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 La cour des miracles - Roulotte et hacienda

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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptyMer 8 Sep - 10:32


Rodrigo


Le port de Viano do Castello, niché au centre d’une crique aux reflets turquoises. Un éperon rocheux le domine de toute sa hauteur, couronné d’un halo couleur de topaze, suspendu entre l’azur incandescent et les eaux cristallines. De minuscules voiles blanches oscillent lentement à l’horizon, là où le ciel s’engouffre dans les vagues. Il est près de midi, et le soleil est à son apogée lorsque les deux cavaliers arrivent au galop sur l’immense jetée endormie par la moiteur épaisse de l’air. Décor de rêve pour un départ en guerre.

Un jeune singe capucin accompagne le couple, poussant de petits cris stridents, bondissant nerveusement du cou de la jolie blonde aux épaules solides du grand brun. Les chevaux se sont arrêtés côte à côte, face à une goélette à la coque fuselée, aux larges voiles triangulaires. Des odeurs entêtantes d’épices et de cannelle se mêlent aux délicieux parfums des fruits mûrs et envahissent le débarcadère.

Amor, je pense que Rolio a les narines qui palpitent. Regarde là, sur le pont, des paniers remplis d’abricots et de melons de Madère. Crois-tu que j’oserais aller me servir en douce ? Je ne vois personne qui rôde dans les environs. Viens, on s’approche …

Rodrigo prend sa belle par la taille et la pose délicatement sur le quai d’embarquement désert, mais jonché de rouleaux de cordage et de caisses extraites du ventre des bateaux. Il la serre tendrement contre lui, caresse les boucles blondes qui s’échappent du lien de cuir destiné à les maintenir en place. Distraction fatale … Déjà Rolio a pris la poudre d’escampette et sautille vers le trois-mâts. La planche servant de passerelle n’est pas installée, mais les haubans fixés au mât d’artimon sont à la portée de l’agile chenapan. Et c’est un jeu d’une simplicité enfantine pour le capucin que de s’agripper à un câble et de survoler allègrement les vaguelettes blanchâtres qui clapotent entre la coque et la jetée en soulevant de fragiles crêtes d’écume d’argent.

Ohh le filou ! Tu as vu, mon cœur, la gourmandise lui a donné des ailes ! Allez, Rolio, reviens ici tout de suite ! Cornegidouille, tu n’en fais jamais qu’à ta tête, vilain voleur !

Car bien-sûr ce n’est pas une balade touristique qu’entreprend le coquin ! Il s’est installé devant un cageot débordant d’abricots et se sert sans aucun complexe.

Eh bien mon ange, c’est du joli ! Que fait-on maintenant ? Ahh c’est vraiment une bonne idée d’avoir amené ce voyou !

Un large sourire se dessine sur les lèvres de Rodrigo. Il dévisage sa gitane, plutôt amusé par la situation.


Lola


Etre seule, livrée à soi-même c’est dur ;
Etre seule, femme, avec le regard de braise d’une gitane, c’était un défi. Depuis plusieurs mois elle trainait dans le coin.
Le cœur emplit de haine et de douleur.
Les siens, anéantis par une populace peureuse et pieuse...
Elle courrait vite…Se fut la seule raison plausible à sa survie.
Mais là…elle sentait bien, la fille du vent qu’elle n’irait pas plus loin.
Elle s’épuisait.
Elle n’avait pas croisé un seul regard ami depuis sa fuite.
A vingt ans, on est solide mais ses limites étaient atteintes.

Au pire, -se disait-elle quand la nuit noire la laissait frissonnante derrière un vague muret-
…Au pire, je brulerais leur village avant de rejoindre l’enfer.

Pour l’instant, on peut dire qu’elle avait encore la vie chevillée au corps et l’instinct de survie la poussait encore à agir..
Et Lola avait bien calculé son coup.
Depuis l’aube, elle flânait le long de la jetée.
Cherchant la faille…le bon moment pour chaparder…pour trouver de quoi remplir l’énorme creux de son estomac…

La goélette avait fière allure et Lola, les yeux plissés n’ l’avait pas lâché du regard.
Les manœuvres de l’équipage pour s’amarrer, les rires gras des hommes qui enfin posaient le pas sur le sol ferme et la lueur lubrique dans leurs yeux chafouins.

Ouais, ouais ouais…
Allez courir la catin et la bourgeoise qui s’ennuie. Allez vite vous vautrer dans les tavernes et les bordels.
Magnez vous…J’ai faim...

Le compte de matelots n’étaient peut-être pas juste mais suffisant pour que la chatte silencieuse qu’elle était se faufile en douce sur le bateau.
Accroupit entre les caisses de fruits, elle dévora silencieusement-la force de l’habitude.-Manger à la hâte et sans bruit-

Au fur et à mesure que les vestiges de son festin s’amoncelaient à ses pieds, son visage retrouvait un semblant d’éclat et un sourire fugace le traversait par moment.
L’estomac ne criait plus famine.
Il était temps pour elle de faire quelques réserves pour les jours à venir…

Le bruit incongru lui arracha un grognement.
Le regard mauvais, elle aperçut alors un minuscule singe, semblable à celui du Tio Pedro.
Son premier reflexe, tout droit venu de l’enfance, fut d’avancer une main amicale vers l’animal.
Le premier vrai sourire pour la gitane depuis bien longtemps.
La dure réalité de sa vie eut vite fait de retirer les doigts agiles et d’un mouvement brusque elle se leva et bondit…

Cherchant déjà à fuir …loin, loin, le plus loin possible…
Se faufiler entre les badauds..et disparaître…


Jacinto Salvador


C’est une idée de génie, ce hamac suspendu entre deux crochets, dans la fraîcheur et la tranquillité de sa cabine, nichée sous le pont du bateau encombré de marchandises. Le capitaine Jacinto Salvador se balance doucement, les yeux mi-clos, s’abandonnant à une somnolence bien agréable, percevant à peine les ondulations légères de la houle qui caresse les flancs allongés de sa goélette, laquelle tangue avec nonchalance dans l’enceinte du port.

Faveur inhabituelle, donc très appréciée, il a donné quartier libre à son équipage pour la journée, en prévision du déchargement prochain des tonnes de fruits qui dorment sur le pont ensoleillé, en parvenant lentement à maturation. Ensuite, ils entreprendront ce long voyage devenu nécessaire, vers les côtes françaises, afin d’y faire rafistoler sur un chantier le carénage du rafiot, soumis ces derniers mois à la rude épreuve des tempêtes océanes.

Jacinto Salvador, seul maître à bord après dieu, et encore, porte à ses lèvres la bouteille de liqueur forte de Madère, au goût exquis de canne à sucre, de prune noire et de raisin sec. Il en engloutit une longue rasade, constate avec regret qu’il n’en reste plus une goutte, et envoie rouler la bouteille vide sur le plancher de bois exotique. Elle y ricoche contre deux de ses sœurs. Jacinto se pourlèche les babines comme un jeune chat assis devant un bol de lait, mais, tout-à-coup, il fronce les sourcils. Une moue de contrariété apparaît sur sa face cuivrée et tannée par le vent du large. Non, il n’a pas rêvé, et ce n’est pas le résultat de toute cette gnole ingurgitée depuis l’aube, non, c’est la seconde fois en quelques minutes qu’il entend trottiner au-dessus de sa tête, alors que tous les marins ont quitté le bateau. Qui donc a osé s’introduire sur le bâtiment ? Palsambleu ! Ca ne va pas se passer comme ça. Il se redresse vivement, titube un peu, empoigne son sabre. Ses bottes de cuir produisent un vacarme d’enfer dans l’escalier étroit qui le hisse sur le gaillard d’arrière. Là ! Il avait raison ! Une silhouette féminine se profile sur le pont, entre les caisses et les cordages.

