’échappe de ses lèvres lorsque le maure palpe les seins de la prisonnière avec ses grosses pattes velues. Oh non, elle ne cherche pas à dissimuler son rire moqueur, bien au contraire. Elle jubile. Elle est aux anges. C’est une bonne leçon pour cette orgueilleuse blondasse. Et surtout qu’il ne se gène pas pour la tripoter à son aise !

C’est trop drôle. La remarque d’Omar, qui succède à cet examen rapide de la poitrine menue de Malika, lui amène un rire convulsif, proche de l’hystérie. De mieux en mieux. Des seins de gamine ! Et son fils qui se contente de si peu alors qu’il disposait en Isabella d’une femme magnifique ! Ha ha ! Décidément cet Omar lui semble soudain très sympathique. Voilà bien longtemps qu’elle ne s’est plus amusée autant, dona Philippa, en vivant entre un mari coléreux et un fils pas très éveillé. Et puisque cette moquerie est lancée aux dépens de cette maudite intrigante, c’est encore mieux ! Du coup, la somme réclamée ne lui restera pas au travers de la gorge. Ha ha ! Sacré Omar !

Mais soudain son rire s’arrête net. C’est un rictus de haine qui lui succède. Voilà que la péronnelle se rebiffe, malgré les liens qui la paralysent. Quelle arrogance ! Oublie t-elle à qui elle parle ? Oublie t-elle qu’elle est en leur pouvoir ? Quelle idiote !

Le regard étincelant d’une épouvantable colère, elle se plante face à la gitane, qu’elle domine d’une demi-tête, se retenant de la gifler ou même de la réduire en miettes.

Tu oses me parler d’honneur, petite catin écervelée ! Sache que mes ancêtres ont écrit les plus belles pages de l’histoire du Portugal ! Notre nom est célèbre dans l’Europe entière. Nous sommes craints et respectés. Sache aussi que nous avons réuni les terres les plus fertiles du nord du pays pour créer un domaine remarquable ! Et toi ? Qui es-tu ? Moins que rien ! Juste une jeune intrigante qui use de ses yeux de braise pour essayer de s’enrichir à mes dépens, et de voler mon fils à Isabella ! Et tu oses utiliser le mot « honneur » ! Tu ne manques pas d’audace !

Un sourire triomphant naît à présent sur ses lèvres.

Ne te fais aucune illusion. Rodrigo ne te retrouvera jamais. Il ne devinera jamais ce qui s’est passé. Et dans quelques semaines il t’aura oubliée et il mangera dans la main de la douce Isabella.

Son visage s’adoucit lorsqu’elle se tourne vers le Maure et sa bande. Elle sort de la poche de son ample tenue de cavalière une escarcelle dodue contenant sept cents écus, en précisant tout haut le montant.

Voilà, Omar. Je pense que vous êtes largement payé pour nous débarrasser de cette racaille qui a eu les yeux plus gros que le ventre. Je me doute que vous ne désirez pas trop l’abîmer, et c’est bien dommage ! N’hésitez cependant pas à utiliser le fouet si elle vous crée des soucis !

Elle recule de quelques pas, se rapprochant de sa monture.

En ce qui me concerne, cette affaire est réglée. Je vais regagner l’hacienda dès que vous prendrez la direction du port. Je pense qu’Isabella vous accompagnera sur quelques lieues. Ce sera un immense plaisir pour elle de voir votre bateau s’éloigner en fendant les flots et en emmenant cette chère Malika …


Isabella


La jeune portugaise se tient debout près de son cheval, en bonne spectatrice fascinée par la scène qui se produit. Tout d'abord, il y a cet Omar, L'homme de la situation, l'exorciste du mauvais démon, le héros de l'histoire. Puis, il y a cette Malika, affamée, fatiguée et maltraitée.
Et il y a Isabella, les yeux pétillants de bonheur, un sourire perfide aux lèvres, suspendue à chaque parole du marchand, hochant la tête pour les confirmer. Enfin un homme qui sait estimer les gens à leur juste valeur, enfin quelqu'un qui lui parle correctement et qui la traite comme tout le monde devrait la traiter (y compris Rodrigo).

Lorsque celui-ci pèse la camelote, Isabella ne peut s'empêcher de pousser un petit cri d'hystérie, atteignant le sommet de sa jouissance intérieure, se retenant même de frapper dans ses mains et crier : bravo, bravo, en entamant une danse autour de lui.
Quel homme cet Omar, quel homme ! A cet instant, c'est bel et bien de l'admiration qu'éprouve la brune, et aussi un peu de jalousie -ce serait bien trop beau sinon- envers lui, elle aurait même envie d'être amie avec.