Mortecouille ! Viens là, toi, la musaraigne !

Il happe au passage, entre ses gros doigts velus, le poignet de la donzelle qui tentait de quitter le trois-mâts, et il la secoue comme une poupée de chiffons. Il la dévisage de ses yeux sévères. La frimousse de la vaurienne est barbouillée de pulpe de fruits, et, derrière elle, gisent par terre des vestiges de son casse-croûte, noyaux, pépins, épluchures … Il resserre un peu sa grosse paluche sur l’avant-bras de la jeune inconnue.

Eh bien, petite chapardeuse, tu ne manques pas de culot ! Tu vas immédiatement me rembourser tout ce que tu as mangé, sinon je te fais cirer le pont entier, de la poupe à la proue, tu m’entends !

Les yeux fureteurs du capitaine explorent la scène, et il aperçoit cette fois le jeune capucin occupé à ripailler également.

Ca c’est un peu fort ! Tu as amené ton singe ! Et qui d’autre encore ? Tu es dans de sales draps, gamine !

Les rugissements et les menaces de Jacinto Salvador bondissent de quai en quai, et quelques badauds lèvent vers lui leurs regards étonnés.
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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptyMer 8 Sep - 10:34


Lola


C’était trop beau !
Elle trouve l’étal idéal pour faire ses emplettes et un singe fureteur s’invite à sa table.
D’ordinaire, elle les aime ces petits monstres.
Mais là ! Il l’oblige à se barrer vite fait.
Il doit bien être à quelqu’un et, c’est sur, va y avoir du monde sur le pont très vite.

Pas un seul jour qui se lève pour elle sans que ce soit la pagaille.
Elle en a tellement sa claque de courir et de fuir au moindre signe de danger potentiel, qu’elle en perd sa prudence habituelle.
Les pas sont plus lourds et la fuite plus lente…

Tchak !!!

La main énooorme, la serre plutôt, se referme sur son poignet et Lola danse encore et encore contre sa volonté.
Ballotée, tête à droite, tête à gauche.
Les longs cheveux auburn flottent autour d’elle, balayant au passage ses joues collées de sucre et de pulpe.
La stupeur laisse vite place à la peur qui se transforme vite en rage…
La poigne crochue et velue tiens fermement la gitane. Mais elle se débat et gigote en tout sens.
Grommelant d’une voix sourde et crachant comme une chatte en colère.

Hijo de puta ! Dejame tranquilla..

Son regard brillant de fureur se plante dans celui de son geôlier et elle grimace.
L’haleine tiède et empesée de vapeurs de vin s’échappent autant que ces cris.

J’ai rien fait ! Lâche- moi !!
Il est pas à moi l’animal...Alors je paierais pas pour lui.
J’ai rien volé …
En plus tu empestes l’alcool, matelot..
T’es même pas capable de voir qu’un singe te vole !!Et du coup, tu te venges sur moi.
T’es bien un gadjo pour t’attaquer à une femme.
Et moi qui venais juste pour demander un renseignement.

Sans cesser de gigoter une seule seconde, elle tente désespérément de se dégager de cette main qui serre …qui serre.
Un coup d’œil vers les quais et elle comprend.
Il va finir par rameuter la patrouille ce diable d’homme.

Alors, contre toute attente, elle devient sage, statue immobile et se colle au bonhomme.
De loin, qui va penser à une voleuse…ptet à une dispute d’amoureux tout simplement.
Il faut que ça marche et que de surprise il la lâche…
Et elle pourra enfin espérer filer...


Jacinto Salvador


Ventre-saint-gris ! Voilà que la bougresse se tord et se cabre comme une mule effrayée par la foudre ! Mais Jacinto tient bon, il l’a agrippée par une aile et ne la lâche pas, même si l’alcool de Madère mélangé à son sang ne l’aide ni à conserver l’équilibre, ni à bien assimiler tout ce qui se passe sur le pont. Mais foutre-dieu, ce n’est quand même pas cet asticot qui va faire la loi sur son bateau et lui donner des ordres ! La maigrichonne a beau gigoter et l’abreuver d’injures, – son père doit sûrement être charretier, se dit-il – elle ne réussit qu’à l’énerver davantage.

Et Jacinto Salvador, qui domine l’insolente d’une demi-tête au moins, se met à son tour à lui postillonner à la face un chapelet d’obscénités à faire rougir une mère-maquerelle dans l’exercice de ses fonctions.

Dis donc, petite vipère, tu veux que je te botte le cul jusqu’à ce qu’il soit aussi mou et aussi rouge que les tomates que tu viens de bouffer ? Un bon conseil, ne joue pas à la sainte nitouche avec moi, vilain morpion ! Je t’ai prise la main dans le sac, et tu me rembourseras jusqu’au dernier cruzado !

Le vieux loup de mer roule des yeux effrayants. Il s’étrangle à force de tempêter. Un abominable rictus de colère laisse apparaître une demi-douzaine d’affreux chicots jaunis par le tabac bon marché. Et soudain, est-ce un effet de sa fureur ? L’avorton s’est calmé, la voilà douce comme une brise marine. Elle a enfin compris que ça ne servait à rien de discutailler, c’est évident.

Bon, voilà déjà un problème à moitié réglé. La grosse patte aux doigts boudinés de Jacinto desserre son étreinte. Il jette à la gitane une dernière menace … « Toi tu ne bouges pas d’un cil sinon je t’arrache les guiboles ! » et sa colère se dirige cette fois vers le singe minuscule qui n’a pas interrompu son gueuleton. Jacinto Salvador fait deux pas en direction du pique-assiette. « Vas tu fiche le camp, sale bête ! ». La semelle de sa botte cogne lourdement le plancher pour effaroucher la bestiole, et la manœuvre fonctionne au delà de toute espérance. Le capucin déguerpit en poussant des braillements aigus et se jette dans les haubans.

Les yeux mauvais du capitaine se posent sur la donzelle puis sur l’attroupement qui se forme à quelques enjambées de la goélette. Tous ces enquiquineurs l’exaspèrent. Et puis, il est bien à quelqu’un, ce maudit animal, non ? Jacinto grogne à nouveau, apostrophant les curieux.

Elle est à qui, cette guenon, morbleu ? Va falloir que son propriétaire me rembourse tout ce qu'elle a dévoré !


Rodrigo


Les badauds ne s’ennuient pas sur ce quai, à deux pas de la goélette bercée mollement par une houle paresseuse. Les sourires fusent sur les visages. Malika et Rodrigo se sont approchés pour mieux voir, enjambant des rangées de longs paniers d’osier où s’entassent pêle-mêle savoureux lychees et mandarines juteuses parvenus à la fin de leur exode sur les mers. Sur le pont, sous les haubans tendus comme les cordes d’un luth persan, le spectacle est assuré par un trio tout à fait disparate.

Tout d’abord Rolio, le capucin glouton de Malika, digne fils de Gargantua, capable de dévorer jusqu’à trois fois son poids en fruits de toutes origines. Mis en fuite par le tam-tam d’une paire de bottes, le vaurien s’est réfugié en haut des cordages du hunier. Le goinfre a la bouche pleine, des joues gonflées de hamster, mais il parvient malgré tout à hurler son mécontentement d’avoir été éloigné de son festin.

Ensuite, une jeune gitane, d’une mauvaise foi étonnante, niant absolument tout larcin alors qu’elle a semble t-il été prise sur le fait par le troisième personnage. Celui-là, Rodrigo l’a reconnu instantanément. Il a déjà croisé sa route au cours de sa carrière dans la marine de sa majesté le Roy du Portugal. D’ailleurs, le loustic est connu par chaque marin, chaque catin, chaque tavernier des ports de la péninsule ibérique. En effet, le capitaine Salvador est devenu célèbre par ses colères épouvantables et son penchant immodéré pour la bibine. Au cours de ses neuvaines d’ivrogne invétéré, il est, dit-on, incapable de distinguer une île et ses palmiers d’un bateau à voiles.

Bref, voilà bien un joli brelan d’as…ticots.

Rodrigo n’est guère impressionné par l’ire de Jacinto Salvador, mais il est conscient que ces marchandises cueillies au bout du monde ont un prix. Il est normal ma foi de dédommager le vieux loup de mer qui réclame son dû entre deux jurons. Le jeune gentilhomme s’avance encore d’un pas, lève les yeux, sa dextre tâtonnant sous sa chemise pour y saisir son escarcelle.

Hola, capitaine Salvador ! Vous m’avez reconnu, je pense. Il est inutile de vous montrer agressif envers cet animal. Il appartient à ma compagne, et je suis parfaitement d’accord de vous rembourser intégralement ce qu’il a chapardé. Ce n’est qu’un incident sans importance, il me semble, mais je vous présente volontiers nos excuses. Dites-moi quel est votre prix, capitaine. Un prix raisonnable, bien entendu.
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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptyMer 8 Sep - 10:35


Jacinto Salvador


** Par les cornes de Belzébuth ! Mais que croit-il cet avorton ? Que je ne l’ai pas reconnu ? Que j’ai de la merde dans les yeux ? Que je suis bourré comme une barrique ? **

Mais on n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace, et le capitaine Salvador accueille son jeune interlocuteur avec un sourire plus que cordial, exhibant largement ses derniers chicots en décomposition. Il a effectivement identifié don Rodrigo, fils de Joaquim de Setubal, dit l’Arminho, puissant seigneur et fieffé forban, qui serait, chuchote t-on au coin du feu dans les chaumières, le fils caché du Roy lui-même, et, qui est, en outre, le patriarche d’une des familles les plus fortunées de la région ! Rien que ça ! Excusez du peu. Et la bourse ventrue qu’agite le jeune officier fascine Jacinto Salvador. Elle l’hypnotise. Il en salive à l’avance. Bon sang, il va lui faire débourser un maximum, à ce gringalet qui est né le cul dans le beurre, et qui se pavane avec sa dernière conquête comme s’il était un sultan ou un maradjah.

Bom dia (bonjour) don Rodrigo. Quel bon vent vous amène auprès de mon bateau ? Mais montez donc à bord avec votre charmante compagne, je vous en prie. Vous pourrez récupérer votre mignon petit singe, et nous fixerons un prix pour tout ce qu’il a dévoré. Un prix d’ami, bien entendu. Mais vous n’ignorez pas, don Rodrigo, que ces voyages sont coûteux et périlleux, et que je dois entretenir ma goélette et payer mes matelots.

Après une courbette peu académique, le capitaine se précipite pour poser la planche servant de passerelle d’accès, repoussant au passage la gitane aux cheveux châtains. Tournant le dos aux quais, il lui chuchote rapidement.

Recule, toi ! Tu ne vois donc pas que tu es dans mes pieds ? Dépêche-toi de me payer et puis déguerpis en vitesse, je t’ai assez vue ! Ca fera cinq cruzados. Remue-toi ! Et si tu fais un pas sur la passerelle avant d’allonger la monnaie, je te flanque dans la cale avec les rats et je te jette aux requins dès qu’on sera au large !

Jacinto Salvador se tourne à nouveau vers l’appontement, adresse un second sourire au fils d’Arminho et à sa blonde amie.

Voilà, vous pouvez grimper sur la goélette à présent. Faites attention, senhorita, la passerelle est étroite, accrochez-vous au bras de mon ami don Rodrigo … Vous prendrez bien un petit rafraîchissement ?



Malika


Malika n’est pas que spectatrice, elle se sent concernée. Les poings serrés, le visage pâle, elle enrage de voir comment le capitaine du vieux rafiot traite la jeune fille brune, à la jupe chamarrée et aux anneaux d’or aux oreilles.
Fille de l’Est lointain, elle a bien reconnu une de ses « soeurs » de tribu, sûrement venue d’Espagne, mais d’où qu’elle soit elle est SA famille, SA race, Son sang.

Accrochée au bras de Rodrigo, elle lui murmure « Il ne voit pas pas ez az idio’ta ( cet imbécile) o’o’ éhes ( qu’elle à faim), qu’elle a du se fairrre rejeter de maison en maison par les gajos des villes qu’elle a trrraversées ? »

Mais en voyant Rolio perché dans les vergues, hurlant son mécontentement d’être ainsi dérangé dans son festin, Malika retrouve le sourire. Et lorsqu’il entend le sifflement mélodieux de son rappel, le capucin redescend rapidement, voltigeant d’un mât à l’autre, se laissant glisser le long des cordages, tenant toujours dans une de ses petites mains serrées une pomme aussi grosse que sa frimousse de canaille.

Arrivé sur le bastingage, il saute sur l’épaule de sa maîtresse, glissant entre ses seins une bourse de cuir qu’il tenait fermement serrée contre lui.

Az én kis gazficho ( Mon petit chenapan), qu’est ce que tu as fait encorre ? Elle caresse son petit crâne, l’embrasse sur le bout du nez.

C’était bon au moins ? Rhôo c’est pas une pomme ça ? Tu n’as pas perrdu tes habitudes de voyou ? Tu l’as prrris au Capitaine ?

Le petit animal s’accroche à son cou.Tu as eu rraison, c’est un vilain bonhomme. On va lui jouer un petit tourrr à notrre façon !

En faisant mine de se retourner, elle subtilise de ses longs doigts quelques écus d’or et d’argent. Mazette il ne s’ennuie pas le capitaine, elle est bourrée cette escarcelle. Une petite pensée pour son cousin, merci à toi mon cousin, tu vois je n’ai pas perdu la main moi non plus.

Elle voit le Capitaine parler à l’oreille de la gitane, et celle-ci recule en silence. L’homme se précipite pour poser une planche sur l’appontement et, servile, il leur adresse un sourire édenté.

….Faites attention shénorita, la passerelle est étroite, accrochez vous au bras de mon ami Don Rodrigo…Vous prendrez bien un petit rafraîchissement ?

Malika est radieuse, elle a retrouvé ses couleurs, son sourire charmeur, ses yeux clairs malicieux et remplis de soleil . Elle prend la main de Rodrigo. Viens Amore, allons voir ce senhor et surtout laisse moi le dédommager, c’est à moi a payer ce que Rolio lui a volé. D’ailleurs je pense que je vais payer également les quelques fruits que cette jeune femme a mangés. Surrtout laisse moi fairre, mon coeur !