M'enfin, toutes ces idées sordides et totalement insensées disparaissent soudainement car voilà que Malika se met à crier comme une chienne enragée, se rebellant une nouvelle fois, pourtant elle aboie des phrases qui n'atteignent pas le coeur d'Isabella. Ou bien, se cognent à ses parois et font demi-tour. Quelques menaces et vengeances proférées, des regards haineux et des rrrr roulés, ça devient une habitude. Et on pourrait presque croire à un attachement entre les deux femmes, ne dit-on pas que l'amour commence par une guerre ?
Oui, mais ce dicton n'est pas bien adapté à l'histoire. Dommage.

Doña Philippa a parfaitement bien répondu, cependant, Isabella ne tient pas à rester ainsi, se laissant insulter sans (presque) aucune raison.

Je me rappellerai de tes compliments une fois que tu seras à l'autre bout de la terre, et tu sais quoi ? Je rigolerai bien. Tu crois que tu me fais peur ? Tu l'as bien entendu, t'as des nichons de gamine, ne vas pas me dire que tes muscles sont plus développés qu'eux.

Sur ses lèvres se tire un sourire jubilant, ses bras se croisent sur sa poitrine opulente qu'elle gonfle un peu plus, la mettant en valeur à travers son décolleté. Non, il n'y a rien à dire, la bourgeoise a vraiment tout pour elle comparé à cette gitane.

Tu es fille des steppes et taratata, moi je suis fille des Gonzales d'Almirante, j'ai un nom, des terres, de l'argent. Et je suis bien moins barbare que toi, je ne me salis pas les mains pour les gens de votre espèce. Il me suffit d'un mot, un seul, et c'en est fini pour toi. Ta vengeance ne m'effraie pas, sorcière, car avant même que tu n'aies le temps de l'accomplir tu pataugeras dans ton propre sang. Quel honneur pour moi, je t'aurais fait prendre ton premier bain...

D'un geste de la main, signalant qu'elle en avait assez, elle recule, puis :

Allons-y, je veux qu'elle soit hors de nos frontières avant la tombée de la nuit.


Omar


Par la barbe du prophète ! Omar est scié ! Il n’en espérait pas autant ! Il palpe avec un plaisir évident la bourse aux formes rebondies. Un plaisir presque sensuel le gagne. Caresser la plus plantureuse des moukères, cajoler la plus épanouie des houris d’Afrique du Nord ne lui provoquerait pas d’émoi plus intense. Oui, il a décroché la timbale, en obtenant près de trois fois le prix habituel. Avec une telle somme tombée du ciel, il pourrait même acheter un bateau, plutôt que de louer les services d’un équipage entier à chaque voyage.

Il se tourne vers le gros Paco, vers Esteban, vers Julio, ses plus anciens compagnons d’aventure. Clin d’œil discret. Satisfaction contrôlée. Omar est une fieffée crapule, une brute cupide, mais il sait récompenser les siens. Il sait fidéliser ses acolytes par de larges suppléments de salaire. Et le rhum va couler à flots durant la traversée de la Méditerranée.

Pendant ce temps, les deux bourgeoises ont réagi avec véhémence aux propos acerbes de la captive. A ses grands airs de matamore que rien n’effarouche. D’abord la vieille, puis la belle brune aux gros seins. Cette dernière surtout, répondant aux menaces de la jeune catin par d’autres menaces tout aussi effroyables. Nul doute qu’une confrontation entre ces deux donzelles provoquerait des étincelles. Des touffes de cheveux voleraient dans le vent. Ce serait là un bien joyeux spectacle, mais hélas ça ne sera pas possible. Pas question de trancher les liens de la blonde avant d’être à bord du bateau, elle a vraiment l’air trop délurée. D’ailleurs il n’y a finalement aucune honte à tenir compte des avertissements de la vieille peau. Elle sait ce qu’elle raconte.

Bon, avant que ça ne s’envenime davantage, avant que la prisonnière ne se prenne une bonne paire de gifles dans son joli museau, Omar s’interpose entre les trois belliqueuses. Pas par courtoisie, non, pas par grandeur d’âme, mais simplement parce qu’il n’est pas question d’abîmer la marchandise. Un nez éclaté ou un œil au beurre noir déprécierait son colis, et lui ferait perdre de précieux écus, si difficiles à gagner. Le marchand d’esclaves salue la grand-mère si généreuse, qui s’apprête à regagner ses pénates pour tout oublier de cet épisode qui n’ajoutera rien à sa gloire. De son côté, la brunette a décidé de les accompagner, et semble assez pressée. En route, donc. Omar jette la blonde en travers de sa monture, et lui donne en riant très fort une nouvelle claque sur les fesses, rendu euphorique par les écus qu’il a glissés dans les fontes de son canasson.