La jolie blonde tend sa main fine au Capitaine, elle voit à son regard que son charme agit sur le vieux baroudeur. Merrrci de votre accueil Capitaine. Excusez mon petit Rrolio , c’est un vilain gourrrmand, il est incapable de résister à une gâterie. Malika se baisse alors pour déposer Rolio sur le pont ciré.

Hôoooo ! Capitaine ? C’est à vous cette bourrrse, là, par terrre ? Oui là ! Derrière vous. Ou à un de vos hommes d’équipage peut-êtrre ?

La blonde lumineuse, le regard candide, porte la main à sa poitrine et de son charmant accent, roulant comme des petits cailloux dans une rivière, implore le capitaine. Perrmettez-moi de vous dédommager, donnez moi un prix, capitaine, rraisonnable, ça va de soi ? Et pour le déjeuner de la jeune femme aussi.

Malika adresse un sourire resplendissant à la brune puis s’adosse au bastingage près de son amant.

Merrci pour le verre, capitaine, c’est une excellente idée. Un petit porrto, s’il vous plait. Dites-nous, connaissez-vous un bateau qui partirait pour le Royaume de France ?
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Pluie
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptyMar 14 Sep - 17:10


Rodrigo


Non, la proposition de sa princesse « Boucles d’or » ne l’étonne pas le moins du monde. Sans doute se retrouve t-elle trait pour trait dans cette jeune gitane brune, sensiblement du même âge qu’elle, que cet affreux capitaine Salvador surveille d’un œil torve mais vigilant, la lippe empreinte d’une contrariété gigantesque, visiblement prêt à lui arracher un bras si elle cherchait à détaler comme un lapin fuyant la meute.

Comme la brunette aux abois, Malika a connu la faim, la misère, les regards méprisants la condamnant pour sa détresse, avant que leurs destins ne s’épousent sur le canapé d’une roulotte sordide, et qu’elle ne le suive sans hésiter par delà frontières lointaines et montagnes enneigées. Oui, prisonnière de ses bras, elle lui a raconté en détail chaque minute de sa vie d’avant, d’avant eux, d’avant leur amour, cette vie durant laquelle elle fut maintes fois contrainte à chaparder pour se nourrir, ou à visiter de ses longs doigts habiles les poches et les escarcelles des riches badauds à la recherche de sensations fortes dans les ruelles nauséabondes et périlleuses de la cour des miracles. A présent, elle ne manque plus de rien, elle a enfin l’existence qu’elle mérite dans leur cocon de tendresse, mais elle a gardé au fond d’elle-même le souvenir de cette époque cruelle. Et si elle a l’opportunité de venir en aide à une autre gitane dans le besoin, personne ne l’en empêchera. C’est qu’elle sait ce qu’elle veut, la blondinette.

Voilà, Malika a récupéré son capucin gourmand, et a rejoint son amant près de la passerelle, à quelques pas de la fille de Bohème à la chevelure mordorée. La blondinette cherche les yeux de Rodrigo, le gratifie d’un regard intense et prolongé dont la signification lui échappe, mais le jeune aristocrate ne s’en inquiète nullement, l’éclaircissement viendra lorsqu’ils auront quitté la goélette. Le capitaine se montrant cordial, du moins envers eux, ils acceptent le rafraîchissement proposé, et leurs doigts s’entrelacent tendrement tandis que leur hôte trop attentionné pour être honnête esquisse un pas vers sa cabine. Un seul pas, d’ailleurs. La dernière question de Malika a lentement cheminé dans le crâne obtus de Jacinto Salvador, qui rebrousse chemin, les bras ballants, l'air songeur.

Rodrigo surenchérit aux propos de sa compagne. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud, non ?

Effectivement, capitaine, j’allais également aborder ce sujet. Nous sommes à la recherche d’un bateau qui nous conduirait sans trop tarder vers les côtes de France.

A tout hasard, pour appâter le vieux grippe-sous, sans savoir s’il est disponible pour effectuer ce voyage, Rodrigo poursuit.

Bien-sûr il y aurait une jolie bourse pour le pilote qui nous prendrait à son bord. D’autant plus que nous serions sans doute quatre, dont mon père, que vous connaissez certainement, capitaine. Une … euh … affaire de la plus haute importance réclame notre présence à Paris dans un délai assez bref. Qu’en dites-vous, capitaine ? Pouvez-vous nous indiquer un trois-mâts rapide prêt à prendre le large, ou bien seriez-vous personnellement intéressé par notre offre ? Si tel est le cas, je vous ferai livrer également une caisse de cet excellent vin rosé tiré de mes vignobles.

Rodrigo dissimule un sourire. Ce cadeau devrait museler les éventuelles hésitations du soiffard invétéré. Il serre discrètement les doigts menus de sa princesse de Bohème, se doutant bien que cette promesse de quelques litres de leur plus horrible piquette l’amusera également.


lola


Se laisse pas abattre le matelot. !
Les jurons s’égrènent depuis le trou qui lui sert de bouche et la gitane plisse le nez sous les vents alcoolisés qu’il déverse sur elle.
Mais ! Mais ça marche.
Le sourire mauvais qu’elle retient tandis que la serre relâche son étreinte et qu’elle dissimule sous sa chevelure flamboyante et qu’elle marmonne entre ses dents..

Si tu t’imagines que je vais te payer…tu rêves Ivrogne…

Elle est à un pas de la liberté et déjà envisage le bond qui la libèrera de son emprise quand une voix masculine retentit.
Et de voir s’avancer un homme à l’allure fière et habillé comme un prince.
La gitane retient un grognement.
En plein sur son passage...et elle a pas envie de sauter dans l’eau.

Elle écoute, tête baissée le discours et ahurie relève les yeux sur le matelot qui n’en finit pas de se confondre en compliments… et Vas-y que je fais une courbette...
Un sourire narquois se dessine sur le visage de la jeune femme et elle
assiste amusée mais prisonnière plus que jamais de l’affreux capitaine à l’arrivée sur la goélette du damoiseau et de sa belle.

Nouveau grognement vite arrêté quand elle entend la voix féminine, prendre la relève...
La gitane observe minutieuse la blonde qui sous ses beaux habits a l’allure langoureuse et souple des femmes de sa race…

Son regard ne la quitte pas des yeux et elle la suit tandis qu’elle se penche et se relève avec la bourse garnie du capitaine.
Elle plisse les yeux et n’en pense pas moins, juste le regard qui se fait plus brillant.

Et pour le déjeuner de la jeune femme aussi.

Les yeux de braises s’enflamment et Lola pose sur la blonde un regard reconnaissant et complice.

Pour se tourner telle une furie vers le chef pochtron, se dégager et afficher un large sourire découvrant une rangée de dents blanches...
L’insolente gitane pirouette devant lui et instinctivement se rapproche du couple protecteur.

Dites-nous, connaissez-vous un bateau qui partirait pour le Royaume de France ?

Elle voulait la remercier et s’envoler loin de la main leste du Cap...
Mais ces dernières paroles l’arrêtent net.
Son esprit travaille à toute allure et elle voit le salut…
Quitter ce pays devenu hostile...

Elle se rappelle les paroles des vieux cousins autour de feu.
L’un d’eux revenait de là bas et autour du feu la gamine qu’elle était alors avait bu ses paroles comme un doux nectar.
Le cousin était beau et fort comme un dieu et son regard de braise flambait tandis qu’il racontait la vie en France.
Bon nombre d’entre eux avaient planté leur camp sur ses terres lointaines et le mot Paris la fit tressaillir.
Elle se rappelait...il parlait à la veillée de la cour de Paris, la cour des miracles qui disait.
Quel beau nom pensait –elle et que son cousin était beau….


Et son bel homme à la blonde qui renchérit à coup de promesses sonnantes, trébuchantes et de vins parfumés..

Alors Lolà prend une grande respiration et se penche vers la blonde qu’elle colle instinctivement, s’accrochant à son bras…

Emmène moi...tu sais toi...je le sais, je le sens..
Amène-moi. Je prends pas de place.
Sois ma chance.
Là bas y a ptet des gens de ma tribu qui y vivent encore…

La supplique est muette. Les yeux noirs s’assombrissent et Lola retient sa respiration. Suspendue à la réponse de la blonde à la voix mélodieuse.


Jacinto Salvador


Jacinto Salvador est aux anges. Une musique céleste résonne dans sa tête, emplit ses pavillons envahis de longs poils hirsutes, couleur poivre et sel.

Devant ses yeux, déjà, une farandole de cruzados scintillants s’étire et s’enroule gaiement autour du grand mât.

Devant ses yeux, déjà, s’alignent au garde à vous une légion de bouteilles de rosé que le soleil transperce de ses flèches dorées. Charmant spectacle. Ses papilles en frémissent de plaisir à l’avance.

Et ces perspectives réjouissantes le rendent soudain d’une générosité sans limite.

Ne cherchez pas plus loin, je suis votre homme, vous avez trouvé un bateau, le plus rapide et le plus sûr de toute la flottille réunie dans ce port. Et pour les quelques fruits dérobés par cette … euh … jeune personne si charmante, et par votre merveilleux petit singe, bah n’en parlons plus, je vous les offre de bon cœur !

Le vieux loup de mer caresse pensivement la broussaille disgracieuse qui orne ses joues rebondies et pendouille devant ses lèvres rougeaudes.

Voici ce que je vous propose. Ce soir mes matelots vont décharger le bateau, et demain nous devons embarquer quelques tonnes de morues. Donc nous pourrons appareiller après-demain, et dans quelques jours je vous débarquerai à la Rochelle, avant de poursuivre ma route vers le nord.

Les yeux brillants de convoitise, il écoute la chapardeuse implorer la gitane blonde accompagnant don Rodrigo pour être également du voyage. Pourvu que ces-derniers acceptent, ça lui fera une passagère supplémentaire. Mortecouille, ils sont riches, ils peuvent se le permettre ! Sans s’en rendre compte, il se frotte les mains d’un air satisfait.

Il va de soi que ce détour me ralentira quelque peu, et que je devrai veiller à votre protection, votre confort, votre nourriture. Je pense qu’un prix de 200 cruzados par personne serait raisonnable, compte tenu de tous ces frais inattendus. Demain je ferai aménager ma cabine … euh non, plutôt celle de mon second … à votre intention, en y ajoutant quelques couchettes. Vous y serez sans doute un peu à l’étroit, mais je n’ai rien d’autre de disponible. Voilà, c’est réglé, alors ? Cela vous convient ? Et vous serez donc quatre ? Cinq ?

Une bouteille de vieux Porto est apparue entre ses doigts, comme par magie. Il s’apprête à l’ouvrir, mais non, avant de partager avec don Rodrigo et les deux gitanes, il patiente quelque peu. Non mais sans blague, ce n’est pas une taverne ici. S’ils refusent sa proposition, il la videra tout seul, cette bonne bouteille.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptySam 16 Oct - 23:21


Malika


Accoudée au bastingage, Malika sent près d’elle la présence de la jeune fille qui s’est rapprochée. Ses yeux sombres ont l’air suppliant.
Elle se détourne un peu de Rodrigo et écoute les propos de la jolie brune. Celle-ci parle rapidement.

Emmène moi...tu sais toi...je le sais, je le sens..
Là bas y a ptet des gens de ma tribu qui y vivent encore…

Oui, elle le sait, Malika, elle sait très bien ce que la jeune fille ressent, elle a vécu la même chose.
De ses yeux limpides et transparents, elle sonde le regard brûlant accroché au sien et sent bien que derrière le sourire de l’inconnue transparaît une vive inquiétude.

Hermana ( ma soeur ), ne t’inquiètes pas, tu peux venirrr avec nous ! Mais tu sais, à Parrris, il y a autant de danger qu’ici.
Nos semblables y sont mal vus. On ne nous connait pas, nos coutumes non plus et on leurr fait peurrr. C’est vrrrai qu’il faut parrfois savoirrr surrvivrre.
Il faudrrra aussi que je t’explique pourrquoi nous parrtons ! C’est important.
Pourr l’arrgent ne t’en fais pas, tu es maintenant sous la prrrotection de Rrrodrigo. Tu peux êtrre mon amie, ma soeurr, si tu veux. D’ailleurrs tu l’es déjà, d’une cerrtaine manièrrre.

En un instant, son regard se durcit, devient minéral. Mais n’essaie jamais de le séduire, sinon je te tue !

Son sourire revenu, aussitôt Malika se détourne un instant, s’accroche à la manche de Rodrigo et se mettant sur la pointe des pieds lui murmure à l’oreille quelques mots, lui volant un baiser au passage.
Elle se hisse sur la main courante du bord, s’y assied et pose ses pieds bottés sur une caisse. Les mouettes viennent se dandiner sur le pont pour chaparder elles aussi quelques douceurs dans les caisses ouvertes. Elle sourit en regardant Rolio leur disputer un fruit qui a roulé sur le pont.

Capitaine ? Nous serrrons cinq ! Mais parrdonnez moi, vous n’êtes pas sans savoirr que mon beau pèrrre l’Arminho est de sang bleu, il ne peut pas voyager comme un simple passager.
Vous laisserrrez donc VOTRRRE cabine, qui me parraît vu d’ici la plus spacieuse. Il pourra la partager avec son fils Don Rodrigo, et cette Damoiselle voyagerra avec moi dans la cabine de votrre second.

Son regard se fond à celui de Rodrigo, qui, les bras croisés, la dévisage en souriant. Elle sent qu’il a confiance en elle, elle se sent forte, elle peut s’exprimer comme elle en a envie, il a même l’air très fier de sa gitane et amusé par son ultimatum.

Quant à Sajarrrra je pense qu’il prréfèrrera garrder nos porrrtes.

Le regard ébahi du capitaine lui donne envie de rire, il se gratouille la barbe, ses petits yeux sournois passent de Rodrigo à elle.

Et puis Capitaine ! 200 cruzados par personne c’est trop ! Nous sommes plus nombreux maintenant, alorrrs je pense que 150 cruzados par perrrsonne avec un tonnelet de notre meilleur Porrto en plus pourr vous rrremercier ça fera votrre affairrre et la nôtrre.

Sans attendre de réponse, elle saute sur le pont, et se désintéresse du Capitaine. Rodrigo n’a qu’a poursuivre les négociations si cela s’avère nécessaire. Satisfaite et souriante elle rejoint la brune aux vêtements chamarrés.