C’est parti ! Dans deux heures nous serons au port !


Sajara


Toujours au milieu de la cour du château, Sajara fut surpris de l’arrivée de Rodrigo, estomaqué par ses révélations.
Rodrigo avait l’air attristé et perdu.
Le géant lui conseilla :
- Si tu ne sais pas comment, ni où elle est allée, va t'assurer avec le palefrenier que son cheval est manquant, voir si une carriole a disparu. Nous aurons une idée du type de monture utilisée et si elle est partie pour une longue distance ou pas.
Sans pendre le temps d’attendre le palefrenier, qui resta planté sans réaction, le jeune homme se précipita vers les écuries.
Rodrigo avait à peine disparu que Sajara remarqua un cavalier arriver.

- Tiens, tiens, notre espion du roi… Nous allons avoir quelques nouvelles…
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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 2 EmptySam 9 Jan - 22:01

Fuinha


Ce n’était pas de gaieté de cœur que la Fouine se rendait chez Arminho. Mais le roi lui avait ordonné de surveiller les intérêts de son bâtard et de sa descendance.
Le roi a dit : « on protège Arminho et je veux la paix en mon royaume… » Alors, il s’exécute.
Si le vieux lion pouvait mettre la région à feu et à sang juste pour une peccadille, que ferait-il si on touchait à la « future » de son fils.

Enfin dans les murs du château…
Quel accueil vais-je avoir ? pensa t-il.
Il vaut mieux prendre tout ça comme une mission de routine. C’est le B-A-Ba du métier.
Dans la cour, il aperçut le géant africain qui le toisait.

Son cheval se planta devant le maure. Le palefrenier se chargea aussitôt de la monture.
Pied à terre, l’espion se sentit très très petit face à la montagne qui le scrutait.

- Salutations !

Aucune réponse.

- Ton maître se remet de sa blessure ?
N’ai crainte le roi l’a sous sa protection.
Le médecin est encore avec lui ?

Le maure acquiesça.

- J’ai une affaire urgente. Je dois voir Arminho de suite. Ça concerne la jeune demoiselle que Dom Rodrigo convoite.

Toujours aucune réponse du chien de garde.
Et puis d’un geste du bras, il lui désigne une tour. Signe que le visiteur a le champ libre pour s’entretenir avec le châtelain.
Il passe alors devant le garde mauresque.
En se dirigeant vers l’antre du seigneur, la fouine ressent dans son dos la présence de Sajara, qui ne l’a pas quitté d’un pas.


Les escaliers, puis une porte massive, quelques coups pour avoir la permission de pénétrer, un cri sourd, une poignée qui tourne, le sésame…
Fuinha fait un pas puis deux, le voilà dans une pièce entouré d’un guerrier dont il connaît tous les exploits ou presque…mélange de crainte et d’admiration… de Rodolfo, le médecin : savant mélange de philosophe, d’ermite… étrange composition chimique sûrement unique en son genre…
Mais, qui est normal dans cette pièce, sûrement pas lui, l’espion au service d’un roi qui maîtrise totalement son royaume. On pourrait comparait ce monarque à un enfant qui jouerait de ses sujets comme de vulgaires soldats de bois…
Omniprésent, intransigeant, un roi terrible qui a renforcé son pays dans la valse du pouvoir, écrasant certaines des plus puissantes cours européennes.
Pas la moindre erreur parmi ses trois-là… ou je ne ressors pas vivant… le sang appelle le sang, ils sont comme des chiens enragés… Surtout après le massacre des Almirante…

La fouine incline la tête :
- Bonjour à toi Arminho…
Il relève tranquillement la tête et regarde son interlocuteur, rassuré, comme si le fait d’avoir prononcé quelques mots avait soudain détendu l’atmosphère.
- Votre « père » vous salue par ma voix.

Joaquim fit un signe à ce messager afin qu’il puisse prendre un siège. Il versa un verre à son visiteur.

- Ce que j’ai à vous dire va vous procurer quelques tracasseries, je le crains.
Joaquim ne sourcillait pas à l’annonce de la Fouine.

Surveillant ses interlocuteurs et détaillant la pièce, le regard de l’espion essayait de parcourir le maximum de choses : les attitudes, les gestes, les livres, les alcools, la disposition des meubles ; tout ce qui pouvait lui donner quelques indications et qui le servirait.