Comment t’appelles tu ? Moi c’est Malika. Nous partirrons d’ici deux jourrs, si tu ne sais pas où loger d’ici là, viens avec nous jusqu’à l’hacienda.

Elle se met a rire en la prenant par le bras.

Il y a une belle garrrde robe, et tu es aussi mince que moi, tu pourras choisirr ce que tu veux !


Jacinto Salvador


La face rougeaude du capitaine Salvador s’est encore empourprée davantage. Sa vieille peau fripée a pris la couleur du homard cuit. Eh oui, ce n’est pas évident de dissimuler une telle fureur, de garder le profil bas, lorsqu’on est comme lui habitué à régner à bord, et à gueuler comme un damné sur des marins fainéants ou complètement débiles. Un bref instant, c’est plus fort que lui, ses yeux malins et sournois lancent la foudre, oui, une foudre dévastatrice, telle qu’on la rencontre uniquement au cœur des tempêtes tropicales.

Mais le capitaine Salvador est un rusé compère. L’alcool n’y change rien. Il se ressaisit, rengaine sa colère, s’efforce de présenter à nouveau cet air jovial et débonnaire qui fait tout son charme, même si la jolie farandole de pièces dorées qui cheminait gaiement dans son esprit s’est singulièrement raccourcie, suite à ce caprice inattendu de la gitane blonde. Et le voilà contraint d’abdiquer, de faire bonne figure, ne pouvant pas se permettre de déplaire au fils du tout puissant Arminho.

*Sale petite peste, tu ne vaux pas mieux que l’autre, la voleuse ! Un jour tu feras moins la fière !*

C’est entendu. Marché conclu. Vous êtes dure en affaires, señorita, mais l’amitié que je porte depuis de longues années à don Joaquim et à don Rodrigo mérite bien quelques sacrifices financiers …

Arborant un sourire immense, Jacinto s’approche du trio, verse avec parcimonie deux ou trois centilitres de Porto au fond des verres, puis les présente tout d’abord aux deux gitanes. Il poursuit, ravalant de nouveau sa fierté.

Quant à ma cabine personnelle, eh bien soit, je la mettrai volontiers à votre disposition en plus de celle de mon second. Ce sera un plaisir et surtout un honneur pour moi de transporter des personnalités aussi remarquables et respectées, ainsi que des jeunes femmes aussi charmantes …

*… mais toi, la blondasse, si tu n’étais pas la fiancée de don Rodrigo, je te jetterais aux requins, petite teigne, et la brune aussi ! Attachées à la même corde ! Ou bien pire encore, je vous donnerais à mes marins lorsque nous serions au large …*

Hop ! Réconforté, et remis d’excellente humeur par cette menace qu’il gardera pour lui, le capitaine Salvador siffle son Porto en moins de temps qu’il ne faut à un boulet de canon pour transpercer une coque en papier mâché.

A votre santé, mes amis. Je vous attends donc après-demain, tout sera prêt, et nous appareillerons en début d’après-midi …

*… et surtout n’oubliez pas mes cruzados et mes petites liqueurs, sinon vous irez vous faire pendre ailleurs …*


Rodrigo


Il n’y a pas à dire, la princesse Boucles d’or veille aux intérêts et au confort de sa famille d’adoption, en prévision de cette longue traversée sur le rafiot de ce vieux requin de Salvador. Cependant, Rodrigo ne peut s’empêcher de sourire dans sa barbe naissante. Il la connaît par cœur, sa coquine. Elle a un sacré tempérament, un culot monstre, elle est encore très jeune mais elle a horreur de se laisser marcher sur les pieds, et surtout horreur des lèche-bottes. Par ses exigences, l’adorable fripouille a surtout cherché à asticoter et à contrarier les plans du capitaine, et d’ailleurs elle y a brillamment réussi. L’ «ours des tavernes» n’a vraiment que ce qu’il mérite.

En définitive, la somme épargnée n’a que peu d’importance, mais, en agissant de la sorte, Malika s’affirme, Malika trouve sa place dans cet univers si nouveau pour elle, et Malika devient femme. Une femme épanouie. Sa femme. D’ailleurs le boit-sans-soif congénital noiera vite cette légère déconvenue dans quelques longues rasades de Porto ou d’un autre tord-boyaux d’origine douteuse.

En route. Rodrigo salue le vieux crocodile édenté d’un léger hochement de tête, et d’un « C’est entendu, c’est parfait, nous serons à l’heure ! ». Il récupère Rolio, occupé à se chamailler avec un cormoran aussi vorace et indiscipliné que lui, pose le capucin sur son épaule, puis rejoint les deux gitanes qui se sont légèrement écartées des montagnes de fruits exotiques entassées sur le pont de la goélette.

Entendant les dernières paroles de sa blondinette, le jeune gentilhomme surenchérit.

Nous te faisons cette proposition de bon cœur. Sois sans crainte. La vie de Malika n’a pas été un chemin couvert de roses, et nous devinons sans mal que la tienne n’est guère réjouissante. Viens donc, ne refuse pas la main tendue. Regarde, nos montures sont accrochées là, près de cet entrepôt.

Il tend la main vers un hangar encombré de rouleaux de cordages et esquisse à nouveau un sourire.

J’espère que tu n’as pas peur des chevaux. Viens. Tu n’auras qu’à grimper derrière Malika, et nous rentrerons à l’heure du repas si nous ne traînons pas trop en chemin …
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptySam 16 Oct - 23:23


Lola


Hermana…

La voix roule sur des accents qu’elle ne reconnait pas mais ce mot, ce mot là, lui redonne courage.
Elle sourit, découvrant ses dents blanches et resserra son étreinte sur son bras.
Le temps d’un murmure.
Le temps d’un temps d’un regard brulant qui remercie.

Muchas gracias Hermana…Paris ne peut pas être pire.

Elle jeta un bref regard au fiancé et sourit.

T’inquètes pas. Je touche pas aux hommes de mes frangines.

Son regard s’attarda sur le capitaine et elle grimaça.

Lui c’est un borracho !

Elle plissa les yeux et marmonna.
Elle se doutait bien de ce que devait penser l’homme de la mer sur elle et les gens de sa race.
Elle aurait intérêt à se tenir sur ses gardes.
Un objet manquant et la coupable serait vite désignée…

Il y a une belle garrrde robe……….

Elle regarda Malika, réfléchissant à toute vitesse.
Ne sachant pas trop comment s’y prendre devant tant de générosité.
Elle hésitait devant cette abondance de propositions. Se demandant si une cage dorée ne se profilait derrière tout ça.
La méfiance…
Depuis le temps qu’elle trainait seule, la peur des autres était son quotidien.

Nous te faisons cette proposition de bon cœur.
Sois sans crainte……

C’était comme si tout à coup le ciel se déchirait et laissait enfin passer la lumière.
Elle avait envie d’y croire et son instinct lui disait qu’elle pouvait se fier à ce couple.
Ils rayonnaient tous les deux et Lola les regarda avec attention.
Ils s’aimaient c’est sur.

Elle les suivit silencieuse jusqu’au hangar qui abritait leurs montures.
Le sourire s’accrocha à nouveau aux lèvres carmin et elle partit vers les chevaux la main tendue.

Ce sont mes amis.

Son bras s’enroula sur l’encolure de l’un d’eux et elle se mit à le caresser tout en lui parlant à voix basse.
Elle relâcha son étreinte sur l’animal et se tourna vers eux.

J’ai une dette envers vous.
Considérez que je resterais à vos côtés jusqu’à ce que je puisse à mon tour vous rendre la pareille.
Ici…à Paris. Je vous suivrais…

Elle s’appuya contre le cheval et leur sourit.

Je suis prête…


Malika


Terra recule d’un pas et secoue sa crinière épaisse en sentant des bras inconnus s’enrouler autour de son encolure.
Malika s’approche doucement pour s’assurer que son vieux compagnon accepte les caresses sans renâcler. C’est parfait, il ne montre aucune hostilité.
Rassurée, Malika constate que la brune sait parfaitement s’y prendre avec les chevaux. Le contraire l’aurait étonnée, puisque l’amour de la famille, des chevaux, de la musique, sont les caractéristiques communes de toutes les tribus tziganes, qu’elles soient de l’Est ou du Sud.

Appuyée contre Terra, la jolie brune sourit largement à Malika, Je suis prête... La fille de Bohème enfourche l’étalon et tend la main à Lola la Manouche.

Tu est prrrête? Alorrrs viens ! Monte derrrière moi, Terra peut porrter deux plumes comme nous …

Une légère pression de ses cuisses, les brides légèrement tirées, et Terra fait demi tour, puis commence à avancer d’un pas lent.
Rodrigo leur emboîte le pas et les regarde en souriant, Rolio se tenant étrangement calme sur son épaule. Prudent, le capucin observe la nouvelle venue de ses petits yeux brillants et inquiets, ne lui ayant pas encore accordé sa confiance.

Ils progressent lentement sur les quais, et Malika explique rapidement à la jeune fille la raison de leur expédition.
Elle revient en détails sur cette nuit à Paris où elle a été souillée, brutalisée, déchirée par trois soldats ivres. Elle n’a entendu qu’un prénom et a entrevu une bague assez particulière pour ne jamais être oubliée. D’ailleurs elle l’a dessinée pour la montrer sans erreur à Rodrigo et à son père le vieux lion.

Bien sûr, des dizaines de jeunes femmes subissent cette épreuve, que ce soit par la soldatesque, des nobles abjects ou des crapules sans pitié, mais elle, elle n’arrive pas à oublier !
Ses nuits sont hantées par ces trois hommes. Mais dans son malheur, Sarah la Noire, sa patronne bienveillante, leur patronne, a bien veillé sur elle, et elle a eu la chance de ne pas enfanter après ce drame. Malika ne l’aurait d’ailleurs pas supporté.

Tu sais ! Si mon ventrrre s’était arrrondi, j’aurrai planté moi-même mon poignarrrd dans mes entrrailles pour me débarrrasser de ..de cette chose ! Jusqu’à ma morrrt je les cherrrcherai, et j’en tuerai au moins un de mes proprrres mains.

Malika arrête sa monture, son visage s’empourpre de rage. Elle serre très fort ses petits poings. Son esprit l’emporte dans une ruelle des miracles et elle enfonce une dague dans le cœur d’un de ses trois agresseurs. Mais ses traits s’adoucissent lorsqu’elle dévisage son amant, puis quand elle se tourne vers Lola.

Voilà, ce n’est pas un voyage d’agrrrément, tu l’as compris. Et je ne peux ni ne veux te mêler à tout ça, c’est trrop risqué ! Arrivée à Paris tu pourrrras nous épauler ou poursuivre ton chemin si tu le désirres, et nous nous retrouverrrons après la morrrt de ces canailles.*J'espère que tu serras mon amie et que tu ne me trahiras pas pour quelques écus...*

Gyere, közúti! (Allons en route!)

Malika talonne sa monture et ils rejoignent la route poudreuse, entourée de vignes à perte de vue, qui mène à l’hacienda. Le soleil est déjà haut, les paysans coupent les grappes juteuses et sucrées sur les ceps tordus, entre les feuilles mordorées, pour les mettre dans une hotte de bois qu’ils portent sur le dos.

La gitane blonde s’arrête, elle éprouve une plénitude immense devant tant de beauté. Le travail est pénible au moment des vendanges, mais le paysage est magnifique.

Son regard empli de tendresse se tourne vers Rodrigo qui les a rejointes et s’est arrêté à leur hauteur.
Mon Amourrrrr, je n’aurrai pas assez de toute l’éterrnité pour t’aimer, tu m’as redonné goût à la vie. Ralentissons le pas, veux tu ? Montrrons toutes ces merrveilles à Lola. Elle se tourne vers sa compagne, et rit en voyant leurs cheveux blonds et bruns emmêlés par la brise venant de l'Océan.

Et si tout se passe bien, nous reviendrrrons ici. Mais pas pour nous rreposer toute la jourrrnée, chevaucher dans le domaine, et prrendrre le temps de rêver! Il y a du boulot, et le patrrron est exigeant.

Malika sourit en dévisageant Rodrigo, qui les attend à quelques pas, et qui ne donne nullement l'impression d'être un tyran ou un négrier.



Rodrigo


Les derniers mots de Malika illuminent le visage de Rodrigo, tanné par des étés de brise marine, par les bourrasques d’embruns salés, et par ce soleil de plomb qui ricoche sur le miroir cristallin que lui présente la mer et roussit les campagnes entourant l’hacienda.

A cet instant précis, il redécouvre sa sylphide, taquine, joyeuse, heureuse. Oui, sa douce gitane vit très mal les irruptions brutales de ces trois spectres malfaisants qui déambulent au cœur de ses nuits, qui la harcèlent, qui violent ses rêves et sa chair, et ne l’abandonnent qu’au retour du petit matin blême. Oui. Mais soudain, elle lui semble radieuse. Ses grands yeux émerveillés s’abreuvent du paysage, se l’approprient. Et elle rit comme une enfant lorsque sa crinière dorée et les boucles d’acajou de Lola s’entremêlent sous les frémissements malicieux et tièdes de la brise.

Une amie …

Bien-sur il l’aime d’un amour sans limite, possessif, exclusif … mais une amie, une amie de son âge, issue des mêmes horizons, ce serait merveilleux pour elle, qui vit désormais à mille années-lumières de sa terre natale qu’elle a laissée là-bas, quelque part à l’est.

Et Rodrigo enchaîne, s’efforçant de rouler des yeux furibonds, ce que dément son large sourire.

Hooo mon ange, ne dis pas ça, je ne suis pas un bourreau, tu vas effrayer Lola ! Elle va sauter de cheval et s’enfuir en courant si tu continues. Ne l’écoute pas Lola, c’est une petite peste, et elle exagère, comme d’habitude. Elle te taquine. Et moi-aussi par la même occasion. Non, ne t’inquiète pas, nous n’allons pas t’infliger les pires corvées … c’est à Malika que je les réserve !

Satisfait de sa répartie, il sourit de plus belle et replace sa monture dans la bonne direction, tournant le dos aux vagues qui viennent s’échouer paresseusement sur le rivage. Ils trottinent à nouveau sur les sentiers sablonneux, traversent prudemment un ruisseau peu profond mais au courant rapide, puis parviennent à une clôture de hauteur respectable. Une bâtisse allongée, aux murs éclatants, se niche au centre de la propriété, baignée par les rayons pâles d’un soleil qui commence à décliner et disparaît à moitié derrière les collines.