- Notre réseau d’espions, d’informateurs nous a informés que votre femme était en affaire avec un trafiquant…suspendant sa phrase, il continua : un trafiquant d’esclaves…
Arminho ne bougeait pas, mais on sentait que son sang bouillait.
- Nous surveillons Omar ben Shaffar depuis très longtemps, jamais ses affaires n’avaient été un problème pour nous.
Prenant une gorgée de Porto, le subtil agent royal laissait planer le suspense avec une certaine délectation.
- Notre informateur nous a confirmé un échange de courrier entre Dona Philippa et Ben Shaffar. Pas difficile de surveiller ses coursiers ! Encore moins de comprendre que votre « belle fille » était la cavalière ligotée parmi un groupe de trois femmes chevauchant vers le nord menant à un croisement de la route du port. Leur intention étant de livrer cette jolie bohémienne à ce trafiquant. On connaît tous la suite : direction le port puis un bateau en partance pour l’Afrique.

Devant l’assistance qui commencait à se lever et se préparer. Fuinha se sentait comme invisible maintenant.

- Mes hommes sont à disposition et notre informateur se trouve dans la bande de Ben Shaffar, lui aussi vous aidera dans votre tâche.

Déjà les trois hommes dévalaient les escaliers laissant l’agent royal seul dans la pièce.
Pourquoi ne pas faire un petit tour pour récupérer quelques informations.

Se levant de son siège, se dirigeant vers le bureau, la Fouine fut surpris de sentir une main l’attraper par le col.
Sajara se trouvait là à le malmener.

- Oh ! merci messire de me montrer la sortie, je crois que je me trompais de direction.

La fouine en fut quitte pour une frayeur.
La cour semblait en effervescence. Deux palefreniers amenaient des chevaux. Joaquim semblait remis de sa blessure. Sajara en armes était impressionnant et appelait Rodrigo de toutes ses forces.


Rodrigo


Course folle vers les écuries. Peut-être y dénichera t-il un indice, une raison de retrouver un brin de confiance, ou même un quelconque témoin du départ de Malika ou d’un événement plus récent. Aussi longtemps qu’il y a de la vie, il y a aussi de l’espoir, dit-on.

Les carrioles sont rangées là, à l’endroit habituel, le long des montagnes de paille et de foin emmagasinées dans le bâtiment. Par contre, certains box sont vides, et notamment celui qui abrite habituellement la monture de sa mère. C’est plutôt rare que dona Philippa quitte l’hacienda pour une chevauchée dans la campagne. Mais puisqu’elle est dorénavant reléguée aux confins du domaine, sur ordre de Joaquim, son époux, peut-être est-elle allée reconnaître sa terre d’exil ?

Rodrigo poursuit sa rapide inspection. Tiens ? Le cheval d’Isabella manque également à l’appel. Mais c’était prévisible. Le jeune officier s’est totalement désintéressé de son ancienne promise, elle a donc très bien pu regagner ses pénates, la rage au ventre. Et là, découvrir avec effarement que ses parents ont eu la gorge tranchée par des inconnus, qui n’ont laissé aucune trace permettant de les identifier. Sans doute va t-elle mener sa propre enquête, et ameuter la terre entière. Bah. Ca l’occupera, et pendant ce temps elle ne se mêlera plus des affaires des autres …

Voilà. Ce nouveau passage aux écuries n’a malheureusement pas été plus concluant que les précédents. Rodrigo, le cœur broyé dans un carcan de peine et d’incompréhension, se décide à rejoindre Sajara devant l’hacienda. Un profond désespoir pesant sur ses épaules.

Surprise ! Encore de nouveaux ennuis en perspective ? L’espion délégué par sa majesté est en conversation animée avec l’ami de la famille. Sa venue est sans doute liée au double crime dont il a été le témoin silencieux. Une grimace d’inquiétude et de perplexité naît sur le visage halé du marin. Que de questions. Il s’approche, ne sachant quelle attitude adopter, mais remarquant soudain une grande agitation dans la cour, ainsi que les préparatifs d’un départ imminent. Préoccupé, il n’avait rien vu, mais ça semble sérieux. Sajara a apporté ses armes. Et voilà Joaquim, son père, qui ne semble nullement handicapé par sa blessure. Cet homme a vraiment une constitution exceptionnelle. Et là, des palefreniers accourent, ils ont sellé des chevaux, qui piaffent déjà d’impatience. Leurs sabots tambourinent sur la terre battue. Tout le monde se presse ! Tout le monde s’agite ! Rodrigo accélère le pas.

Père, Sajara mon ami, que se passe t-il donc ? Pourquoi tout ce remue-ménage ?
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