Voilà, Lola, nous sommes arrivés à l’hacienda familiale. Nous occupons la partie centrale, avec mon père et son meilleur ami Sajara. A droite, le logement des employés, et à gauche, les écuries et la chapelle. Ne cherche pas après ma mère, nous avons eu de sérieux différents et mon père l’a exilée dans une de nos propriétés les plus lointaines.

Les deux chevaux arrivent au pied des murs. Rodrigo prend Malika par la taille et la dépose délicatement à l’entrée de l’écurie, puis tend les bras vers Lola.

Suis-nous, jeune fille. Nous allons remettre les chevaux dans leur box, et ensuite nous te montrerons ta chambre, qui sera très proche de la nôtre. Après ça nous te présenterons à mon père, s’il est présent. C’est un personnage impressionnant, un ours, un taureau, mais il est d’une gentillesse sans limite envers sa tribu. Tu lui plairas, j’en suis sûr.
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MessageSujet: Re: La cour des miracles - Roulotte et hacienda   La cour des miracles - Roulotte et hacienda - Page 4 EmptySam 16 Oct - 23:24


Joaquim


L’heure du départ approchait. Joao le sentait dans sa chair. Le dernier voyage !
Les tourtereaux étaient encore absents.

Le retour de Rodrigo ne saurait tarder. Il y avait dans l’air une étrange ambiance. Joao finissait de mettre en ordre sa « Tour ». Ses affaires ne le préoccuperaient plus.

On annonçait dans le Royaume la maladie du roi ; d’aucuns émettaient la fin très proche du monarque.
Les vautours se mettaient en chasse. Fort heureusement la descendance était assurée, le peuple ne serait pas menacé par une quelconque guerre de succession. Les comtés et autres baronnies n’avaient guère de craintes à avoir.
Le vieux lion se mit l’espace d’un court moment, juste le temps d’un battement d’ailes de libellule, à rêvasser aux temps improbables où lui aurait pu être cet héritier.

Que nenni !

Quelle folie !

Le pouvoir, il y avait goûté. C’est un poison qui peut vous faire tourner la tête.


Il détourna le regard sur un ouvrage. Un vieux grimoire qu’il avait oublié après toutes ces années.
Ce livre ancien racontait l’épopée de la famille des Do Setubal do Minho, leur ascension et la conquête de leurs terres.
Se grattant le menton en se saisissant du livre ; il se fit la réflexion que Rodolfo ne devait pas être étranger à ce retour inattendu dans sa bibliothèque.
Il griffonna un mot qu’il plaça dans le livre. Un mot qu’il laissait pour son fils…

Déjà il pensait à ce départ, à cette vengeance…

Les quintes de toux puissantes, bruyantes et terriblement douloureuses se rappelaient fréquemment à lui. Pris par un énième accès de toux, il se plia, puis posa un genou à terre. La main chercha dans le vide et trouva le coin d’un meuble. Il s’y cramponna avec rudesse, avec force, le temps que sa toux se calme.
Sa poitrine le brulait. Une affreuse sensation le tenaillait. La sensation que ses bronches étaient pris d’un feu intérieur qui allait tout ravager : ses côtes, son ventre, sa poitrine…

Il fallait attendre, attendre que tout cela cesse…. Prendre son mal en patience… Cela fini toujours par s’arrêter… Même si cela peut paraitre atroce quand il est à la recherche de son souffle… l’asphyxie n’est jamais loin.

Il se relève enfin les yeux plein de larmes.
A grandes inspirations, il finit d’expulser sa douleur.
Le calme revient doucement.
Il se redresse complètement et se satisfait que son heure ne soit pas encore arrivée.

Il lui reste à récupérer de cette fatigue qui l’envahit à chaque crise.


Un mélange de voix et de sabots le tire de sa dernière léthargie.
Rodrigo et Malika faisaient leur retour, et… et…. une autre fille du vent… Qu’il jugea, ma foi, fort bien constituée.
Amateur de jolies filles le vieux bougre ne s’y trompait pas.


Ce Rodrigo, quel cachotier, à chaque expédition il ramène une autre conquête dans ses filets…
Un sourire illuminait le visage du vieux seigneur.
Il est le digne fils de son père ce petit.


Lola


S’éloigner enfin des rues puantes qui l’ont vu se terrer des jours entiers…chasser les dernières paroles de la blonde, chasser la faim, la solitude.
La violence décrite par Malika, elle connait Lola, et ses yeux noirs brillent d’un étrange reflet tandis qu’elle apprend la raison du voyage vers le royaume de France.
Elle ne relève même pas l’affront d’une éventuelle trahison de sa part, évoquée par la tsigane.
Celle-ci est bien trop amère.
Elle lève simplement un regard plus noir encore vers elle et qui désapprouve bien plus que de belles paroles.

Les cheveux au vent c’est tout ce qui importe.
Son regard s’adoucit tandis qu’ils stoppent les montures à l’entrée du domaine.
Les vagues vertes des vignes donnent envie de s’arrêter là et de ne plus s’en éloigner.
Elle écoute d’un air distrait, envahit par un étrange sentiment.
Ces lieux hospitaliers et généreux, s’étalant sous une douce lumière.

Du travail…Oui…
Son murmure se perd dans les rêves qui à nouveau l’envahissent. Tandis qu’une petite voix aigrelette résonne au fond de son âme…

t’emballes pas ma jolie...
Ce monde n’est pas le tien…
Juste de passage Lola...
Juste de passage.

Machinalement, elle resserre son étreinte contre la blonde…
Elle au moins, elle l’a reconnait comme une sœur.

Les cheveux au vent c’est tout ce qui importe au fond et elle esquisse un sourire devant le mélange chatoyant de leurs chevelures.

La route se poursuit et la gitane n’en perd pas une miette.
Repérant les sentiers, s’appropriant déjà un chemin de fuite éventuelle. Jusqu'à la lourde clôture qui défend le domaine.

Là elle cesse de laisser son esprit vagabonder et écoute attentivement Rodrigo qui d’un geste large décrit l’hacienda et ses occupants.
Tendant machinalement ses bras vers les bras qui l’aident à descendre de la monture.
Regard rivé vers les murs et les ouvertures…

Elle offrit un large sourire au couple et les remercia d’une voix chaleureuse s’attachant à les suivre, étrangement silencieuse.
Trainant les pieds derrière eux, mourant d’envie d’explorer le domaine, elle leva les yeux vers eux et esquissa un sourire.
L’heure de les laisser entre eux arrivait…

Arrêtant ses pas, elle croisa ses bras sur sa poitrine un instant, observant leurs silhouettes d’amoureux et sans un bruit s’esquiva vers le domaine.

Chat silencieux, elle s’empressa d’ouvrir la première porte qui voulut bien céder et pointa un minois curieux dans la vaste pièce qui s’ouvrait devant elle.
Les yeux arrondis devant la richesse du mobilier et l’allure cossue de l’ensemble, elle avança sur la pointe des pieds.
Soulevant un livre, caressant le tissu des fauteuils.
Devant ce qu’elle découvrait, un pli barra son front.
Partagée entre la joie enfantine et la peur de rêver une fois de plus.

Une porte encore, dans un recoin du mur et Lola, patte de velours, essaya de l’ouvrir.
Fermée…
Elle maugréât à voix basse.
Les portes condamnées avaient le don de l’irriter.
Elle ne les supportait pas !
Elle recula doucement, regard fixé sur la porte close et fit la moue...
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